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Comme Patti Reagan... Ces fils et filles de présidents qui se rebellèrent contre leur père
©Reuters

Bonnes feuilles

Mon père est président ! A priori, il y a pire comme situation, mais l'enquête menée par Daniel Ichbiah montre pourtant le contraire. Impossible de faire un pas de travers (quoique), difficile de faire aussi bien que (même si)... Le moins que l'on puisse dire, c'est que la vie de ces filles et fils de présidents n'est pas un long fleuve tranquille. Extrait de "Fils de P...", de Daniel Ichbiah, aux éditions de l'Opportun (2/2).

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah est écrivain et journaliste, spécialisé dans les jeux vidéo, les nouvelles technologiques, la musique et la production musicale.

Il est l'auteur de nombreux best-sellers tels que La Saga des jeux vidéos, Les 4 vies de Steve Jobs, Rock Vibrations, Le Livre de la Bonne Humeur, Bill Gates et la saga de Microsoft, etc. Daniel Ichbiah a aussi écrit : Qui es-tu ChatGPT ?

Parmi les biographies musicales écrites par l’auteur figurent celles du groupe Téléphone, de Michael Jackson, des Beatles, d’Elvis Presley, de Madonna (il a également publié Les chansons de Madonna), des Rolling Stones, etc. 

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Vers la fin de l’année 1982, Ronald Reagan traverse une période sombre. Les mesures de redressement adoptées pour l’économie américaine peinent à porter leurs fruits et l’ancien acteur de série B est désavoué par l’opinion publique. Il lui est reproché d’opérer à contre-courant des idées reçues. Le président s’est fait remarquer par quelques déclarations originales qui traduisent sa philosophie comme « Le gouvernement n’est pas la solution du problème, le gouvernement est le problème. » Pourtant, bien des options adoptées par la Maison-Blanche sont mal vécues par une partie de la population. Le temps joue en sa faveur mais, en attendant, le baromètre est à l’orage.

Seul dans le bureau Ovale, Ronald ronge son frein. Le comble, c’est que sa propre fille Patti est devenue l’une de ses plus farouches opposantes. Elle participe à des meetings publics de dénonciation ouverte de la politique du président, s’illustre par ses prises de position en faveur de l’avortement ou contre les armes nucléaires. La fille de Ronald est sa principale dénonciatrice, tout au moins la plus voyante, celle qui fait le plus parler d’elle.

Pour Patti, il semble que rien n’ait jamais été simple. Elle est née le 22 octobre 1952 à la suite d’une grossesse difficile : sa mère, Nancy, est allée jusqu’à affirmer que Patti s’accrochait à ses côtes ! Il a fallu une césarienne pour que le bébé consente à s’extraire du giron maternel.

Les deux femmes ont entretenu très tôt des relations conflictuelles, tout du moins si l’on s’en tient à la version relatée par Patti dans son autobiographie (The Way I see it, 1992). Elle aurait récolté son lot de gifles et de brimades de la part de Nancy.

Certes, son témoignage a pu sembler exagéré, mais à en l’en croire sa mère lui tenait rancune de sa grossesse difficile, et quoi qu’il en soit aurait préféré avoir un garçon. L’épouse de Ronald réprimandait Patti pour la moindre raison : manger un biscuit alors que sa mère estimait qu’elle prenait du poids, mettre du rouge à lèvres alors qu’elle n’avait que 11 ans…

« Elle avait la sensation que si elle pouvait tout contrôler – y compris mon corps – elle contrôlerait l’univers », a écrit Patti.

Nancy aurait même frappé Patti en découvrant que sa fille avait désormais ses règles : « J’ai essayé de le lui cacher, j’avais peur qu’elle soit en colère et m’humilie. »

Toujours selon elle, Nancy Reagan, celle qui plus tard militerait sans réserve pour une Amérique libérée des drogues, absorbait une dose peu catholique de tranquillisants et autres psychotropes, sans que cela ait d’ailleurs d’effet pondérateur sur sa nervosité.

