Verdict des marchés : Manuel Valls va dans le bon sens mais paralyse la droite française qui n’a aucune proposition <!-- --> | Atlantico.fr
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L'arrivée de Manuel Valls à Matignon est plutôt bien accueillie par les marchés
L'arrivée de Manuel Valls à Matignon  est plutôt bien accueillie par les marchés
©REUTERS/Philippe Wojazer

Positionnement stratégique

Le Premier ministre est plutôt bien accueilli par les marchés. Il a compris l'importance d'obtenir rapidement des résultats économiques. Ce positionnement habile embarrasse en premier lieu la droite qui a du mal à trouver un angle d'attaque.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La rencontre des partenaires sociaux avec Manuel Valls a clôturé une première semaine de gouvernance sans couacs sérieux , ni mauvaise surprise. Les syndicats ne sont pas sortis de Matignon très menaçants. Ils étaient simplement grognons d’avoir à accompagner « une politique libérale ». Mais leurs grogne est de pure forme. Les milieux d’affaires, la finance et le patronat, eux, sont plutôt satisfaits de voir et de vérifier que l’économie est devenue la priorité des priorités.

En fait, « Les marchés » estiment  que Manuel Valls a, en moins d’une semaine, plutôt réussi son décollage. La formation de son gouvernement, l’habileté à présenter un programme d’action ont agréablement surpris les milieux économiques et sociaux.

Le projet appelle certes beaucoup de précisions  dans son chiffrage et son calendrier d’application mais ils considèrent que si ce gouvernement fait preuve de pragmatisme, il va donner une chance au pays de sortir du piège ou il s’est mis tout seul.

Le revers de la médaille est purement politique. La véritable opposition a Manuel Valls est interne à la gauche. Le Front de gauche, les écologistes et beaucoup de députes en difficulté dans leur circonscription peuvent obliger le Premier ministre à composer.

Il ne composera pas sauf si le président l’y oblige. Mais là la cohabitation serait chaude.

En revanche, l’opposition de droite va se retrouver dépouillée d’un programme d’actions qu’elle aurait du développer et promettre. Manuel Valls risque fort de cannibaliser l’opposition qui n’a préparé aucun contenu politique ou idéologique. Or la droite avait la légitimité pour se poser en champion de l’efficacité économique .  

Pour le patronat, les choses sont très simples : si le Premier ministre réussi à délivrer quelques résultats économiques, la droite perdra les élections en 2017 et Manuel Valls a une chance d’être le prochain président de la République. La route est longue certes, les concurrents sont redoutables mais les adversaires politiques sont paradoxalement très désarmés en termes d’outils idéologiques et de projets.

En fait les patrons du Medef comme de la CGPME, les banquiers aussi,  ne le diront jamais publiquement mais ils considèrent trois choses.

1 - Pour eux Manuel Valls a parfaitement compris que les Français ne veulent plus du socialisme doctrinaire et corporatistes dont François Hollande a tenu compte  pendant 18 mois sous la pression et le chantage des écologistes, du Front de gauche, des gauchistes du PS et des fonctionnaires (dont les enseignants). Les Français veulent des résultats en terme d activité et d’emplois.

2 -Manuel Valls a compris comment un système économique pouvait créer de la valeur. Étonnant mais la majorité des socialistes n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise, ils se savent pas comment marche une économie de marché. Il faut des hommes avec du talent et de l’ambition, du travail et beaucoup de liberté pour innover et avancer et profiter du fruit de son travail et de son talent. On a moins besoin de fonctionnaires que d inventeur et d’aventuriers du XXIe siècle. La majorité des socialistes a du mal à l’admettre.

3 - Par conséquent, une grande partie de l’opinion est maintenant convertie à cette obligation de résultats plutôt que de se préoccuper de morale publique ou civique avec des projets sociétaux dont le seul effet a été de diviser le pays. Manuels Valls ne proclame pas seulement la priorité a l’économie, il a prévenu ses camarades du PS que les projets de loi sociétaux (la réforme de la justice par exemple) étaient reportés après l’été pour faire de la place aux textes économiques et financiers.

Dans les faits, le pacte de compétitivité qui s’appuie sur des baisses de charges, des réductions d’impôts, des investissements très ciblés a été bien accueilli. Les concessions faites à la gauche de sa majorité sont assez insignifiantes et peu crédibles. Quand Manuel Valls annonce une loi de transition énergétique, il le fait pour calmer les écolos mais il n’y croit guère. Quand il promet de redistribuer sur le salaire net une partie des charges exonérées, c’est pour amadouer l’aile récalcitrante de la gauche et donner aux syndicats un peu de grain à moudre sur les plateaux TV, mais ses amis ne le croient pas eux-mêmes. L’idée de base est quand même de faire baisser le coût du travail. et donc de financer autrement le modelé social.

Enfin quand il fustige la politique de la banque centrale, c’est  exactement pour répondre à l’extrême gauche parce que c’est carrément ridicule pour les Européens et les chefs d’entreprise. Donc ils ne le croient pas. L’ange de la langue de bois passe avec ses petites ailes, comme dans les romans de Gérard de Villiers .

