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Ni Valls, ni Désir... l’autre remaniement : celui de ceux réellement en charge de la gestion de l’Europe au sommet de l’Etat
©Reuters

Politique de façade

L'Elysée veut reprendre la main sur les affaires européennes. Philippe Léglise-Costa, adjoint au conseiller diplomatique de François Hollande, est nommé secrétaire général des Affaires européennes ce mercredi 15 avril. Cette nomination, ainsi que la réforme du Secrétaire général des affaires européennes, sont censées montrer la capacité de présence de la France à Bruxelles. Une nouvelle façon de rassurer sur la situation, sans vraiment se mouiller.

Christian Harbulot

Christian Harbulot

Christian Harbulot est directeur de l’Ecole de Guerre Economique et directeur associé du cabinet Spin Partners. Son dernier ouvrage :Les fabricants d’intox, la guerre mondialisée des propagandes, est paru en mars 2016 chez Lemieux éditeur.

Il est l'auteur de "Sabordages : comment la puissance française se détruit" (Editions François Bourrin, 2014)

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Atlantico : La réforme du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), actée le 9 avril 2014, interroge les hauts-fonctionnaires alors que cette structure est désormais sous l’autorité directe de l’Elysée. Un fait qui place les affaires continentales un peu plus près du pouvoir central et qui interpelle sur la place de l’Union dans la machine de l’Etat. Que penser d’un tel transfert ?

Christian Harbulot : Le transfert du SGAE au niveau de l'Elysée correspond peut être plus à un souci du Président de cadrer le Premier ministre et de ne pas se laisser déposséder d'une prérogative de puissance ou d'expression de la politique française sur un enjeu essentiel. Il est clair que François Hollande doit à la fois rassurer les gouvernements européens par rapport à la situation en France, notamment sur l'endettement et les remboursements de la dette. D'autre part, il ne peut pas laisser un Premier ministre déjà beaucoup plus populaire que lui avant même de gouverner, prendre la main du fait de cette légitimité induite par les sondages d'opinion qui le ferait passer lui au second plan. François Hollande est très fébrile en ce moment, contrairement aux apparences : il n'hésite pas à twitter au Mexique pour régler des problèmes de politique intérieure de petit niveau, notamment sur la composition de la liste européenne du Parti socialiste. Il est très occupé par l'évolution de la politique intérieure, des jeux au sein de son parti, et bien entendu des futures élections à venir.

Voilà les premières analyses de certains commentaires de la vie politique qui me semblent tout à fait important. Je n'ai pas vraiment l'impression que la France soit en mesure de définir une politique européenne ; sa préoccupation absolue c'est de sauver les meubles à un niveau national et d'essayer de faire en sorte que l'Europe ne contrarie pas la politique gouvernementale dans la réalisation de cet objectif. S'il y a bien un état en Europe qui, lui, voit un petit plus loin, c'est l'Allemagne, et notamment par rapport à son comportement à l'égard de la Hongrie. La manière dont elle protège la Hongrie rappelle un certain cheminement historique, qui n'est pas uniquement lié au volume des échanges entre les deux pays, ce qui souligne que l'Allemagne a une politique de "puissance". Certes, à la fois dans le cadre de la construction européenne, mais aussi dans son cadre national strict et avec des liens très importants avec ce qu'a été son histoire au cours du 19ème et du 20ème siècles. Je cite cet exemple parce que je suis sidérée d'entendre des commentaires sur l'attitude de l'Allemagne vis-à-vis de la Hongrie qui sont totalement dépourvus de toute référence historique sur le monde germanique et son évolution à la fois historique et culturelle et sur ses constantes, indépendamment des conflits et des résultats des conflits.

La grande différence entre l'Allemagne et la France, c'est que l'Allemagne a une double politique très lisible dans ses comportements, dans ses signatures de traités bilatéraux notamment : c'est une politique qui met en avant un souci de reconstruire une puissance qu'elle a perdu, ce qu'elle fait sans le dire et sans le revendiquer. Et une autre politique consiste à tirer le meilleur profit de son influence au sein des institutions européennes. Cette double lecture, je ne suis pas certain qu'on puisse l'appliquer à la France, elle serait bien en difficulté d'exprimer ce qu'elle considère être comme sa politique de puissance, et lorsqu'on voit son comportement au niveau de l'Europe, on a pas vraiment l'impression qu'il y ait une volonté d'avancer dans une direction x ou y. On sent constamment, une politique du rafistolage, du compromis, certains diraient du petit pain, mais il n'y a rien derrière tout ça qui laisse présager une avancée décisive au niveau européen.

