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Le nouveau gouvernement ne satisfait pas les entrepreneurs
Le nouveau gouvernement ne satisfait pas les entrepreneurs
©Reuters/Charles Platiau

Les entrepreneurs parlent aux Français

Du point de vue des entrepreneurs, le monde politique souffre de plusieurs maux et le nouveau gouvernement en est une preuve supplémentaire. Ni plus, ni moins, que beaucoup d’autres, mais à l’heure du nécessaire rebond le récent remaniement ministériel est loin d'être satisfaisant.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Le propre des voies parallèles, c’est de ne jamais se recouper. Ainsi en va la vie politique et économique. Les politiques parlent emploi, croissance, développement, sans prendre le temps de comprendre comment l’économie réelle fonctionne, sans prendre le temps de réaliser que leurs interlocuteurs, informateurs, balises de détection ne fonctionnent plus. Que la boîte noire qui donnait les informations du monde d’avant a cessé depuis bien longtemps d’émettre et qu’ils ont, eux, cessé depuis bien longtemps de tenter de la retrouver.

Le monde politique souffre, du point de vue des entrepreneurs, de plusieurs maux et le nouveau gouvernement en est une preuve supplémentaire. Ni plus, ni moins, que beaucoup d’autres, mais à l’heure du nécessaire rebond, on aurait aimé un terrain ferme, un ballon gonflé et une équipe professionnelle.

La compétence et le recrutement. Est ce qu’un jour un Ministre sera choisi, sur des sujets clés, qui paraissent pouvoir échapper à l’esprit de clocher partisan, en fonction de ses compétences ? 

Imaginez : Vous êtes à la tête de Show Room Privée, Oscaro, Acadomia, Attractive World, Nuxe. Vous devez franchir un cap de croissance et vous confiez la tâche à ….un avocat !! Quelque soit le respect qu’entraîne cette noble profession, comment un ministre de l’Economie, celui-ci comme les autres, peut il débarquer sur une tâche aussi lourde de sens et d’impact sans avoir le moindre début de qualification pour le "job" ?

Aux USA, on donnerait cela (parfois de façon un peu extrême parfois, il est vrai) à un pro. Qui gère des milliards, connaît les mécanismes, la psychologie, les acteurs. Chez nous, non. En France, confier les clés à un béotien, en pleine crise, paraît naturel.

Vous êtes à la tête d’un pays qui a assisté à la démonstration que l’impôt tue l’impôt. Un pays où la réduction des avantages sur les services à la personne, a entraîné des milliers de travailleurs vers le travail au noir et coûté des emplois par dizaine de milliers à la France. Un pays qui constate que la taxation sans pitié menée depuis des mois afin de colmater les fuites budgétaires, aboutissait à une baisse dramatique des recettes fiscales. Que l’acharnement fiscal, d’une part et la volonté, pour de basses raisons électorales, de tuer l’auto-entrepreneur, a privé là aussi la France d’une nouvelle culture, mère de la création d’emplois supplémentaires. Et j’en passe. Dans ce cas que faites vous ? Vous mettez des gens neufs, qui soient l’antithèse de cette bêtise aveugle qui ampute votre pays de ses plus vives ressources. 

Fort de cette évidence on imaginait pas un seul instant voir débarquer au budget l’Ayatollah de la taxation, le Robespierre de l’acharnement fiscal, Christian Eckert !! Un homme à qui le mot entreprise provoque des allergies cutanées. On imaginait pas non plus voir celle qui a voulu casser tout ce qui marchait sur les services à la personne et l’auto-entrepreneur, la seule a contrarier les études qu’elle avait lancé elle-même pour se plier au plan de route, qui lui avait été imposé par son maître au profit de son foyer électoral. Sylvia Pinel, l’une des plus incompétentes de la bouche même de ses collègues et équipes, est toujours là !!

Un DRH d’entreprise devant ce casting n’aurait que 2 envies. Suicide ou démission.