Il est ridicule aux yeux des experts parce que les statuts de la banque centrale européenne ne permettent pas à un chef d’état ou de gouvernement de s’adresser directement à la banque centrale en lui reprochant de ne pas être assez expansionniste et d’être à l’origine des ennuis français. Il est ridicule de demander à la BCE de se comporter comme la banque américaine, anglaise ou japonaise sans préciser qu' il faudrait dans ce cas, que la zone euro soit homogène avec un seul gouvernement . Enfin, il est ridicule a reprocher la rigueur monétaire alors que les taux sont déjà les plus bas de ceux appliques par une banque centrale. Ce discours reprend évidemment la rhétorique du bouc émissaire. « c’est de la faute à la BCE si on va mal … » et ce discours ne passe plus à Paris, ni dans les PME, ni dans les grandes entreprises parce qu'il n’a aucune incidence sur la réalité. Manuel Valls parlait là au Front de gauche pour désamorcer leurs attaques en sachant que ces injonctions à changer  ne seraient jamais appliquées mais ce faisant , il a pris le risque d’abîmer  la crédibilité de son programme aux yeux de la BCE, de Bruxelles et de Berlin qui considèrent que c’est de nature à perturber les marchés qui ne sont pas loin de penser que la France cherche à s’affranchir de ses obligations. Ce qui n’est pas faux.  

C’est d’autant plus ridicule que la France est le seul pays de la zone euro a tenir ce discours. Les observateurs attendent avec malice ce que dira Manuel Valls le jour ou la BCE de Mario Draghi assouplira la politique monétaire pour éviter le risque déflationniste, parce que ce jour viendra. Si Manuel Valls s’arrange au détour d’une phrase pour dire qu'il aura été écouté, les observateurs se diront que décidément les politiques osent tout « c’est peut être à cela qu' on reconnait les politiques » pour paraphraser Audiard dans les tontons flingueurs.

Parce que le changement annoncé de la BCE est programmé ne serait-ce que pour répondre au recroquevillement de la FED américaine. Le changement de Mario Draghi ne devra rien aux jérémiades françaises . il sera technique et quasiment mécanique.   

Mais en dehors de cet intermède monétaire qui n’a pas d’autre objets que d’occuper la gauche de la gauche, Manuel Valls n’a plus qu' à terminer ses devoirs et fixer le détails du plan d’économie de 50 milliards ( ce qui n’est pas fait ) et de vérifier le financement des mesures de compétitivité (ce qui n’est pas fait )

Sur le terrain politique, la difficulté pour Manuel Valls va venir plus de la gauche que de la droite. Sa famille va se sentir trahie…mais la droite, elle, va se retrouvée dépouillée.

On n’est pas loin de penser au Medef que le nouveau gouvernement est capable d’initier et d’appliquer des réformes libérales. Exactement comme Pierre Bérégovoy qui avait réussie à libéraliser le secteur financier pour doper l’économie réelle. On était sous Mitterrand a l’époque , et il faut reconnaître que la France a fait un pas en  avant vers la modernité mondiale. 

Manuel Valls est face au même problème . Pour atteindre son obligation de résultats, il veut protéger et développer l’économie et la logique de marché, (donc la concurrence),  le progrès technologique et donc l’investissement et le travail à risque de l’entrepreneur et enfin la mondialisation. Jamais, hormis Michel Rocard, Dominique Strauss-Kahn ou Pierre Mendès France, un socialiste avait osé sortir du champ historique de l’idéologie de gauche pour aller nager dans les « eaux troubles du libéralisme ».

Pour Valls, le résultat n’est ni de gauche, ni de droite, il est bon ou mauvais.

Si Manuel Valls continue sur sa lancée, il va donc poser un sacré problème a la droite, parce qu' il s’empare des concepts, des analyses et des préconisations de l’économie de marché qui devrait être ceux de la droite .

En matière de politique économique, la droite, l'UMP et l'UDI, n'ont rien sorti de fort impactant et d’original . Rien pour protéger l’économie de marché, le capitalisme, les échanges extérieurs, l’innovation, le progrès technique etc. Or logiquement ce type de mesures étaient plutôt portées par la  droite que par la  gauche. Si la droite n’est pas capable de sortir un programme politique courageux sur le rôle de l’Etat , la réduction de son périmètre d’action, l’intéressement, la concurrence, l’entreprise… la droite ne pourra pas gagner en 2017.

En fait Manuel Valls ne s’inscrit ni  à droite, ni à gauche. Il pense comme beaucoup de sociologues et politologue, que les Français se partagent entre conservateurs réactionnaires d’un coté, et modernes de l’autre. Les conservateurs défendent les valeurs de la nation, le protectionnisme, la croissance faible pour ne pas gaspiller l’énergie et les matières premières. Les  conservateurs français se recrutent aussi bien à droite qu'à gauche. la ligne de partage passe à travers les partis politiques traditionnels

Les modernes réclament plus de richesses, plus de croissance en pariant sur l’intelligence pour dépasser les risques de ruptures, plus de liberté, plus de technologie, plus de concurrence et moins d’Etat. On les trouve aussi bien à droite qu'à gauche.

Manuel Valls a choisi de gouverner dans l’écosystème de la modernité  mais pour pouvoir gérer une majorité capable de voter des lois, il doit manager les conservateurs du PS d’où la langue de bois. Son problème c’est sa famille.

La droite elle doit tout réinventer. Les programmes qu’elle doit se réapproprier, les projets et le leadership. Son problème c’est le déficit d’imagination.

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