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Tetraquark : des scientifiques détectent une particule qui pourrait être une nouvelle forme de matière (et si vous êtes gentils, ils vous diront même à quoi ça sert)
©Reuters

Mais qu’est ce que c’est ?

Le Z(4430) est une particule composée de quatre quarks. Le CERN a récemment confirmé son observation, et donc l'existence de hadrons exotiques en état de tetraquark, un état qui ne saurait être classé selon le modèle habituel des quarks.

Benoit Clément

Benoit Clément

Benoit Clément est maître de conférences à l'Université Joseph Fourier (Grenoble I). Physicien des particules, il est également professeur de sciences.

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Atlantico : Le CERN a récemment confirmé l'existence d'un nouvel hadron exotique nommé Z(4430). A quoi cela correspond, exactement ? Au-delà de cette découverte, qu'est-ce que c'est qu'un hadron ?

Benoît Clément : Commençons par un peu de structure de la matière. La matière est composée de molécules. Les molécules sont composées d'atomes, dont on dénombre environ une centaine de différents éléments. L'atome, lui-même, est composé d'un noyau et d'électrons. Ce noyau est composé de neutrons et de protons. Le neutron et le proton représentent deux exemples d'hadrons. Et les hadrons – donc les neutrons et les protons – sont composés de quarks. On connait aujourd'hui six quarks, avec lesquels on peut fabriquer des étaliers (bien qu'un soit trop loup pour permettre de réaliser le moindre étalier). Les plus légers et les plus stables sont le neutron et le proton, qui sont tous les deux composés de trois quarks. Avec les cinq quarks disponibles on peut réaliser toutes les combinaisons possibles de trois quarks, ce qui implique une multiplicité d'hadrons possibles, qu'on classera dans la famille des baryons. De la même manière, on peut également réaliser des hadrons basés sur des compositions à deux quarks – un quark et un anti quark – qu'on classe chez les mésons.

Le quark est le composant ultime de l'hadron, et dans notre connaissance actuelle de la physique, il s'avère qu'il s'agit d'une particule élémentaire. On ne lui connait pas de sous-structure. Du moins, pas encore.

L'autre aspect des hadrons, c'est ce qui les fait tenir entre eux. Un proton, c'est une charge électrique positive, un neutron n'a pas de charge. Un noyau n'est donc pas stable : les charges se repoussent. Il existe donc nécessairement une autre interaction qui assure la cohésion du noyau. On l'appelle l'interaction nucléaire forte, en cela qu'elle est plus forte que l'interaction électromagnétique, et qu'elle va caractériser les interactions entre quarks et antiquarks. Les hadrons n'interagissent pas par électromagnétisme, ni par gravité mais bien par une autre force qui est nucléaire.

Le fait que cette nouvelle particule soit un "tetraquark" en ferait, d'après des recherches et des organes de presse anglo-saxonne, une nouvelle forme de matière. Cette analyse est-elle vérifiée ? Concrètement qu'est-ce que cela veut dire ?

Il est sans doute un peu exagéré d'aller jusqu'à prétendre qu'il s'agit d'une nouvelle forme de matière. Le modèle des quarks est connu depuis les années 1960. Il faut néanmoins savoir que, sur la base de cette interaction forte que nous évoquions plus tôt, les quarks ne peuvent exister qu'en groupe. On ne peut donc jamais les observer seuls. Le modèle le plus simple est connu il s'agit de groupes de deux quarks, ou de trois comme dans le cadre des protons et des neutrons. On peut imaginer, dans des extensions de ce modèle, des petits groupes de quatre ou de cinq quarks : ça n'en est pas moins extrêmement rare. Ils n'ont jamais été observé – spécifiquement les pentaquark.

Aujourd'hui, et dans le cadre de ces hadrons exotiques qui ne contiennent pas deux ou trois quarks mais quatre ou cinq, on a pu observer un état de tetraquark véritablement confirmé. On est donc, désormais, sûrs que ce tetraquark existe. Pour autant, cela reste des quarks – donc des choses que l'on connait déjà. Qui sont régis par une interaction qu'on connaissait également. La différence, c'est que les états à quatre quarks, sont exotiques, plus rares à produire et surtout ne sont pas prédit dans le modèle qu'on rencontre habituellement. C'est là que réside la nouveauté.

Un proton et un neutron, c'est trois quarks chacun. Un noyau deutérium, c'est un neutron et un proton ensemble. On peut y voir deux groupes de trois quarks qui interagissent ensembles. Dans le cadre d'un tetraquark, la question qui se pose est la suivante : est-ce que c'est véritablement quatre quarks ensembles, ou deux paquets de deux ? La théorie que l'on connait aujourd'hui explique le principe des mésons – un groupe de deux quarks – et logiquement, l'interrogation de savoir s'il s'agit de deux mésons ou de quelque chose de fondamentalement plus lié persiste. Etudier ces cas-là nous apportera des informations sur le fonctionnement de l'interaction nucléaire forte, qu'on sait décrire théoriquement et expliquer à très haute énergie (lors de collisions par exemple), mais qu'on ne sait pas résoudre à basse énergie. C'est une chose qu'on ne peut sonder qu'expérimentalement. Cela apportera une information à notre compréhension de cette interaction.

De là à dire qu'il s'agit d'un nouvel état de la matière… Les tetraquark, c'est de la matière. Une forme exotique de matière, certes, mais ça reste de la matière. La vraie nouveauté, c'est son exotisme.

Cette découverte représente-t-elle une avancée scientifique particulière, ou illustre-t-elle davantage une continuation ?

A mon sens, c'est une continuation. Cela n'est pas une découverte comparable à celle du Boson de Higgs d'il y a deux ans qui était vraiment quelque chose de fondamental, une nouvelle particule. Ca n'est pas le cas aujourd'hui. On reste avec une particule qu'on connait, une interaction qu'on connait, simplement avec un mode d'interaction un peu plus complexe que ce qu'on a rencontré jusqu'à présent.

Finalement, comment se matérialisent ces hadrons dans notre quotidien ? Dans quel genre d'opérations sommes-nous susceptibles de les employer ?

Soyons clairs : les hadrons n'ont aucun impact sur notre quotidien à proprement parler. Et ce pour la bonne raison que tous ces hadrons, exception faite du neutron et du proton, sont des particules extrêmement instable. Ils ont des durées de vie particulièrement courtes, tant et si bien que la moyenne et de 10 puissance – 24, -25 voire -26 secondes. C'est infime. Les hadrons sont produits et désintégrés quasi instantanément. En conséquence, les seuls hadrons qui ont un effet dans notre quotidien sont le neutron et le proton, ainsi que le pion (qui ne comporte que deux quarks), produits lors de rayonnements cosmiques. En dehors de ces hadrons-là, on ne parvient à produire que les autres hadrons en accélérateur et ils se désintègrent tout de suite. Ils ne composent donc pas la matière du quotidien.

Ce qui signifie qu'on ne peut pas les employer, même dans une expérience. Autant, on est capable de ré-accélérer des pions (qui ont une durée de vie moins courte, de quelques microsecondes) pour provoquer des collisions avec des protons, autant on ne peut se servir des autres. On peut néanmoins étudier les processus de production et de destruction, ainsi que leurs propriétés, qui nous permet de glaner des informations sur l'interaction nucléaire.

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