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Putain, deux ans (déjà) passés... : ce qu’il reste à faire à François Hollande (et ce qui est faisable) dans son programme de 2012
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On fait les comptes

Entre ce qui a été dit, ce qui a été voté (mais pas forcément mis en application) et ce qui a été réellement fait depuis que François Hollande a annoncé ses 60 engagements, Atlantico a démêlé une partie de ce qu'il restait à faire au président de la République, avec les commentaires de l'économiste Philippe Crevel.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Créer un contrat spécifique pour engager un mouvement de relocalisations des usines des grandes entreprises

Ce qui a été fait

Philippe Crevel : Arnaud Montebourg a été le chantre du made in France. Il a lancé un programme visant à la réimplantation de 300 entreprises en France et a développé un logiciel visant à calculer le coût d’une implantation en France par rapport à des implantations en-dehors de nos frontières.

Arnaud Montebourg, alors en charge du Ministère du redressement productif, a mis en œuvre des fonds de revitalisation avec 50 millions d’euros visant à  faciliter l’implantation d’entreprises sur des territoires industriellement sinistrés. Logiquement, ces fonds sont financés  par des entreprises privées quittant la France.

Il a tenté de mobiliser les aides à la réindustrialisation (ARI) pour pouvoir accompagner de manière plus souple les entreprises qui localisent ou relocalisent des productions en France. Il a institué 22 interlocuteurs dans les régions chargées de renforcer l’offre locale des services de l’État en matière d’attractivité et d’accompagnement des entreprises pour tous les projets d’investissement supérieurs à 3 millions d’euros.

Il avait également mis en place une "cellule relocalisations" au sein du cabinet du Ministre du Redressement productif

Ce qui n’a pas été fait

Le contrat de relocalisation est restée lettre morte. Beaucoup d’agitation, quelques relocalisations symboliques et beaucoup d’expatriation, de rachats par des étrangers  ainsi que des faillites.

Ce qui n’est pas faisable

La relocalisation ne se décrète pas. En outre, il est peu probable que des activités parties sous d’autres cieux reviennent en France par un simple coup de baguette magique. Le Ministre aurait dû dépenser son énergie pour le développement de nouvelles filières et pour améliorer l’attractivité de la France, or durant ces deux dernières jamais les capitaux d’origine étrangère ne se seront faits aussi rares.

Instaurer, pour les entreprises qui se délocalisent, un remboursement des aides publiques reçues

Ce qui a été fait

Le Parlement a adopté le 24 février 2014 la loi visant à "redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel". Elle permet entre autre le remboursement des aides publiques versées à l’entreprise qui refuserait une offre de reprise "crédible". Cette loi vise également à lutter contre les licenciements dits boursiers. Ainsi le coût des licenciements collectifs est accru pour les entreprises versant des dividendes ou rachetant leurs actions.

Ce qui n’a pas été fait

Le Gouvernement a renoncé à l’application d’une mesure automatique et couperet et à la nationalisation des sites industriels comme Florange.

Ce qui n’est pas faisable

L’application d’une telle mesure aurait fragilisé tous les montages de reprise. L’insécurité juridique et financière effraie les investisseurs. Le débat sur les nationalisations des sites ou des établissements que des entreprises souhaitent fermer a été fortement contreproductif pour l’attractivité du site "France".

Réorganiser les rapports de force entre producteurs et grande distribution

Ce qui a été fait

Le Gouvernement a fait adopter la loi Hamon sur la consommation qui a introduit en droit français l’action de groupe et qui veut accroître la concurrence au sein de certains secteurs d’activités.

Ce qui n’a pas été fait

Les relations entre producteurs et grande distribution n’ont pas donné lieu à une réelle réforme.