Ronald Reagan venait-il parfois compenser cette dureté par des sermons d’indulgence ? Pas vraiment. À en croire Patti, l’acteur était plutôt enclin à mettre de l’huile sur le feu. Maigre consolation : Patti attribuait les défaillances de ses géniteurs au fait que durant leur propre jeunesse le père de Ronald était un alcoolique et que celui de Nancy l’avait abandonnée.

Patti Davis disait tout de même avoir conservé quelques bons souvenirs de moments privilégiés avec son père : « Nous faisions du cheval ensemble, il me parlait de la terre et de l’océan. »

Ces moments paraissaient toutefois rares dans son souvenir.

Ronald Reagan, l’homme que l’on a connu comme un président ultralibéral de 1981 à 1988, a d’abord brillé par ses principes humanistes. Il a été jusqu’à démissionner d’un club de golf qui se vantait de ne pas accueillir de juifs parmi ses membres.

Pourtant, durant son adolescence, Patti n’avait qu’une hâte : échapper au plus vite au carcan familial. La culture hippie qui a émergé en 1967, l’année où Reagan est devenu gouverneur de Californie, avait tout pour la séduire. Celle qui approchait de ses 15 ans est entrée en résistance, au niveau de ses idées comme de son look.

Tous les enfants de Reagan n’ont pas marqué leur existence d’une pareille hostilité à leur géniteur. Née en 1941 d’un premier mariage, avec l’actrice Jane Wyman, Maureen avait pour atout d’être encore plus républicaine que son père.

À l’âge de 11 ans, un événement particulier avait changé la vie de Maureen. La télévision diffusait les conventions des Démocrates et des Républicains. Elle avait été instantanément captivée de voir l’Histoire se créer sous ses yeux. Dès lors, Maureen demeurait couramment des heures devant le poste, oubliant de dîner. Alors que sa mère, Jane, lui enjoignait de sortir jouer à l’extérieur, elle préférait suivre le déroulement des campagnes et déclarait : « Je suis occupée. » Durant cet été 1952, Maureen avait fait son choix, devenant une Républicaine. Hélas pour elle, à cette époque, son père Ronald était démocrate !

Pour le bonheur de Maureen, et le désarroi de Patti, en 1969, un dénommé Richard Nixon a demandé à Ronald de diriger un groupe baptisé « les Démocrates pour Nixon ». Reagan allait bientôt basculer dans l’autre camp et l’on connaît la suite.

À la fin de son adolescence, soucieuse de rester mince, Patti avait développé une addiction aux pilules amaigrissantes – il était fréquent qu’elle les obtienne en les échangeant contre les tranquillisants de sa mère. Cette dépendance l’avait rendue anorexique.

Que l’on n’aille pas croire que la guerre permanente contre ses géniteurs l’enchantait particulièrement. À l’université, elle manqua de s’ouvrir les veines, tant elle se sentait malheureuse. Déboussolée, elle se laissa glisser dans l’enfer du LSD, s’adonna à diverses substances hallucinogènes et même à la cocaïne.

Patti en vint à abandonner les études. Elle caressait l’ambition de devenir actrice et délaissa le nom de Reagan pour prendre le nom d’artiste Davis – du nom du premier époux de sa mère.

En 1972, alors que Ronald Reagan est gouverneur de Californie depuis cinq années déjà, Patti devient la petite amie de Bernie Leadon, le guitariste moustachu et bouclé du groupe les Eagles.

Dans son autobiographie, Nancy Reagan a écrit que « Ronnie » et elle-même avaient marqué leur nette opposition à cette relation.

Il faut vous rappeler que nous sommes d’une autre génération et que l’idée de vivre ensemble sans être mariés nous était étrangère. Durant les années où Patti a été la compagne de Bernie Leadon, nous n’avons pratiquement eu aucun contact. Ce n’était pas le fait qu’elle vive avec un musicien de rock, même si les Eagles n’étaient pas exactement le rêve d’une mère… C’était juste que je ne pouvais accepter le fait qu’ils vivaient ensemble. »

Si la génération Woodstock est favorable à la liberté amoureuse. Nancy Reagan ne mange pas de ce pain-là. Cette « nouvelle moralité » la fait sortir de ses gonds :

« Nos fils et nos filles se voient dire qu’il ne devrait plus y avoir de règles… Sur les campus, on leur dit qu’il est bien d’être “cool” et “dans le coup”, qu’ils ne doivent pas avoir de complexes à propos du sexe et des liaisons avant le mariage. Je pense qu’il est temps pour la majorité d’entre nous de dire stop ! »

Autant dire que les deux femmes vivent en complet décalage.

