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Scandale au Vatican : qui a couvert et qui a dénoncé les crimes pédophiles à la tête de l'Eglise ?
©Reuters

Bonnes feuilles

Dans la lignée de son livre "Les secrets du Vatican", Bernard Lecomte rouvre seize dossiers emblématiques et souvent mystérieux concernant l'Eglise catholique. L'un d'entre-eux est le scandale de la pédophilie chez les prêtres. Extraits des "Derniers secrets du Vatican" (2/2).

Bernard Lecomte

Bernard Lecomte

Ancien grand reporter à La Croix et à L'Express, ancien rédacteur en chef du Figaro Magazine, Bernard Lecomte est un des meilleurs spécialistes du Vatican. Ses livres sur le sujet font autorité, notamment sa biographie de Jean-Paul II qui fut un succès mondial. Il a publié Tous les secrets du Vatican chez Perrin. 

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« DER FALL GROER ». Au dos des kiosques à journaux de Vienne, ce 16 mars 1995, la couverture de Profil attire le regard : le plus important news magazine autrichien annonce un fameux scoop. Ses premiers lecteurs n’en croient pas leurs yeux. Un certain Josef Hartmann, ancien élève du cardinal Groer, archevêque de Vienne, révèle que cet éminent prélat, quand il était enseignant au petit séminaire de Hollabrunn, l’avait contraint à des attouchements sexuels pendant plusieurs années.

Groer ! Le numéro un de l’Eglise catholique autrichienne ! Le président de la Conférence épiscopale d’un des pays les plus catholiques d’Europe ! Un saint homme ordonné par le cardinal Innitzer, consacré par le cardinal König, créé cardinal par Jean-Paul II en personne ! C’est impossible ! Pourtant, c’est la vérité. Incroyable, scandaleuse, sordide. L’éviction immédiate de Groer de la présidence de la Conférence épiscopale est un demi-aveu. Le 12 avril, la nomination par Rome d’un archevêque coadjuteur, Mgr Christoph Schönborn, destiné à le remplacer, en est un autre. En août, Groer est « démissionné » de son poste d’archevêque de Vienne, mais il n’avouera jamais, ne demandera jamais pardon. C’est Schönborn qui confirmera la responsabilité de son prédécesseur, lequel mourra quelques années plus tard, isolé et silencieux.

Sacrifier l’honneur d’un cardinal à la vérité, voilà une décision à laquelle l’Eglise catholique n’avait pas habitué ses ouailles. Depuis des siècles, elle pratique la culture du silence sur ce sujet. Elle n’est d’ailleurs pas la seule : toutes les institutions civiles et religieuses confrontées à ce crime terrible – Education nationale, comités d’entreprise, clubs de vacances, chorales, associations sportives ont toujours réglé ces problèmes « en interne ». C’est-à-dire dans le secret. Et sans jamais prendre en compte le sort des victimes.

A l’époque, dans l’Eglise, le silence va de pair avec la confusion. Le document de référence est la lettre Crimen sollicitationis rédigée en 1962 par la Sacrée Congrégation du Saint-Office et discrètement adressée, à quelques semaines de l’ouverture du concile Vatican II, aux principaux responsables de l’Eglise catholique. Le texte, signé par le cardinal Ottaviani, se réfère à la constitution Sacramentum Poenitentiae qui date de… 1741. Il vise surtout les prêtres qui utiliseraient la confession pour faire des avances sexuelles à des pénitents. « Selon la gravité du délit », stipule la lettre, l’auteur de crimes sexuels peut être démis de ses fonctions pastorales, voire déchu de son sacerdoce. Dans les faits, il est souvent muté, discrètement, dans quelque paroisse lointaine… où il a tout loisir, tôt ou tard, de recommencer ses forfaits.

Pour ce qui est de la procédure interne menée par l’évêque du lieu, de l’instruction du dossier et du jugement prononcé, la lettre ordonne le secret absolu. Trahir celui-ci vaut, pour le prêtre accusé, d’être aussitôt suspendu a divinis (il ne peut plus ni confesser ni célébrer la messe) et, pour les juges saisis de l’affaire, d’être excommuniés latae sententiae (« du seul fait de la faute commise »). Cette obligation de silence a pour justification le bon déroulement du procès, mais aussi, bien sûr, le souci de ne pas ébruiter ce genre de scandale.

Extraits du livre "Les derniers secrets du Vatican" de Bernard Lecomte aux Editions Perrin

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