Cécile Duflot est partie mais la loi Alur sur l’accès au logement reste... et la paralysie du marché guette<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration / Des tentes sur le bord de la Seine.
Photo d'illustration / Des tentes sur le bord de la Seine.
©Reuters

Immobilier

La loi Alur a été publiée au journal officiel le 26 mars dernier. Mise en place pour rendre le logement plus accessible et fluidifier les transactions, la loi provoque l'effet inverse au point de paralyser un secteur qui était déjà pourtant en crise.

Anne-Sophie  Rebboah

Anne-Sophie Rebboah

Anne-Sophie Rebboah est Directrice de Square's International, bureau immobilier de prestige implanté à Neuilly-sur-Seine.

Diplômée de l'Essec MBA, elle est également Fondatrice du The Private Realty Club, réseau international des professionnels de l'immobilier résidentiel de luxe.

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Atlantico : La loi sur l'accès au logement et pour un urbanisme rénové (Alur) de l'ancienne ministre du Logement, Cécile Duflot, est entrée en vigueur il y a près d'un mois. Quel est l’impact de cette loi sur les agences immobilières ? Est-ce que cela provoque un ralentissement du processus de vente /d’achat ?

Anne-Sophie Rebboah : L’impact a été immédiat. Les clients sont inquiets, nous constatons de la frilosité de la part des acquéreurs. Le contexte n’était déjà pas favorable mais le marché commençait à bien reprendre. Les acheteurs prenaient davantage confiance et souhaitaient acquérir des biens, l’activité était devenue saine. Pourtant, il y avait de la retenue mais les barrières psychologiques s’estompaient car les acquéreurs étaient dans de bonnes conditions pour l’achat. En effet, les prix étaient en baisse et les taux avantageux pour les crédits immobiliers. Brutalement, la loi Alur voit le jour précédée du changement de gouvernement, et installe un climat d’instabilité. Les acquéreurs se posent de nombreuses questions, le syndrome « je veux acheter mais je ne sais comment faire » refait surface et notre rôle est de les rassurer, de leur apporter l’information nécessaire à leur décision. Ce phénomène d’inquiétude ralentit les processus et nous pousse à être davantage attentifs. Nous faisons de la psychologie auprès de nos clients car il réside un flou autour de cette loi, toutes les mesures n’ont pas encore été adopté. Le processus d’acquisition va indéniablement se rallonger dans le temps.

A cela s’ajoute le fait que les acheteurs ont un temps de réflexion qui est plus long. Auparavant, le délai de rétractation de 7 jours survenait pendant le moment de récolte des différents documents administratifs chez le notaire. Or, aujourd’hui, ce délai de réflexion arrive une fois que les papiers sont déjà rassemblés. De ce fait, les acheteurs sont indécis et reviennent bien souvent sur leur avis de départ, les ventes sont moins fluides et les vendeurs sont face à une instabilité qui représente une source de stress permanent. Aussi bien du côté des acquéreurs que des acheteurs, la frilosité est omniprésente et les délais deviennent lourds. Les agences immobilières pendant ce temps de latence ne sont évidemment pas rémunérées si l’achat n’a pas lieu.

La garantie universelle des loyers (GUL) garantie-t-elle un accès au logement ? Cette mesure a-t-elle provoqué une réaction de la part des propriétaires qui pourraient devenir frileux à louer leurs biens ?

C’est le point le plus épineux de cette loi. Accéder à la propriété n’est pas une possibilité pour tout le monde. Or, la location devient de plus en plus complexe avec la loi Alur car elle augmente les responsabilités des propriétaires qui en deviennent hors-norme. Les propriétaires préfèrent préserver leur bien plutôt que le mettre en location. La loi bloque le marché de la location.

Côté agence, l’encadrement au niveau des commissions d’agences est intolérable, les professionnels n’ont plus d’intérêts à prendre la responsabilité des locations qui ne sont plus rentables. Là où la loi était censée rendre la location plus accessible,  elle accentue finalement la crise du logement, de nombreux foyers modestes ne vont plus pouvoir se loger.

En étant essentiellement favorable aux locataires, la loi en oublie les problématiques des propriétaires. Prenons l’exemple des frais d’agences, auparavant pour les locations meublées, la charge était essentiellement à la portée du locataire et dans le cas d’une location vide, la charge était partagée entre le locataire et le bailleur. Depuis l’adoption de la loi, le bailleur doit dans les deux cas payer des frais d’agences. Il faut ajouter à ces frais, le fait que le cautionnement est annulé et la trêve hivernale qui est maintenue. Dès lors, les obligations sont amputées au propriétaire qui se trouve face à une situation qui ne le protège pas réellement. Certes, le locataire a des bénéfices sauf que les propriétaires ne veulent plus mettre en location leurs biens et l’offre va disparaître. Nous vivons cette situation au quotidien, un exemple très concret,  j’avais pris rendez-vous avec des propriétaires pour louer un appartement dans la ville de Neuilly sur Seine, ils ont finalement décidé de le mettre en vente prétextant que la location n’avait plus d’intérêt. La situation législative a créé un cercle vicieux qui va provoquer une raréfaction de l’offre et un accès au logement de plus en plus tumultueux.

De plus, les loyers sont bloqués, ils ne vont donc pas pouvoir augmenter, ce qui va d’autant plus freiner la volonté des propriétaires. Il ne faut pas omettre le fait que le marché dépend aussi des propriétaires.

Quelles sont les répercussions sur les professions de l’immobilier ? Allons-nous assister à une restructuration forcée du métier ?

Les syndicats de copropriété vont souffrir de ces mesures car ils vont avoir un travail colossal et les plus petites structures vont être amenées à disparaître. Les professions dans l’immobilier vont être gravement touchées et pénalisées. La loi vient entraver la confiance du marché. En voulant assouplir un contexte de crise, finalement la loi ne fait que le renforcer. La situation est loin d’être simple, c’est une voie sclérosée. Nous sommes en train d’assister à la paralysation d’une économie qui est liée à un point pourtant vital, celui du logement.

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