Création de 190 000 emplois grâce au pacte de responsabilité : à supposer qu’on y parvienne, quel aura été le coût par emploi ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Rebsamen a affirmé que les 30 milliards euros d’allègements prévus par le Pacte de Responsabilité permettraient de créer au total 490 000 emplois
François Rebsamen a affirmé que les 30 milliards euros d’allègements prévus par le Pacte de Responsabilité permettraient de créer au total 490 000 emplois
©Reuters

A vos calculettes !

Le ministre du Travail François Rebsamen a déclaré mardi 22 avril au Sénat que les 10 milliards d'exonérations de cotisations patronales du pacte de responsabilité permettraient de créer 190 000 emplois.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Atlantico : François Rebsamen a récemment affirmé que les 30 milliards d'euros d’allègements prévus par le Pacte de Responsabilité permettraient de créer au total 490 000 emplois, dont 190 000 rien que sur les 10 milliards d'exonérations de charges (les 20 milliards restant étant représentés par le CICE). Quel serait en conséquence le coût par emploi d'un tel dispositif ? 

Robin Rivaton : De manière apparente, le coût par emploi créé s’élèverait à 61.200 euros, soit plus de 3 salariés payés au SMIC par an. En réalité ce raisonnement souffre d’un triple défaut. D’abord, l’ensemble des allègements de charges ne sert pas à créer des emplois mais permet d’investir dans de nouvelles machines pour produire mieux ou en recherche et développement pour améliorer le positionnement de la gamme de produits. Le surplus de rentabilité peut être aussi utilisé pour reconstituer les fonds propres des sociétés qui ont été mis à mal au cours de la dernière décennie. Ensuite, c’est un défaut très commun de rapporter le coût d’un emploi au seul SMIC mais le coût chargé d’un emploi payé 2 fois le SMIC atteint 50.000 euros et même 74.000 euros pour un emploi payé 3 fois le SMIC. Or, l’économie de l’innovation passe aussi par des emplois plus qualifiés et donc mieux rémunérés. Enfin, il s’agit d’emplois directs or la création d’un demi million d’emplois aura de puissants effets indirects et induits en matière de consommation et donc d’emplois supplémentaires.

Au regard d'un tel chiffre (autour de 60 000 euros donc) peut-on dire que l'opération soit rentable pour le gouvernement ? 

La rentabilité de l’opération n’a pas à être observée du point de vue du gouvernement mais du point de vue de l’économie nationale. Il faut comprendre que toute réduction de la charge des entreprises aura un effet positif car elle se traduira par une amélioration de la profitabilité et donc des capacités d’investissement. Or, l’économie française souffre d’un manque récurrent d’investissements dans son outil productif, ce qui a conduit à la baisse de qualité de sa gamme de produits. Cependant, l’opération ne fonctionnera que si les entrepreneurs ont confiance en l’avenir et attendent un cadre législatif et fiscal stable.

Concernant le strict effet sur les finances publiques, la réduction du nombre de personnes sans emploi a un double effet : d’un côté, il génère des recettes fiscales supplémentaires ; d’un autre côté, ce sont autant de dépenses sociales (allocations) en moins. L’opération est donc très rentable pour le gouvernement à court-terme et encore plus à long-terme.

Quelles politiques permettraient d’améliorer encore ce bilan ?

La réduction des dépenses publiques aura forcément un effet récessif car elle se traduit par une baisse de la consommation adressée aux entreprises françaises. Pour limiter ces effets négatifs, il faut veiller à ce que la réduction de dépenses préalables aux allègements soient faites là où elles servent le moins la croissance future. Il ne faudrait pas que cette réduction touche les capacités de recherche fondamentale, les universités par exemple.

En outre, je propose d’accompagner ce pacte de responsabilité par des réformes à coût zéro comme la simplification du mille-feuille fiscal. L’imposition directe des ménages est devenue un sujet opaque aux yeux des citoyens et inefficace en termes de maximisation des recettes pour l’Etat. Au même titre que la confiance est nécessaire pour relancer l’investissement des entreprises, les citoyens seraient susceptibles d’accroître leur offre de travail dans le cadre d’un système fiscal plus simple et plus lisible (voir la note Taxer mieux, gagner plus de Robin Rivaton).

La Grande-Bretagne a créé de son côté 485 000 emplois en 2013, quel en a été le coût ? Quels enseignements en tirer pour notre situation ?

Les entreprises ont également bénéficié d’allègements de charge mais inférieurs à ce qui est prévu en France. C’est donc en appliquant ces réformes à coût zéro, dont notamment une fluidification du marché du travail en réduisant la durée des procédures de licenciement collectifs ou en empêchant les recours pour licenciements abusifs, que le Royaume-Uni a réussi à créer autant d’emplois. Et cela s’est fait uniquement dans le secteur privé puisque les destructions d’emplois publics ont été constantes les deux dernières années. Les programmes de renforcement de l’attractivité du pays envers les grandes entreprises étrangères ont également eu des effets positifs puisque les emplois dans les nouvelles technologies ont connu une croissance supérieure à celle du marché du travail.

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