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Le Misanthrope prend un sacré coup de jeune à la Comédie Française
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Atlanti-culture

Le grand apport de la nouvelle version du Misanthrope mise en scène par Clément Hervieu-Léger est le glissement de l'intérêt du spectacle du personnage d'Alceste à celui de Célimène, donnant ainsi un coup de projecteur novateur sur le texte de Molière consacré à la jeune femme, en ce qu'il a en même temps de brillant et d'hyper-réaliste.

Thème

Un atrabilaire qui hait l'univers mondain est, curieusement, follement amoureux d'une femme, égérie de cet univers. Arrivera-t-il à le lui faire quitter pour partir avec lui dans ce qu'il appelle le "désert"?

Points forts

Comme c'est la troisième chronique que je fais en moins d'un an sur "LE MISANTHROPE" (après les deux remarquables versions proposées par JF Sivadier à l'Odéon, en juin 2013; et par Michel Fau, au Théâtre de l'Oeuvre, en janvier dernier; cf chronique/archives Culture-Tops), je ne vous ferai pas un laïus sur la pièce, mais soulignerai plutôt ce que cette nouvelle version apporte de plus original, en insistant sur deux points forts :

1. Le fait d'avoir choisi deux interprètes jeunes pour incarner Alceste et Célimène (Loïc Corbery et Georgia Scalliet), donne beaucoup plus de force au propos :

- d'abord, parce qu'on comprend que l'attitude d'Alceste, le misanthrope, tient au moins autant à son tempérament qu'à son expérience de la vie. Alceste est, sans doute, l'un des personnages les plus masochistes de l'histoire du théâtre français.

- ensuite, parce que le fait que Loïc Corbery soit un beau garçon permet de mieux accepter l'idée que deux jolies femmes, Alceste et sa cousine, Eliante, soient amoureuses d'un homme au caractère si désagréable.

2. Le talent exceptionnel, et confirmé à chaque nouveau rôle, de Georgia Scalliet fait ici ressortir, comme jamais personnellement je ne l'avais perçu, toute l'intelligence, l'esprit d'à propos, le brio, mais aussi la sensibilité de Célimène, qui va bien au-delà des afféteries d'une coquette. Pour l'essentiel, jeune veuve, elle fait ce qu'elle peut pour s'en sortir dans l'univers social qui est le sien. En tirant certes un peu, je le concède, sur la corde de la coupable naïveté des hommes...Mais, franchement, pourquoi devrait-elle "renoncer au monde avant que de vieillir"?

Georgia Scalliet est extraordinaire de naturel, de charme et d'abattage dans deux scènes: celle du repas et lorsqu'elle rive son clou à la peste Arsinoé. Et qu'elle autorité spontanée quand elle dit à Alceste :"Restez !"

Points faibles

Deux remarques, l'une liée à cette version; l'autre, à l'oeuvre elle-même :

1. C'est sans doute très à propos de montrer qu'Alceste est un homme torturé et qui ne s'aime pas, mais côté gestuel, Loïc Corbery en fait trop. En particulier, dans la dernière partie de la pièce, où il a plus l'air d'un pantin hystérique et désarticulé que d'un redresseur de torts. Et cela complique évidemment le jeu de ses partenaires; en particulier, celui de Georgia Scalliet.

2. Les trois versions de qualité proposées en moins d'un an ne font que légitimer cette question, propre à susciter un certain émoi dans les milieux culturellement 'intégristes" : franchement, cette pièce, comme la plupart des grandes pièces classiques, ne gagnerait-elle pas à être raccourcie d'au moins 1/2 heure? En grappillant ici et là. Je pense, par exemple, aux échanges entre Alceste et Philinte, entre Célimène et Arsinoé, entre les petits marquis etc...

En deux mots ...

Qui en seront quatre :

1. Résultat de cette abondance de "MISANTHROPE" en moins d'un an : les trois versions évoquées peuvent prétendre à l'excellence : celle de Sivadier,dans le genre classique intelligent; celle de Fau, par son originalité; celle-ci, de Clément Hernieux-Léger, par sa modernité.

2. Le grand apport de cette version c'est, grâce à l'exceptionnelle qualité du jeu de Georgia Scalliet et aussi à l'exaspération maladive et répulsive du caractère d'Alceste, le glissement de l'intérêt du spectacle du personnage d'Alceste à celui de Célimène, donnant ainsi un coup de projecteur novateur sur le texte de Molière consacré à la jeune femme, en ce qu'il a en même temps de brillant et d'hyper-réaliste.

3. On dit que Molière a écrit ce "MISANTHROPE" dans un moment de désarroi et de rancune énergique à l'encontre de Racine. D'où, peut-être, la force singulière de ce texte, à mon sens le plus éclatant, et de loin, de Molière.

4. C'est fou ce que le mauvais esprit peut rendre brillant : l'extraordinaire galerie de portraits dressés par Célimène au cours du repas; le défoulement de son dépit par Arsinoé, à la fin de la pièce: imaginez de telles saillies dans un dîner aujourd'hui...

Recommandation

Excellent Excellent

L'intensité du "fort" compensant largement la réalité du "faible".

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