Ce qui est faisable

Le gouvernement devrait améliorer la concurrence au sein de la grande distribution, le cas échéant en augmentant le nombre des acteurs. Il pourrait ainsi scinder les centrales d’achat qui sont en position d’oligopoles en France. Il pourrait aussi peser sur les délais de paiement qui ont tendance à s’allonger en période de crise. A ce sujet, il devrait s’inspirer du modèle allemand qui privilégie le principe de réserve de propriété en vertu duquel l’acheteur ne devient propriétaire d’un bien qu’à partir du moment où il l’a payé.

Interdire aux banques d’exercer dans les paradis fiscaux

La loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires qui a été adoptée par le Parlement le 18 juillet prévoit la séparation des activités des banques et la transparence des activités bancaires dans les paradis fiscaux. Dans les faits, c’est avant tout le FMI et l’OCDE qui sont à la manœuvre. Ainsi, à la demande de la réunion du G20 en 2009, l’OCDE a développé des outils de lutte contre les paradis fiscaux. L’organisation internationale établit une liste chaque année en fonction de critères assez précis.

Les grandes banques françaises ont encore des établissements au sein des paradis fiscaux.


Doubler le plafond du Livret A

Ce qui a été fait

Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a passé en deux fois le plafond du Livret A de 15 300 à 22 950 euros. Le plafond du Livret de Développement Durable a été doublé, passant de 6000 à 12 000 euros.

Ce qui n’a pas été fait

Le plafond du Livret A n’a pas été doublé. Le Président de la République a reporté la mesure visant à passer à 30 600 euros le plafond.

Ce qui n’est pas faisable

Ce doublement avait plusieurs effets pervers. Il favorisait un placement à court terme au détriment des placements longs comme l’assurance-vie au moment même où les entreprises manquent cruellement de fonds propres. Le passage à 22 950 euros du plafond du Livret a déstabilisé la sphère financière. En outre, les transferts de l’épargne vers le Livret A génèrent un coût pour les finances publiques du fait que les intérêts sont totalement exonérés. Par ailleurs, le secteur du logement social ne peut pas absorber l’ensemble des ressources issues du doublement du plafond. Il n’y a donc aucun avantage à relever à court terme le plafond. Le Gouvernement a préféré en 2013 créer deux nouveaux contrats d’assurance-vie : euro-croissance et vie génération afin de mieux orienter l’épargne des ménages vers l’économie productive.

Mettre un terme aux produits financiers toxiques

Ce qui  été fait

La séparation des activités d’investissement des activités des dépôts au niveau des banques a été adoptée. La loi, dans les faits, n’interdit pas à un groupe bancaire d’avoir les deux activités ; elles sont simplement comptablement séparées. La finance, ennemi déclaré, a courbé l’échine en 2012 avant qu’un certain retour au réalisme tout modéré prenne forme en 2013.

Ce n’est pas faisable

Incantation plus qu’une promesse réalisable ; un produit financier est toxique après coup. Nul ne vend un produit en disant qu’il est dangereux ou générateur de risques inconsidérés. A défaut d’interdire toutes les activités bancaires, François Hollande, en prononçant son ode contre la finance, rejouait à Don Quichotte et à Cervantès.

Augmenter de 15% la taxe sur les bénéfices des banques

Ce qui a été fait

Déjà sous Nicolas Sarkozy, les banques ont dû supporter une augmentation de leurs prélèvements. En 2012, François Hollande nouvellement élu a décidé la création d’une contribution exceptionnelle. Selon la fédération bancaire, après ces mesures, les taux d'imposition du secteur bancaire ont atteint près de 65 % en  2013, tous impôts et taxes confondus. En deux ans, les banques ont dû faire face à une augmentation de la taxe sur les salaires, de la  taxe bancaire sur le risque systémique et ont dû participer au fonctionnement des autorités de régulation, l'ACPR et l'AMF.

En 2013, le montant de ces taxes spécifiques a atteint 3 milliards d'euros dont 1,8 milliard au titre de la taxe sur les salaires, et 900 millions d’euros au titre de la taxe de risque systémique.