Patti va coécrire avec Bernie Leadon la chanson I wish you peace (« je te souhaite de trouver la paix »), qui sort en 1975 sur l’album des Eagles One of these nights. Les paroles semblent décrire un peu du parcours tourmenté qu’elle a pu suivre : « Je te souhaite du confort lorsque tu es seul/Des bras pour te serrer lorsque tu souffres à l’intérieur/De l’espoir quand les choses semblent aller mal/Des mots de gentillesse quand tu es triste. »

Certains ont estimé qu’il y aurait eu dans cette chanson un message de Bernie Leadon à l’intention de Glenn Frey, leader des Eagles – il a quitté le groupe peu de temps après. Il est toutefois probable que Patti ait mis un peu d’elle-même dans ces mots.

Après sa séparation d’avec Bernie Leadon, Patti tente de s’imposer comme actrice. Elle obtient de petits rôles dans les séries La croisière s’amuse et L’Île fantastique. Toujours amatrice de rock stars, elle va entretenir une liaison avec Dennis Wilson du groupe les Beach Boys, et le chanteur Kris Kristofferson. À un moment, elle fera même l’expérience du ménage à trois. En 1977, Patti se fait stériliser et invoquera plus tard la raison suivante : « J’étais terrifiée à l’idée que, si je devenais mère je deviendrais comme ma mère et abuserais d’un enfant comme elle l’a fait avec moi. »

Lorsque Ronald Reagan décroche la présidence des États-Unis, à la fin de 1980, Patti apparaît aux côtés du couple victorieux, avec un look sexy, mais sans excès.

Les années Reagan, celles du libéralisme à tous crins, démarrent. Elles vont colorer la décennie d’une curieuse flamboyance. Au travers de l’acteurprésident, l’Amérique affaiblie par le bourbier du Vietnam et l’épisode des otages retenus en Iran reprend du poil de la bête, réaffirme sa position dominatrice, son affection pour le capitalisme. De son côté, Patti Davis marque de plus en plus ouvertement son opposition au chantre du libéralisme. Elle s’oppose notamment à la politique militaire prônée par son père.

Durant les premières années de la présidence, Patti ne désespère pas d’influer sur les choix du maître de l’Amérique. À partir de 1982, Reagan annonce son intention d’accroître le nombre d’armes nucléaires. La physicienne Helen Caldicott, qui préside une organisation soucieuse d’empêcher la prolifération de ces armes, reçoit bientôt le soutien de Patti.

La fille du président parvient à convaincre son père de recevoir Caldicott en décembre 1982. La physicienne sort favorablement impressionnée car elle reconnaît sa bonne volonté à prêter l’oreille à ses opposants. Il demeure qu’ils ont des vues diamétralement opposées :

« Il m’a dit : “Vous avez peur qu’une guerre nucléaire puisse se produire.” Je lui ai dit : “Oui, c’est exact.” Il m’a dit :“Moi aussi, j’ai peur de la guerre nucléaire, mais je veux l’empêcher en fabricant davantage de bombes nucléaires.” »

Il a été entendu que ni Reagan ni Caldicott ne parleraient de cette entrevue à qui que ce soit. Pourtant, un journaliste a insisté pour que la physicienne se confie à lui off the record. Ce reporter du Chicago Sun Times avait ensuite imprimé ce qu’elle lui avait dit. Reagan se voit alors critiquer de toutes parts.