Heureusement que quelques choix plus heureux compensent un peu ce constat douloureux. Axelle Lemaire au Numérique, dont on sait qu’elle aura à cœur d’accélérer et parfaire la politique de son amie Fleur Pellerin, que nous avons, nous, perdu aux PME, alors qu’elle y avait si bien réussi. Ou encore François Rebsamen au Travail. Un homme solide, qui a conscience que l’emploi des seniors sera une des clés de la réussite de notre pays. Et que l’on aime sa ligne politique ou non, Benoît Hamon, avait fait un bon boulot à la Consommation.

Discuter entre adultes : un pacte d’incapacité. Le pacte de responsabilité. Une invention purement politique entre acteurs impuissants. La vanité et le calcul politique, avant toute notion d’efficacité et de réalisme.

A ma droite le patronat. Animé par un homme qui aime les entreprises. Indéniable quand on le connaît bien. Mais une locomotive aussi puissante soit elle, ne peut rien faire quand les wagons sont trop nombreux, et que les barons responsables des aiguillages sont des forces antagonistes. Le Medef ne représente pas, ni la CGPME, les PME. Contrairement à ce que leur position suggère, sur un échiquier qui date de plus de 50 ans, ces institutions ne sont plus capables de faire rouler notre train sur les bons rails et n’ont pas à disposition les bonnes machines. Le train de la croissance, le numérique en tête, roule sur des voies différentes. Cherchez dans ces organisations les leaders de l’emploi de demain. Ils n’y sont pas car ils n’en voient pas l’intérêt. Tant que les finances du Medef viendront des fédérations les plus puissantes, laissant les miettes aux PME, le dirigeant, aussi combatif soit il, ne proposera que par détresse, sans pouvoir imposer à la machine, des transformations auxquelles elle résiste à tout crin.

Enfin le manque de courage, notamment sur le sujet des intermittents, ne fait qu’enlever les dernières illusions qu’on pouvait avoir sur la volonté réformatrice qui pouvait émerger d’une nouvelle équipe.

A ma gauche. Des syndicats. D’un autre siècle. La haine de la réussite ancrée au plus profond de la fibre de leur bleu de travail (qu’ils ne portent que rarement étant donné que leurs délégations leur laissent assez peu de temps pour partager le quotidien de leurs « frères » de souffrance, comme ils les nomment). Toujours persuadés que la bataille se joue entre les grands groupes, qui sont bien incapables de créer le moindre emploi net dans le pays (ils n’en n’ont pas créé depuis 15 ans), et qui négocient comme si c’était toujours le cas. En nous jetant à la figure ces milliards de bénéfices, qui pourraient être distribués, au détriment de ce méchant Shérif de Nottingham, aux salariés et ainsi faire des millions de riches et créer de l’emploi. En clair utiliser les bénéfices pour créer des emplois dont ils n’ont plus besoin en France. Abusant des restes pathétiques de positions abusives dans quelques branches, qu’ils s’attachent à scier alors que les salariés sont assis dessus, comme dans les transports, les ports, la presse, l’automobile, ils tentent de faire croire aux quelques milliers d’adhérents qu’ils leur restent encore (pour combien de temps ?), qu’ils sont les remparts contre la voracité du grand capital, alors que l’économie et les emplois se jouent ailleurs, dans les PME, auxquelles ils ne comprennent rien et qui sont trop petites pour se payer le luxe de leur incompétence et oisiveté, exprimée par de gratifiants postes au CE et autres joyeusetés réservées aux grands groupes.

