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Yves Jégo : "La montée de l’extrême droite est le miroir de nos propres insuffisances"
©REUTERS/Jacky Naegelen

Tous coupables

A l'occasion de la sortie de son livre "Marine Le Pen arrivera au pouvoir, sauf si… ", le président de l'UDI par intérim revient sur la montée de l'extrême droite et les moyens de l'endiguer.

Yves Jégo

Yves Jégo

Yves Jégo est président de l'Union des démocrates indépendants (UDI) par intérim depuis le 9 avril 2014, et vice-président du Parti radical.

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Atlantico : Dans votre livre, Marine Le Pen arrivera au pouvoir, sauf si… , paru le 30 avril dernier chez First, vous esquissez deux scénarios possibles pour l'élection présidentielle de 2017. Pour vous, le FN peut se qualifier au second tour si le candidat socialiste s'effondre dès le premier tour, ou "si l'opposition n'arrive pas à se réunir : il est alors tout à fait possible que les candidats de la droite républicaine arrivent derrière celui du FN et du PS", écrivez-vous. Quels sont les éléments vous permettant d'en arriver à ces conclusions ?

Yves Jégo : Je constate la montée constante depuis trente ans du Front national qui est devenu une troisième force politique, à côté de la gauche et de la droite républicaine. J'ai le souvenir du 21 avril 2002, où l'on nous expliquait que jamais le FN ne serait au deuxième tour. Pourtant, ce qui semblait improbable est devenu possible. La lecture des sondages et l'analyse des élections me permettent aujourd'hui de dire que l'arrivée au pouvoir de Marine Le Pen est improbable mais pas impossible.

Lire un extrait du livre d'Yves Jégo : Pourquoi l'arrivée au pouvoir de Marine Le Pen est désormais inéluctable

Le titre de votre livre laisse sous-entendre que l'arrivée de Marine Le Pen au pouvoir n'est bien évidemment pas une fatalité et qu'il serait possible de l'empêcher d'accéder aux fonctions de chef de l'Etat. Comment faire en sorte que les deux scénarios développés dans votre livre ne se réalisent pas ?

Je crois qu'il faut dénoncer ce que serait le programme du FN s'il arrivait au pouvoir.  Il ne s'agit pas de diaboliser le FN et ses électeurs mais bien de montrer à quel point les propositions de ce parti sont nuisibles à notre société. Ensuite, il faut mettre en œuvre la politique de courage qui apportera des réponses à nos compatriotes pour éviter qu'ils ne se réfugient dans le vote FN. La montée de l'extrême droite est le miroir de nos propres insuffisances.

Justement, quelles sont ces insuffisances ?

D'abord, la politique globalement partagée du bouc émissaire qui consiste trop souvent pour les partis politiques à expliquer que les problèmes du pays sont dus à des causes extérieures : aux riches, à la finance, aux étrangers, aux musulmans ou encore à l'Europe. La classe politique se complait à expliquer que notre incapacité à nous adapter au monde qui change est due à des facteurs extérieurs à nous-mêmes. Quand le président de la République dit dans son discours du Bourget que la finance est l'ennemi de la France ou quand un autre parti politique explique que les Roms sont le problème majeur de notre pays, nous sommes dans une logique de bouc émissaire qui donne du grain à moudre aux populistes. La meilleure chose à faire pour lutter contre la montée du FN, est certes de dénoncer son programme mais aussi d'initier un discours de vérité à l'égard des Français. Il nous faut leur expliquer que nous sommes responsables de notre destin. C'est à la France de s'adapter au monde et le monde ne nous attendra pas !

Le centre a-t-il un rôle particulier à jouer ?

Face à un parti socialiste qui déçoit, face à une UMP qui ne parvient pas à retrouver la confiance de l'opinion, la seule alternative aujourd'hui pour bon nombre de français, c'est l'extrême droite. La question est de savoir si, au centre, nous pouvons bâtir une alternative républicaine crédible et si cette offre politique peut convaincre les Français qu'il existe une alternative républicaine à Marine Le Pen. Je suis persuadé qu'il y a une voie nouvelle et que l'on peut développer un modèle de société innovant différent de celui de l'UMP et du PS. La question est de savoir s'il n'est pas trop tard pour que les Français entendent ce discours alternatif.

Pensez-vous qu'il est trop tard ?

C'est toute la question de mon livre. Nous avons des rendez-vous de vérité qui nous dirons ce qu'il en est. Mais nous assistons incontestablement  à une accélération de la montée des populismes qui doit nous obliger à nous interroger.

Quelle est la part de responsabilité du centre ?

Depuis 15 ans, il y a eu des tensions, des déchirements, des tiraillements, des guerres de personnes qui ont transformé l'offre politique du centre en un éparpillement de structures. Nous portons donc collectivement notre part de responsabilité.

La semaine dernière, si vous avez réitéré votre opposition au gouvernement, vous avez néanmoins développé le concept "d'opposition responsable". Qu’entendez-vous par là ?