« J’ai écrit à Reagan pour m’excuser de cette violation de l’éthique journalistique », raconte Caldicott. Pour ce faire, elle confie une lettre à Patti afin qu’elle la transmette son père. La fille accepte de servir de messager et, dans la mesure où elle a elle-même favorisé la rencontre, plaide pour la bonne foi de la physicienne. Dans les faits, le président prend la chose avec humour :

« Ronald Reagan m’a répondu par une lettre gentille pour me dire qu’il était habitué à ce genre de coup bas, évoque Caldicott. «Selon lui, les journalistes n’étaient pas des gentlemen et ils ne respectaient plus les règles et obligations de leur métier. Il disait regretter l’époque où il existait une sorte de code d’honneur dans la presse. »

Reagan a tenu à informer Patti qu’il avait envoyé cette lettre gentille à Mme Caldicott ; il peut alors sembler que leurs rapports demeurent cordiaux. Pourtant, au fil des mois, l’attitude de Patti va se durcir, et elle va se muer en opposante de tous les instants.

Ronald Reagan aura même ces mots : « Patti ne cache aucunement le fait qu’elle pense que j’ai tout faux. Elle est opposée à tout ce que je représente. »

En 1983, Patti Davis décroche un rôle mineur dans le film L’Héritier de la Panthère rose, de Blake Edwards. Pourtant, tandis que son père devient une sorte de héros national auprès d’une frange de la population américaine, elle-même ne décroche généralement que des rôles secondaires. Elle va peu à peu laisser tomber le cinéma pour se consacrer à l’écriture.

À la fin de 1984, le boom économique est au rendez-vous. Reagan est réélu triomphalement avec un score record : 58,97 % des suffrages. Le plus étonnant, c’est qu’il a obtenu la majorité des votes « jeunes » (de 18 à 29 ans) alors que cet électorat penche traditionnellement du côté démocrate. Pour Patti, le désaveu est fort.

Le second mandat de Ronald Reagan est plus houleux. À la fin de l’année 1986, le président va devoir s’expliquer sur la vente illégale d’armes à l’Iran par plusieurs membres de son gouvernement et cette affaire, l’IranGate, va entacher le reste de son mandat. Peu de temps auparavant, une autre salve a été lancée et celle-ci est venue de Patti.

Le roman qu’elle a publié en mars 1986, Home Front, décrit le parcours d’un père distant, gouverneur de Californie, qui en vient à être élu président de la République. S’il s’agit d’une fiction, celle-ci n’en contient pas moins de nombreux événements romancés de sa propre vie. Ainsi, l’héroïne, Beth Canfield, manifeste contre le conflit du Vietnam et son père, Robert Canfield, fait appel à la garde nationale pour mettre au pas les contestataires. Ce dernier est dépeint comme un anticommuniste primaire, stéréotypé. Sa mère n’est pas davantage à l’honneur : toujours parfaitement coiffée et maquillée, la dénommée Harriet brille par sa superficialité, donnant des conseils à sa fille tels que « Ne commande jamais de la soupe lors du premier rendez-vous. » Quand bien même Nancy Reagan livre pour seul commentaire qu’il s’agit d’un roman de fiction, cette publication accentue la distance avec sa famille.

Publiquement, Ronald Reagan se montre débonnaire malgré ce nouvel assaut, se contentant de dire avec un large sourire : « J’espère que cela lui rapporte beaucoup. » Il demeure que deux chaînes de télévisions annuleront les interviews de Patti qu’elles avaient prévues. Reagan se retrouve forcé de nier qu’il y soit pour quoi que ce soit.

La sortie de Home Front est très mal vécue par les frères et soeurs de Patti. À partir de ce moment-là, ils ne se parlent plus.

Au début de l’année 1989, Ronald Reagan quitte la Maison-Blanche. Le temps de la retraite est advenu et il ne désespère pas de renouer avec sa fille. Un jour de 1989, Patti rend visite à ses parents au bras de son époux du moment, Paul Grilley, un professeur de yoga – ils vont divorcer l’année suivante. Ronald sort alors un album de photos et clame « Regarde, nous sommes une famille heureuse ! »

Agacée, Patti réplique « Ces photos ont été prises lorsque j’avais 2 ans. À cette époque-là, je ne pouvais pas parler ! »

Trois ans plus tard, au début de l’année 1992, Ronald Reagan apprend une nouvelle bien plus angoissante : Patti s’apprête à publier une autobiographie, The Way I see it, sans concession pour ses parents, décrits, en particulier Nancy, sous un jour très négatif. Alarmé, Ronald Reagan se fend d’une lettre où il exhorte Patti à faire la paix.

