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Pourquoi l’affaire Aquilino Morelle modifie bien plus les rapports de force au sein de la Hollandie que le simple départ d’un conseiller
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Conséquences

La démission d'Aquilino Morelle, l'un des principaux conseillers en communication du Président, tombe mal, alors que le Président de la République doit plus que jamais être audible sur la question européenne, sur la réforme territoriale ou sur le pacte de responsabilité.

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Atlantico : La démission d'Aquilino Morelle, l'un des principaux conseillers en communication du Président, tombe au plus mal alors que François Hollande entame une série de rencontres avec les Français après n'être plus sorti publiquement depuis deux mois. Jusqu'à quel point l'agenda de l'Elysée peut-il être mis à mal à quelques mois des Européennes ?

Benoît de Valicourt : Je me demande s'il faut rire ou pleurer des déconvenues du Président de la République ! Quand il sort de l'Elysée à titre privé, le monde entier est informé des moindres détails de sa vie sentimentale et quand il a l'intention d'aller à la rencontre des Français qui l'ont élu, il se retrouve seul sans celui qui aurait pu lui souffler les "éléments de langage" pour que le peuple de gauche comprenne la politique d'un président normal plus proche des stars de cinéma, des journalistes et de plumes souffrant de schizophrénie (au point de travailler secrètement pour un laboratoire spécialisé dans les troubles psychiatriques !).

Que c'est compliqué la politique, surtout quand on appartient à l'intelligentsia de gauche. D'un côté, il faut avoir un discours proche des préoccupations du peuple aspirant à corriger les inégalités sociales et d'un autre côté, il faut vivre pleinement la dimension bourgeoise du bolchevisme en tant qu'idéologie d'une élite qui a les moyens intellectuels et financiers de savoir ce qui est bon pour le peuple. C'est sans aucun doute très schizophrène !

Après la défaite des élections municipales, le parti socialiste et plus particulièrement l'exécutif se trouvent dans une situation compliquée où il va falloir expliquer aux Français que les vilains sont les responsables de droite, que les affaires concernent uniquement le camp de Nicolas Sarkozy et que la probité ne peut pas être qu'une valeur de droite qui n'a de cesse de défendre les intérêts du capital. Cette explication de texte vient quelques jours après avoir défendu la nomination du Secrétaire d'Etat aux Affaires Européennes, l'euro-député le plus absent du parlement européen, Harlem Désir. Si le Président de la République a choisi comme axe de communication, celui de l'humour, alors il n'a besoin d'aucun conseiller, il est maître en la matière. Du pain et des jeux disaient les romains, des anxiolytiques et de l'humour disent les Hollandais !

Plus largement, M. Morelle était un élément clé du dispositif Hollande ainsi qu'une "caution de gauche" louable en ces temps de grogne au Parti Socialiste. Les relations avec le parti, et la gauche en général, peuvent-elle être impactées ?

Souhaitons le car si monsieur Morelle était la caution de gauche rassurant les anti-Valls, il faut revoir les définitions du lexique de la gauche ou inventer une nouvelle droite. Ce qui est le plus surprenant dans toutes ces révélations sur le monde politique, c'est qu'elles n'ont pas tant d'impact que cela sur les citoyens plus préoccupés par l'emploi ou les impôts que par les frasques de leurs dirigeants. A droite, Jean-François Copé est épinglé avec Bygmalion, on "apprend" que François Fillon retrouvait Pénélope aux frais de l'UMP en Ulysse des temps modernes et à gauche, le loup de Wallstreet est considéré comme un petit joueur. Il reste quoi ? Une droite de la droite qui grignote des points dans les sondages espérant arriver première aux européennes et une gauche de la gauche qui souffre de ses divisions. Mais pourquoi les Français ne se réveillent pas pour dire qu'ils aspirent à vivre dans une démocratie mature et responsable offrant les garanties de la probité  et l'exemplarité de ses gouvernants ?

Si Aquilino Morelle peut ressouder les tenants d'une gauche sociale, le Président de la République, au delà de saluer sa démission, peut le remercier.

La pression sur le conseiller élyséen était forte : le patron du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, avait appelé à sa démission en cas de conflit d'intérêts avéré. « Si ce qui se dit est vérifié, je ne vois pas comment il peut rester. Mais si ce n'est pas vrai, il faut qu'il s'explique, il faut une grande explication pour que l'on puisse y voir clair », a déclaré M. Cambadélis. Sans se prononcer sur la question de la démission, la secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) avait, elle, condamné la pluriactivité d'Aquilino Morelle. Manuel Valls peut-il profiter de ce "vide" dans la communication du Président pour occuper l'espace ? Le départ d'un de ses alliés ne peut-il pas paradoxalement être une aubaine pour l'actuel Premier Ministre ?

Certes la nature a horreur du vide, mais un scandale en chasse un autre, une affaire succède à une autre et l'espace laissé est très court pour l'utiliser intelligemment, d'autant que Manuel Valls doit faire face à la colère des élus locaux, grands électeurs du scrutin sénatorial qui suivra les européennes. Bref, c'est compliqué pour le Premier ministre de se servir du "vide" dans la communication du Président de la République quand il n'y a pas de message audible sur la question européenne, sur la réforme territoriale ou sur le pacte de responsabilité. Ces trois sujets sont pourtant fondamentaux, ils concernent les Français mais ne sont ni expliqués, ni appropriés par les élus qui savent que l'ignorance du plus grand nombre est la garantie de leur survie "politique".

Quels sont les potentiels candidats à la succession de M. Morelle ? Faut-il s'attendre (ou non) à une inflexion dans la communication présidentielle ?

Je ne sais pas s'il y a de potentiels candidats à la succession de Monsieur Morelle tant le personnage est trouble. Je crois qu'il convient de marquer une rupture, de considérer que la communication du Président de la République doit reposer sur la transcription du message électoral en élaboration d'une politique pragmatique au service du plus grand nombre dans l'intérêt général. Pour s'adresser aux Français, il faut parler la même langue et donner le même sens aux mots. "Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre et ce que vous comprenez ... il y a au moins 9 possibilités de ne pas s'entendre." Cette maxime traduit la difficulté de l'exercice et je sais que pour m'en servir chaque jour comme base de travail, on peut arriver à communiquer avec son environnement. Si le Président de la République souhaite que je l'accompagne, je succèderai volontiers à Aquilino Morelle, sans lui cirer les pompes !

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