Ce n’est pas faisable

Aller au-delà en termes de taxation des banques apparaît peu probable. Les banques doivent renforcer leurs fonds propres pour satisfaire aux exigences prudentielles de la Banque Centrale Européenne. Une taxation accrue rendrait encore plus compliqué le respect des rations de liquidités et pénaliserait l’octroi de crédits. Par ailleurs, la France dispose de quatre à cinq banques de taille internationale. Une taxation accrue aboutirait à affaiblir un secteur où nous avons encore un avantage comparatif certain.

Augmenter la part de rémunération forfaitaire des médecins généralistes

Ce qui a été fait

La Ministre de la Santé a essayé de lutter contre les déserts sanitaires en fixant un minimum de revenus par médecin.

Ce qui n’a pas été fait

En revanche, la réforme de l’assurance-maladie est restée lettre morte tout comme la refonte du mode de rémunération des médecins. Sujet sensible surtout en période électorale, les gouvernements avancent avec prudence.

Ce qui est faisable

Manuel Valls a prévu de réaliser des économies sur le secteur de la santé. A priori, ils devraient recourir à des armes assez classiques, déremboursement, diminution des dépenses d’investissement des hôpitaux… Il est fort peu probable qu’il s’attaque aux rémunérations des médecins. Il pourrait augmenter le ticket modérateur en le passant à 3 ou 5 euros.

Supprimer les stock-options et encadrer les bonus

Ce qui a été fait

La fiscalité a été durcie en matière de stock-options, de distributions d’actions gratuites. Ainsi, désormais, les gains d'acquisition  sont soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu comme les  traitements et salaires auxquels s’ajoutent une  contribution salariale spécifique de 10 %  et les prélèvements sociaux de 8 %. De leur côté, les gains de cession sont imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu comme les plus-values de cession de valeurs mobilières.

Le Gouvernement a plafonné les rémunérations des dirigeants d’entreprise publique qui sont limitées à 450 000 euros annuels depuis le mois de juillet 2012.

Il a, avec difficulté, imposé une taxation à 75 % des rémunérations dépassant le million d’euros, taxe qui est acquitté non pas par le contribuable mais par l’entreprise.

Ce qui n’a pas été fait

Le Gouvernement a renoncé à supprimer les stock-options et a fixé un cadre pour la rémunération des dirigeants d’entreprise.

Ce qui n’est pas faisable

Les rémunérations dans le secteur privé relèvent des décisions des entreprises. A priori, sauf à pouvoir justifier un motif d’intérêt général, le Gouvernement n'a guère intérêt à légiférer sur ce sujet. Par ailleurs, il y aurait un risque de départ des dirigeants d’entreprise français pour l’étranger ou le développement de montages complexes pour contourner la législation.

Le déficit public sera réduit à 3% du produit intérieur brut en 2013

Ce qui a été fait

Le déficit public a été ramené de  à 4,3 % en 2013. Dès l’arrivée de François Hollande à la présidence de la République, la France a obtenu avec d’autres pays un report de deux ans pour le respect de la règle des 3 %. De ce fait, il était initialement prévu que cet objectif soit atteint en 2015.

Ce qui est faisable

Le déficit devait atteindre 3,6 % en 2014 et 2,9 % en 2015. Les premières prévisions de la Commission de Bruxelles penchent pour un déficit autour de 4 % tant en 2014 qu’en 2015. Le Gouvernement de Manuel Valls s’est engagé sur un plan d’économies de 50 milliards d’euros qui court jusqu’en 2017. Il faudrait sans nul doute trouver 20 à 30 milliards d’euros de plus, surtout si la croissance reste bloquée à moins de 1 %.

Ce qui n’est pas faisable

Le respect du calendrier  par Bruxelles n’est pas réalisable au vu des mesures annoncées. La France obtiendra un répit mais pas un report de l’échéancier. Dans les faits, Bruxelles pourrait fermer les yeux sur le dépassement, sous réserve que l’inflexion soit réelle en matière de réduction du déficit.

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