« Chère Patti,

Je vais bientôt avoir 81 ans. Je ne peux pas rester assis et négliger de faire des efforts pour changer notre situation familiale. J’ai lu et entendu des bruits concernant la biographie sur laquelle tu travailles et comment tu envisages d’explorer ce que tu appelles les échecs de ta famille.

Patti, tu nous heurtes – nous, tes parents – mais tu te fais encore plus de mal à toi-même. Nous n’avons pas été une famille à problème. Est-ce qu’il était anormal de prévoir un stand de hot-dogs pour chaque fête annuelle à ton école ? Est-ce qu’il était anormal de t’emmener en vacances chaque année à Coronado 1 et à Frances Beach 2 ? J’aurais voulu que tu t’assoies avec moi et regarde un peu les photos que nous avons prises alors. Est-ce que ta mère n’a pas fait ce qu’il fallait lorsqu’elle a planifié ton mariage ?

Patti, lorsque tu es venue au bureau, tu as dit que ta mère ne t’aimait pas. Ce n’est pas vrai. C’est sûr, elle est malheureuse de voir la tournure actuelle des choses, mais là encore je peux te montrer des photos dans lesquelles l’amour qui passe entre vous est indéniable. Et nous avons de telles images à chaque époque de notre vie. Les photographies ne mentent pas.

Je pourrais continuer comme cela, Patti, mais les années qu’il me reste à vivre sont limitées. Je peux te dire ce que c’est que d’avoir des regrets à propos de choses que j’ai faites ou n’ai pas faites avant que mes parents ne quittent cette terre. Je ne souhaite pas que tu aies à affronter cela. Avant tout, Patti, il faut que tu réalises que ton Père et ta Mère conservent de bons souvenirs de notre “première-née” – une merveilleuse petite fille qui venait dans notre chambre, tôt le matin, pour se glisser dans le lit entre nous. Ce n’est que l’un des nombreux souvenirs que je chéris.

S’il te plaît, Patti, ne nous retire pas nos souvenirs d’une fille que nous aimons sincèrement et qui nous manque. »

Pourtant, quand bien même Patti aurait des regrets, elle est liée par contrat – il se dit que Putnam lui aurait offert plus d’un demi-million de dollars pour ses Mémoires.

Le livre The Way I see it (« de mon point de vue ») sort en avril 1992 et constitue une attaque en règle de ses parents. Patti y parle de la dépendance de Nancy aux tranquillisants et somnifères tels que le Quaaludes ou le Valium. Sa mère est dépeinte comme une femme cruelle et froide capable de hurler sur le personnel de maison.

Si Ronald, pour sa part, semble excessivement insouciant, bien des anecdotes personnelles sont compromettantes pour l’ancien président. En voyant Jackie Kennedy apparaître sur le petit écran peu après l’assassinat de son mari, Reagan se serait permis de dire : « Elle n’aurait pas pu changer de costume ? Il y a plein de sang dessus. » Lorsque l’affaire du Watergate s’est produite, en 1972, il aurait dit : « Nixon aurait dû détruire ces satanées bandes. » Pendant l’affaire des otages d’Iran, en 1980, les Reagan auraient exprimé leur crainte que ceux-ci soient libérés à une date qui serait inappropriée, à même de faire gagner Carter, son opposant.

Lors d’une interview à la radio de Santa Monica, Patti Davis, alors âgée de 39 ans, prétend vouloir apporter une autre perception que celle habituellement véhiculée sur sa famille.

« Je ne suis pas en train de lancer un quelconque message à mes parents à travers ce livre. Il serait vain d’agir ainsi. J’ai écrit ce livre parce que j’estimais qu’il était temps de raconter la vérité. »

Les Reagan réagissent à la publication du livre de Patti par une déclaration officielle :

« Nous sommes attristés et peinés par ces histoires… qui sont absolument fausses. Nous avons toujours aimé tous nos enfants, Patti comprise. Nous espérons que le jour viendra où elle rejoindra la famille. Jusqu’à ce que ce jour advienne, nous ne voyons pas l’intérêt d’apporter le moindre commentaire. »

Les trois autres enfants du couple s’abstiennent pareillement de tout commentaire.

