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Pas d’envolée des prix depuis l’arrivée de l’euro contrairement à ce qu’affirme Marine Le Pen : une histoire de l’inflation depuis 1985
©Reuters

Des contre-vérités et des actes

Invitée de Des paroles et des actes sur France 2, la présidente du Front National a affirmé que l'Insee "mentait" en minimisant la hausse des prix, provoquée selon elle par l'euro. Pourtant, force est de constater que l'indice des prix a poursuivi sa progression annuelle de 2%, la même depuis 1985...

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le jeudi 10 avril, Marine Le Pen était l’invitée de l’émission « Des paroles et des actes » de France 2. Au cœur de l’émission, la présidente du Front National est opposée à Jean Claude Volot, conseiller de Pierre Gattaz auprès du Medef. L’échange est saisissant :

- Jean Claude Volot :

« Vous voyez bien que les salaires ont profité de la croissance du Produit national, chiffres Insee (en brandissant un graphique montrant que les salaires ont augmenté plus vite que l'indice es prix) !!  Alors sauf à dire que l’INSEE ne fait pas de choses sérieuses… »

- Marine Le Pen :

« Eh bien l’INSEE ne fait pas les choses sérieusement cher Monsieur. »

- Jean Claude Volot :

« Mais alors qui fait les choses sérieusement ? C’est le Front National ? »

- Marine Le Pen :

« Mais écoutez…vous monsieur vous êtes dans la vraie vie, et je le sais. Alors vous savez pertinemment que depuis que l’euro est arrivé, les prix ont considérablement augmenté. Or, L’INSEE nous dit « ah non ça n’a pas augmenté »…donc c’est l’INSEE qui ment quand même. »

L’échange ne semble pas perturber le contradicteur plus que cela. L’INSEE nous ment, par contre pour le « bon sens près de chez vous », qui a bien compris que le mensonge était de rigueur, les prix ont « considérablement augmenté ». Tout ceci est véritablement impeccable, le principal organisme de statistiques en France ment à sa population, mais Marine Le Pen est là pour rétablir la vérité. Une vérité basée sur le bon sens commun. Marine Le Pen prend-elle exemple sur un Georges Marchais au meilleur de sa forme ? « C’est l’INSEE qui ment quand même ! ». L’argument est irréfutable. Et dans ces conditions, le débat n’a plus lieu d’être.

Bien évidemment, les chiffres de l’INSEE, ou encore ceux publiés par Eurostat sont sans appel. Malgré le fantasme, les prix ont certes augmenté, mais à raison de 2% en rythme annuels,c’est-à-dire sur la même base que lors de la période comprise entre 1985 et l’arrivée de l’euro. Ci-dessous, les chiffres depuis 1990 comparés à un indice de progression de 2% :

Évolution des prix (rouge) Indice HICP France 1990-2014- Indice de progression à 2% annuels en noir.

Marine Le Pen pourrait toujours argumenter sur l’envolée du prix du pain par exemple, pour continuer dans une logique « près de chez vous » mais l’évolution du prix du blé trouve ses causes au sein d’un contexte mondial. Un Américain ou un Japonais paye également son blé plus cher, ce qui semble écarter assez largement l’hypothèse de la responsabilité de l’euro dans cette affaire.

Le plus curieux dans la déclaration de Marine Le Pen est que son affirmation sur l’envolée des prix au sein de la zone euro est en totale contradiction avec le reste de son message. « Il faut dévaluer l’euro de 20% ». Soit, mais une « dévaluation » a pour objectif d’accroitre la demande, c’est à dire la croissance et l’inflation. Une telle proposition ne peut ainsi découler que d’un diagnostic de trop faible croissance et de trop faible inflation. Une telle « dévaluation » peut effectivement être une nécessité en cas d’inflation inexistante, ce qui n’est rien d’autre que le symptôme d’une monnaie trop « stricte ». Et bien non, Marine Le Pen se permet d’accuser la hausse des prix mais aussi la rigidité de la monnaie européenne. Une chose et son inverse, inflation et déflation. La Présidente du Front National commet l’exploit d’accuser la BCE, fille de la Bundesbank de « faire » de l’inflation.

Depuis 2008, Les arguments ne manquent pourtant pas pour critiquer le mode de gestion de l’euro, mais cela nécessite une certaine rigueur que Marine Le Pen ne souhaite pas respecter. Car au-delà de demander sans cesse un sortie de l’euro en agitant la nécessité de le dévaluer de 20%, Marine Le Pen n’a jamais été très précise sur ces sujets. Récupérer le Franc, mais pour quoi faire ? Quelle Politique monétaire ? Quels objectifs  monétaires? Quelle équipe ? Quelle stratégie macroéconomique entre le monétaire et le budgétaire? Rien. Seule la critique compte, une critique qui accepte tous les arguments à bras ouverts, même s’ils sont en totale contradiction les uns avec les autres.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"


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