Que penser de ces changements de sièges alors que la Commission Européenne vient de refuser d’allonger le délai de la France dans sa réduction des déficits. Faut-il y voir une volonté de contre-attaquer vis-à-vis de Bruxelles ?

Dans l'état actuel des choses, le gouvernement français n'a absolument pas les moyens de satisfaire aux recommandations de Bruxelles, donc il est évident que la dette va continuer à s'alourdir, qu'on fera des effets de manche pour essayer d'arrondir les angles et expliquer qu'on reste malgré tout dans la satisfaction de ce que demande Bruxelles, mais on est inscrit dans une politique de statu quo. C’est-à-dire que Bruxelles n'a aucun intérêt à déclencher une crise majeure en mettant la France au pilori, pas plus que la France n'a intérêt à imposer sa volonté de ne pas tenir compte de Bruxelles, et de faire comme elle l'entend en fonction de ses problèmes. Donc ce statu quo n'arrange personne et arrange tout le monde. On sent bien que l'Europe est en panne, on sent bien que les élections européennes à venir en France en particulier, vont donner un résultat qui va accentuer ce désaveu, ou du moins cette méfiance des électorats par rapport au projet européen, dans la mesure où personne ne saisit plus quelle est sa finalité, si ce n'est que de maintenir la zone euro et d'essayer de faire fonctionner tant bien que mal un groupe de 28 pays avec toutes les problématiques diverses et variées qui le compose.

Philippe Léglise-Costa est considéré à Bruxelles comme "la Rolls Royce" des affaires européennes. Est-on en train d’assister à un mini-remaniement dans le traitement des affaires européennes ?

De toute façon la France sera obligée de jouer sur deux niveaux. La séduction obligatoirement, pour arriver à une conciliation, et montrer de temps à autres les dents pour ne pas laisser la Commission européenne sermonner la France en fonction de ses attitudes. On est vraiment dans un jeu du chat et de la souris qui n'intéresse pas grand monde, à une différence près, puisqu'elle inquiète plus qu'elle n'intéresse. Comme l'Europe n'avance pas, comme on voit que les pays sont quand même enlisés dans un certain nombre de situations, et qu'ils n'ont absolument rien à proposer pour aller plus loin – c’est-à-dire vers une évolution de l'organisation de l'Europe qui va vers une formule plus fédérale -. Qui oserait imaginer aujourd'hui un passage en force au-delà du sentiment des électorats nationaux pour avancer dans le cadre d'une Europe fédérale ? Comme on n'est pas capable d'aller plus loin que la réalité du Traité de Maastricht et ses conséquences, on va rester dans cette réalité.

La priorité principale, ce sera de maintenir en état la zone euro, de préserver l'équilibre de cette monnaie, et pour le reste je crains qu'on en soit à gérer les affaires courantes. Il est évident que s'il y avait une volonté de la France d'avancer les pions sur l'échiquier européen, ce ne sont pas les nominations qui viennent d'être faites qui suffiront, même si le nouveau Secrétaire général de l'Elysée semble particulièrement compétent pour ce rôle. Encore faut-il qu'il y ait une stratégie.

A ce titre, la nomination du plus que fidèle Harlem Désir aux affaires Européennes peut-elle aussi être considérée comme une volonté de François Hollande de reprendre la main sur ces sujets ?

Il veut surtout des hommes qui ne risquent pas de le trahir, et qui lui posent le moins de problèmes possibles. Dans sa situation, c'est à dire un Président de la République à qui il ne reste que sa légitimité institutionnelle, les marges de manœuvre sont très réduites. Si en plus, le jeu dans son propre camp se complique parce qu'un Premier ministre va devenir l'homme le plus important, et lui va passer son temps à démontrer qu'il existe et qu'il a malgré tout la main, ce jeu-là ne le mènera pas à une très grande réussite dans les dernières années de son quinquennat. 

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