Quand le gouvernement va dans un sens pour lequel nous plaidons depuis des années,  il est difficile de voter contre simplement pour se démarquer.

Au moment où la France souffre, le sectarisme schizophrène consistant à voter contre ce pour quoi on plaide me semble être une mauvaise réponse. Nous sommes clairement dans l'opposition et nous ne serons jamais la roue de secours de la gauche mais nous sommes capables, quand l'intérêt général est en jeu, d'approuver ce qui va dans le bon sens.

Laissons le sectarisme au FN et montrons aux Français qu'il existe une nouvelle pratique politique à la fois ferme sur ses convictions et responsable dans ses actes.

Une partie de l'opposition est-elle irresponsable ?

Je crois qu'elle est enfermée dans la logique dans laquelle le Parti socialiste s'est enfermé pendant des années et qui consiste à dire non pour dire non. Cela tient quand le pays va moyennement bien mais pas quand le pays est en feu, on ne peut pas tourner la tête simplement parce que nous ne sommes pas au pouvoir.

D'aucuns ont pu voir dans cette notion "d'opposition responsable", un rapprochement du centre avec la majorité. Est-ce en phase avec l'électorat centriste ayant davantage d'affinités avec la droite qu'avec le PS ?

Ceux qui avancent cela sont restés sur le logiciel de la 4ème République. Nous sommes le centre droit, clairement dans l'opposition, il n'y a pas de débat là dessus !

Les résultats électoraux du centre français sont déconnectés de la large audience que ses idées ont dans l'opinion. Peut-on considérer que l'UDI paie le fait d'être un parti de notables aux diagnostics justes mais déconnectés des attentes plus terre-à-terre des Français ?

Rien ne vous permet de dire cela. Nous n'avons que 18 mois d'existence et il y a 18 mois, personne ne pariait un euro sur la réussite de l'initiative de Jean-Louis Borloo. Aujourd'hui, nous comptons 45 000 militants, nous sommes organisés dans tous les départements de France, nous avons gagné un tiers des villes à l'opposition et nous sommes la troisième force parlementaire du pays. Qui l'eut cru il y a 18 mois ? Aujourd'hui, l'UDI est une force encore jeune qui se construit en étant dotée d'un réel potentiel. A nous, dirigeants de l'UDI, de démontrer que nous pouvons transformer ce potentiel en réussites électorales.

A quoi cela tient-il ?

A la capacité qu'auront les Français à accepter une offre renouvelée et à notre capacité à nous à maintenir l'unité de notre famille et à parler aux Français de leur avenir, et rien d'autre.

Jean-Louis Borloo s'est retiré de la vie politique au mois d'avril. François Bayrou est-il le seul aujourd'hui à pouvoir incarner, faire exister le centre sur la scène médiatique ? L'UDI sera-t-elle contrainte de se rapprocher du Modem pour s'assurer une existence aux yeux de l’électorat ?

François Bayrou est le président du Modem, il est une voix centriste importante. Mon ambition est de faire en sorte que cette nouvelle offre politique se construise autour de l'UDI. Nous sommes un parti indépendant et n'avons pas vocation à nous placer sous le leadership de qui que ce soit, aussi respectable soit-il. A nous de faire émerger, pour succéder à Jean Louis Borloo, un leader qui porte fièrement les couleurs de l'UDI et fédère autour de lui une nouvelle force centrale dans la vie politique.

Quelles sont les autres options qui s'offrent à l'UDI quant à la succession de Borloo ?

Nous avons d'abord un devoir de travail sur le fond, et plus que les personnes, ce sont les propositions qui font une offre politique. Beaucoup trop de partis politiques se sont enfermés dans des écuries présidentielles et ont oublié de travailler sur le fond.

Evidemment ce projet devra être incarné par des leaders et nous avons de nombreuses personnalités au sein de l'UDI capables de le faire. Que ce soit Rama Yade, Chantal Jouanno, Jean-Christophe Lagarde, Jean-Marie Bockel Laurent Hénart, Hervé Morin, Philippe Vigier, François Sauvadet et tellement d'autres ..... Je pense aussi que les français aspirent à des visages nouveaux.

Pour être franc, je ne m'inquiète pas quant à notre capacité à trouver un leader. Aujourd'hui, notre défi est plutôt d'établir un projet qui corresponde à ce que souhaite le pays. Je crois, qu'après 18 mois d'existence, nous avons le devoir de renforcer notre capacité de proposition. La France est en désarroi, il faut rebâtir un modèle français et cela demande beaucoup de travail.

Mais je suis tout de même  très attentif à ce qui peut se passer pendant cette période de transition. Toute succession est un danger. Dans un jeune parti, il faut être d'autant plus attentif afin de ne pas fragiliser un édifice en construction à cause des guerres de personnes.

Tout se passera bien si nous avons en tête que les Français nous jugeront sévèrement si nous reproduisons ce qu'a été par exemple la guerre Copé/Fillon à l'UMP.

Pour ma part, j'essaierai de préserver autant que je le pourrai l'unité du parti et l'œuvre construite par Jean Louis Borloo.

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