Au centre, si l’on peut dire. Le gouvernant. Qui fait croire à tous, qu’il a les clefs de l’emploi, quand il n’a de cesse que de préserver le sien. Qui négocie avec des partenaires qui ne sont plus légitimes pour obtenir des résultats qui sont impossibles à obtenir de ces acteurs. Quand allons nous rebattre les cartes et faire entrer dans le sein du dialogue social les grandes associations qui regroupent ceux qui croissent, emploient, se développent ? Quand allons-nous discuter avec eux qui connaissent la vraie vie ? Et ainsi pouvoir promettre des résultats plutôt que de vendre du rêve à un peuple au bord de la dépression ? Quand l’Etat cessera de tenter d’être l’opium du peuple ? Les PME et start-up, notamment celles des plus jeunes, se développent. Privilégient les conditions de travail de leurs salariés. Les intéressent au capital pour qu’ils touchent les bénéfices de leur engagement quotidien. Ont un dialogue direct sur l’équilibre entre les actionnaires, les dirigeants et les salariés qui serait pâlir un syndicat d’extrême gauche. Quand allons nous les écouter eux ?

Diversité, air neuf et ouverture. Plutôt qu’un gouvernement de combat, nous aimerions un gouvernement d’ouverture et de responsabilité. Un gouvernement qui redonne le pouvoir au politique sur l’administration, qui fait ce qu’elle veut. Se moquant de l’agitation pour jouer la force que lui confère le long terme face à des ministres dont la durée de vie moyenne depuis 15 ans est de….18 mois !! Tant que l’administration dirigera le pays, le pays échappera à la réussite. Un gouvernement qui ouvre les voies de l’administration à d’autres profils que cet amalgame consanguin qui nous ruine surement depuis 30 ans, pour assurer sa survie et sa suprématie. Un gouvernement qui calcule la croissance sans calcul politique et choisisse ses troupes sur leur compétence et non pour donner des gages à ses composantes politiques. Un gouvernement qui redonne une vision au pays et non un cap. Un gouvernement qui "soit cap d’avoir un projet pour le pays" et comprenne que seule l’histoire juge les dirigeants, jamais les sondages.

Chaud et froid. L’émail des français éclate. Le souci principal de ce gouvernement là, c’est le poids de la politique, une forme de dérèglement du régime alimentaire qui entraîne le diabète sociétal d’un pays qui oscille entre hypo et hyperglycémie. Exemples.

Au moment où il serait nécessaire de réconcilier l’administration et les entreprises, afin d’en faire des champions du rebond, et de les faire travailler enfin main dans la main, au moment où l’on parle d’allègements de taxes, charges et autres normes abusives, que se passe t-il ? Un projet étudie le fait de donner à l’inspection du travail, organisme où la carte du NPA est un prérequis du CV au moment de l’embauche, un pouvoir de sanction directe des dirigeants. Sylvia Pinel, dans un dernier geste aveugle dont elle a démontré qu’elle en était la recordwoman, vient de changer les règles du bail commercial qui va ôter toute souplesse pour les jeunes entreprises qui ne trouveront plus de baux pour se loger. Un député souhaite réglementer les règles et relations en cas de cession avec les grands groupes, ce qui constituera la plus grande certitude de l’arrêt de tout intérêt des premiers pour les seconds. La liste est trop longue pour l’égrener ici. Vous l’avez compris, le problème c’est qu’une très belle mesure (il y en a bien plus qu’on ne pense) est toujours compensée par son double maléfique et ruiner immédiatement les bénéfices donnés par ailleurs.

En clair, nous souhaitons à tous les gouvernements de réussir. De droite ou de gauche. Mais nous ne voyons pas ce que ce gouvernement là apporte comme réponse aux vrais problèmes. On ne voit pas poindre l’envie de discuter avec les bons interlocuteurs. Et au final ces voies resteront parallèles, et la France risque de ne pas rejoindre la trajectoire de la réussite. A nous de devenir les interlocuteurs du quotidien que les institutions nous empêchent de devenir. Et de donner à ce gouvernement, par devoir citoyen, les solutions qui nous entraîneraient vers le succès, le rebond, l’envie de faire ensemble, de réussir ensemble, non plus pour partager la rareté mais partager la richesse accrue ainsi créée. Car le seul modèle qui fonctionne c’est celui dans lequel ceux qui travaillent profitent des fruits de la croissance. La monopolisation par une minorité est un modèle perdant. A ce jeu, seuls les politiques sont gagnants car ils gardent, eux, toujours, leur emploi.

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