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L'Eglise catholique a aussi une pensée économique... et le capitalisme et le socialisme en prennent pour leur grade
©Reuters

Méconnu et pourtant...

L'Eglise catholique a produit une des pensées économiques les plus riches et les plus souvent ignorées de notre époque. Ainsi, un de ses courants de pensée les plus féconds (et les plus oubliés aujourd'hui) est le distributisme. Pour les distributistes, toute concentration de richesse ou de pouvoir est mauvaise : qu'il s'agisse d'une concentration entre les mains de capitalistes—ou entre les mains de l'Etat.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Aujourd'hui, c'est Vendredi saint, le jour où les chrétiens commémorent la crucifixion du Christ. Dimanche, ça sera Pâques.

Nous sommes dans une chronique économique, quel rapport?

Le rapport est que l'Eglise catholique a produit une des pensées économiques les plus riches et les plus souvent ignorées de notre époque. Depuis l'encyclique Rerum Novarum de 1891 du pape Léon XIII, répondant à l'industrialisation de la société (et à la montée du spectre du communisme), l'Eglise a déployé sa tradition intellectuelle formidable à l'étude de l'économie.

Quand on entend parler un pape sur l'économie, dans les médias, ce qui est le plus souvent entendu, c'est la critique du capitalisme. Quelques petites phrases du pape François dans Evangelii Gaudium ont ainsi fait le tour du monde, dénuées de leur contexte.

On a ainsi le schéma très simpliste d'une Eglise qui serait “à droite” sur les questions de mœurs, et “à gauche” sur les questions d'économie. Une Eglise résolument anti-communiste, mais également résolument critique des excès du capitalisme—et dont on se dit donc qu'elle est donc partisane d'une espèce de “troisième voie” vaguement démocrate-chrétienne ou social-libérale.

En réalité la doctrine économique de l'Eglise est beaucoup plus riche que cela. Par exemple, un de ses courants de pensée les plus féconds (et les plus oubliés aujourd'hui) est le distributisme.

Le distributisme est un courant de pensée économique né d'une poignée de penseurs catholiques à la fin du 19ème siècle qui rejettent avec autant de force le capitalisme et le socialisme, mais pas du tout au profit d'une espèce de troisième voie mi-chaude, mi-froide, mais pour un système complètement différent.

Pour les distributistes, toute concentration de richesse ou de pouvoir est mauvaise : qu'il s'agisse d'une concentration entre les mains de capitalistes—ou entre les mains de l'Etat.

Pour les distributistes, l'essentiel est de préserver l'autonomie économique des travailleurs et des familles. Qu'un travailleur soit à la merci d'un employeur, d'un Etat socialiste tout puissant, ou d'un Etat managérialiste et redistributeur comme en Europe de l'Ouest, c'est pareil.

Pour les distributistes, les moyens de productions ne doivent être dans les mains ni de capitalistes ni de l'Etat ni d'un quelconque prolétariat, mais plutôt entre les mains de chacun. Autrement dit, chaque personne doit avoir assez de capital productif pour être maître de son destin économique, et dépendre de lui-même pour sa capacité économique—pas d'un employeur comme dans le système capitaliste, ni de l'Etat comme dans le système socialiste. Il ne vit pas d'un salaire ou d'une prébende, mais de son propre capital.

Le distributisme est presque une forme d'anarchisme, mais ordonné. Dorothy Day, fondatrice et animatrice du mouvement ouvrier aux Etats-Unis, dont l'opposition au capitalisme était farouche et complète, s'est également opposée à la création des systèmes d'assurance sociale du New Deal, parce qu'elle les voyait comme une spoliation au profit de l'Etat.

Les capitalistes parlent de l'importance de la propriété privée, mais pour les distributistes il n'y a pas vraiment de propriété privée si la propriété du capital revient à une petite clique. Leur analyse se résume bien par la phrase d'un de leurs grands porte-paroles, G.K. Chesterton: “Un excès de capitalisme n'est pas dû au fait qu'il y a trop de capitalistes, mais au fait qu'il n'y en a pas assez.”

Le distributisme est comme une grande claque à nos débats économiques actuels, figés dans des positions posées dans les années 1950 : capitalisme rapace d'un côté, socialisme tout aussi rapace de l'autre, vague social-démocratie sans imagination au milieu.

Au lieu de réfléchir au taux optimal de l'impôt ou aux réglementations du marché du travail, comment faire pour que chacun ait, par lui-même, la propriété de ses moyens de productions, et une véritable autonomie économique ? Comment faire pour que chacun soit indépendant, à la fois des ogres capitalistes et de l'ogre de l'Etat ?

Voilà des vraies questions.

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