En 1993, la demi-soeur Maureen vit une troublante expérience. Un jour, elle parle à son père d’un film qu’il a tourné dans les années 1950, Prisoners of War. Il lui répond : « Je ne me rappelle absolument pas avoir tourné dans ce film. »

Maureen comprend alors que quelque chose ne tourne pas rond. « Aucun acteur n’oublie jamais un rôle qu’il a eu », se surprend-elle à penser.

Un an plus tard, Reagan viendra s’exprimer à la télévision nationale pour annoncer au monde qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer.

« Je démarre à présent un voyage qui va m’amener au coucher de soleil de ma vie », déclare l’ancien dirigeant.

Dès lors, l’infatigable Maureen Reagan va consacrer une part de son existence à combattre l’alzheimer et poursuivra cette action jusqu’à sa propre disparition.

Patti fait un ultime pied de nez à sa famille conservatrice en juillet 1994 lorsqu’elle apparaît, intégralement nue, dans le magazine Playboy. Elle a alors déjà 41 ans et ne cache rien de sa belle plastique. Sur la couverture, pour mieux pimenter le cocktail, elle apparaît souriante, nue jusqu’au nombril, la poitrine dissimulée par les mains d’un homme noir. Elle va également participer à une vidéo pour Playboy tout aussi explicite. La rébellion est devenue un mode opératoire qui ne connaît plus de limite.

Pourtant, le volcan ne peut demeurer éternellement en éruption. La nouvelle de la maladie d’Alzheimer transforme l’attitude de Patti. Au moment où le patriarche a révélé sa pathologie, elle vit à New York. Il arrive fréquemment que des gens l’arrêtent dans la rue pour exprimer leur sympathie ou partager leurs expériences personnelles en la matière. Dès lors, elle reprend contact et une affection renaît.

Lors des dernières années d’existence de Ronald Reagan, Patti se rapproche peu à peu de celui qu’elle a longtemps honni. Il lui arrive de se pencher vers ce père qui a perdu la mémoire et d’embrasser son front.

Peu avant la disparition de Ronald Reagan, Patti livre un récit touchant dans le magazine Times, qui fait apparaître une véritable métamorphose. Elle dévoile une facette tendre, attentionnée, pleine d’admiration pour l’humanité de cet homme qu’elle avait longtemps rabroué. Elle décrit un homme humble, d’une grande bonté.

« Lui et moi allions de temps en temps nous promener. Bras dessus, bras dessous, un après-midi, nous avons marché aux alentours de son domicile. Quelques personnes l’ont reconnu et lui ont fait des signes, lançant des “Bonjour, Monsieur le président ! ”, “Que Dieu vous bénisse”… Il leur a souri en retour. Puis, il m’a regardée, interloqué, et m’a demandé :— Est-ce que je connais ces gens ? — Non papa, ai-je répondu. Ils t’ont reconnu et voulaient te dire bonjour. Il m’a regardée d’un air encore plus perplexe : — Mais comment se fait-il qu’ils me connaissent ? Je savais qu’il n’avait plus le souvenir d’avoir été président. Il se souvenait des moments de patin à glace quand il était jeune, ou d’avoir nagé dans le Mississipi durant l’été, mais pas de son impact sur le pays et sur le monde. Je n’ai pas voulu ajouter à la confusion et lui ai juste dit : — Ils t’ont vu marcher dans le quartier. Il a alors souri et ses yeux se sont éclairés : — C’est très gentil à eux. Ce sont des gens charmants.Des moments comme celui-là révélaient ce qui était le plus essentiel chez mon père – sa grâce, sa gentillesse envers les autres, sa gratitude et son humilité. La maladie n’avait pas éliminé ces qualités. »

Patti exprime alors des regrets pour ces années où elle sortait volontiers les griffes et celles où elle n’a pas eu le temps de vivre à ses côtés, lorsqu’il avait toute sa conscience.

