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Mesures de simplification : bonnes intentions, effets réduits
©Reuters

Faire moins... avec plus

Le gouvernement a dévoilé aujourd'hui 50 mesures dans le cadre de la simplification de la vie économique des entreprises françaises. Si les intentions sont en apparence louables, les mesures cosmétiques et autres comités Théodule s'invitent encore une fois dans un projet qui ne révolutionnera pas la croissance française.

>> A lire : simplification des entreprises : 50 nouvelles mesures dévoilées

Atlantico : Que penser des principales mesures proposées par la majorité pour simplifier la vie administrative des entreprises ?

Julien Boutiron : L’une des mesures phares du projet portera sur la simplification de la fiche de paie (à travers la déclaration sociale nominative unique, NDLR) qui vise à contrer la multiplication des formulaires et des différentes charges qui se sont multipliées au fil des années. Si l’on peut se réjouir à la marge d’une telle mesure, on peut toutefois douter de son réel impact financier, le véritable problème restant ici le poids des charges sur le bon fonctionnement de l’entreprise ainsi que la complexité du droit du travail de manière générale. Autrement dit, on préfère soigner le symptôme plutôt que de parler du véritable problème qui est la complexité fiscale. Les salariés auront une meilleure visibilité sur leurs bulletins de paye, mais en dehors de quelques économies comptables, la vie économique ne s’en trouvera pas bouleversée.

Est aussi prévue la simplification des déclarations comptables pour les très petites entreprises (10 salariés et moins) qui n’auront plus d’obligation pour publier leurs comptes. On peut déjà affirmer que les artisans et commerçants (qui représentent une grosse partie de la petite entreprise) ont des obligations restreintes sur le plan comptable, rien n’est donc fondamentalement révolutionnaire ici. On oublie par ailleurs que la publication des comptes pour les petites structures, bien que l’exercice soit contraignant, offre une publicité utile : en faisant preuve d’une bonne santé financière, elles facilitent leur attractivité auprès des banques et des investisseurs potentiels.

On évoque par ailleurs la création d’un collège de chefs d’entreprises pour surveiller la création de nouvelles lois, décrets et circulaires qui comporteraient des charges supplémentaires. Le but serait de lutter ainsi contre la prolifération de normes que l’on a connue par le passé. Intéressante sur le principe, cette proposition doit toujours faire ses preuves en pratique : tout dépend de qui constituera en fait cette commission et de quel esprit elle sera animée. On devine ainsi les problèmes que cela créera entre le monde patronal et une classe politique qui, pour marquer son action, se voit obligée de répondre aux problèmes de la vie économique par de nouveaux textes, de nouveaux encadrements, soit davantage de complexité au fil du temps.

Enfin, le gouvernement souhaite compiler l’ensemble des régulations destinées aux entreprises sur un site Internet unique afin d’offrir une meilleure visibilité. Il s’agit là d’un pur habillage qui part du principe que tout le monde peut s’improviser avocat du jour au lendemain s’il dispose d’un accès facilité aux textes de lois. Au-delà du fait que des sites comme Légifrance sont déjà très bien organisés, on oublie à travers de telles mesures que le coût d’un avocat est souvent incontournable pour les petites entreprises, quelle que soit leurs inventivités et leurs dynamismes…

Le gouvernement Ayrault avait déjà proposé en juillet 2013 un "choc de simplification" sur des sujets analogues. A trop vouloir simplifier, n'en finit-on pas par ajouter à la confusion du droit français ?

Léonidas Kalogeropoulos : Tous les responsables politiques et entrepreneuriaux ne peuvent que reconnaître que gouvernement après gouvernement, tous nos dirigeants s'accordent à progresser dans la voie d'une "simplification", concept qui bénéficie d'un consensus de sympathie qui transcende tous les clivages partisans. La cause est entendue, la direction est connue, mais cela fait plus de quinze ans que l'on avance dans cette voie salutaire, ce qui n'empêche en rien de dresser le même diagnostic pessimiste à chaque changement de majorité. Le choc de simplification de juillet 2013, adopté sous la précédente majorité parlementaire à l'initiative du député Jean- Luc Warsmann, tendait déjà à "simplifier le droit et à alléger les démarches administratives", mais n’a pas n'empêché une nouvelle offensive législative depuis.

C'est qu'en même temps que les bonnes volontés se mobilisent pour simplifier l'environnement des entreprises, la "technostructure" administrative et politique fabrique de la complexité en génération spontanée et sans vergogne. Il n'est qu'à prendre l'exemple du Crédit d'impôt compétitivité emploi pour se demander comment on a pu en arriver à ouvrir les guichets de la Banque publique d'investissement pour obtenir une avance sur le crédit d'impôt dont on bénéficiera en fin d'année correspondant aux allégements de charges sur l'année écoulée...  Et on veut simplifier en parallèle, en espérant que les entreprises vont retrouver de l'agilité ? À quoi sert de remplacer les boulets administratifs d'hier, si c'est pour en produire de nouveaux tous les matins ?

L'exemple du Code du travail est tout aussi instructif. Il est passé de 400 grammes en 1980 à 1,45 kilo aujourd'hui. Et les entreprises doivent se débattre pour créer des emplois et faire reculer le chômage avec cette enclume vissée aux pieds. Pas un seul de nos responsables politiques (ou syndicaux) n'ignore ou ne conteste cette réalité. Mais s'y attaquer est autrement plus compliqué que de faciliter l'accès aux tickets restaurants ou d'alléger le formalisme comptable des TPE.

Alors oui, la direction est la bonne et tous les efforts sont louables. Mais il ne faudra pas reprocher aux chefs d'entreprises de considérer que la méthode est homéopathique, et que tant que l'Etat ne se donnera pas pour objectif de réduire sa place dans la vie économique pour laisser plus de place à la liberté entrepreneuriale, tous ces efforts successifs seront ceux d'un Sisyphe appelé à vouloir réparer par à-coups successifs les effets pervers de ses propres turpitudes. Tant que notre droite et notre gauche - parce que les deux options existent - ne se seront pas réconciliées avec le concept de "libéralisme", notre pays sera malheureusement condamné à vouloir corriger tous les jours les effets pervers de l'interventionnisme de l'Etat, qui est de tous les instants. Alors, en attendant un "choc libéral", simplifions donc encore un peu, ce sera toujours un petit pas utile dans la bonne direction.

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