« Il y a eu un moment où, en quittant la maison, je lui ai dit “Au revoir, je t’aime.” Ses yeux se sont ouverts dans une expression de surprise et il a dit “Merci. Merci beaucoup.” Il n’avait pas idée de qui j’étais.

Je suis heureuse d’avoir été la fille d’un homme d’une telle grâce.

Patti raconte aussi qu’elle le regardait parfois au fond des yeux, cherchant à traverser le voile de l’alzheimer, avec des mots d’excuses « espérant que dans son coeur, il m’entendrait et me comprendrait. »

Elle s’est aussi réconciliée « émotionnellement » avec Nancy, selon ses propres dires. Une page est tournée. Et le revirement est devenu marqué. Durant l’année 2003, la famille apprend qu’une minisérie a été tournée par CBS, Les Reagan. Patti Davis monte au créneau et s’en prend publiquement aux producteurs, accusés de « cruauté et manque de respect ». Elle reproche notamment aux réalisateurs de n’avoir consulté aucun membre de la famille. La controverse va être si forte que CBS renoncera à une diffusion nationale et ne programmera la série que sur une chaîne du câble, Showtime. En apprenant cette décision, Patti déclare que CBS a « agi comme il le fallait ».

Quand l’ancien président quitte ce monde, le 5 juin 2004, Patti demeure à ses côtés jusqu’à son dernier souffle.

Avec l’âge, la rancoeur de Patti s’est donc émoussée. La fille s’est mise à parcourir le pays, donnant des conférences sur la réconciliation et le pardon. Elle raconte à qui veut l’entendre comment elle a redécouvert le pouvoir de la famille.

Faudrait-il croire qu’elle en a définitivement terminé avec sa tendance à la rébellion ? Hmm… Pas si vite.

En mai 2011, Patti Davis a fait à nouveau parler d’elle. Alors qu’on ne l’attendait plus au tournant, elle a récidivé en posant une nouvelle fois nue, à l’âge de 58 ans, dans More ! Une fois de plus, elle a surpris par la finesse de son anatomie.

Si l’actrice Helen Mirren est allée plus loin, en posant nue à 65 ans dans une baignoire, cette séance photo a occasionné des clichés qui relaient un certain malaise, tant elle paraissait impudique dans ce rôle qui ne lui convenait plus. Patti Davis, pour sa part, à 58 ans, pouvait se vanter d’une plastique irréprochable.

Il demeure que Patti a fortement changé. Elle affirme aujourd’hui qu’elle est déçue de la politique d’Obama. Elle est allée jusqu’à poster un tweet qui a fait grand bruit, dans lequel elle marque ses distances envers Obamacare, le programme de sécurité sociale du président américain. Les réactions ont été telles qu’elle a fini par retirer ce tweet. Il demeure qu’elle a tout de même écrit une lettre au président Obama l’appelant à se montrer plus humble et moins partisan. Elle est allée jusqu’à lui conseiller de s’inspirer de Reagan !

En avril 2013, Patti a de nouveau suscité la controverse en affirmant que son père aurait été en faveur du mariage gay. Il n’en fallait pas plus pour qu’une rixe familiale redémarre car Michael Reagan, fils adoptif d’un précédent mariage, était pour sa part persuadé du contraire ! « C’était un chrétien convaincu. Est-ce qu’il aurait été en faveur du mariage gay ? Non ! »

Pourtant, Patti Davis qui au même moment venait de sortir un roman mettant en scène deux lesbiennes amoureuses, affirme que Ronald Reagan aurait été ouvert à cette évolution sociétale :

« Il était certes vieux jeu. Est-ce qu’il aurait pu comprendre que deux personnes du même sexe soient amoureuses ? Non, bien évidemment. Mais il aurait estimé que le gouvernement n’avait pas son mot à dire quand au désir de deux individus de s’engager ensemble. Il était partisan de “moins de gouvernement”. »

Une chose semble sûre : Patti est loin d’avoir dit son dernier mot !...

Extrait de "Fils de P...", de Daniel Ichbiah, aux éditions de l'Opportun, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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