Là ou l'humain reste plus efficace que les robots (y compris sur tâches plus ou moins automatisées)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le robot peine à interagir physiquement avec le monde qui l'entoure.
Le robot peine à interagir physiquement avec le monde qui l'entoure.
©Reuters

Les robots ne savent pas danser

Le robot peine à interagir physiquement avec le monde qui l'entoure, ce qui l'empêche encore de réaliser des taches pourtant à la portée de n'importe qui.

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia est professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il enseigne principalement l'informatique, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives. Il poursuit des recherches au sein du LIP6, dans le thème APA du pôle IA où il anime l'équipe ACASA .
 

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Atlantico : En avril dernier, Toyota a annoncé avoir remplacé dans l'une de ses usines des robots par des ouvriers. En l'expérience semble concluante. Quels sont les domaines où l'homme jouit encore d'une certaine supériorité sur le robot ?

Jean-Gabriel Ganascia : La comparaison des capacités intellectuelles de l’Homme et du robot n’a de sens qu’au regard de tâches particulières. En effet, les compétences en jeu ne sont pas identiques lorsque l’on joue au échec, que l’on fait des additions, que l’on écrit des poèmes, que l’on compose de la musique ou que l’on démontre des théorèmes de mathématiques. Pour certaines activités, les robots peuvent se montrer meilleurs que les hommes en général, ou que certains hommes en particulier, par exemple pour faire des multiplications ou pour jouer aux échecs les machines actuelles se révèlent plus efficaces, en revanche, pour d’autres, l’Homme se montre meilleur. Ainsi en va-t-il encore pour l’écriture de poèmes ou pour la composition musicale. Ceci étant, rien ne dit qu’il en ira ainsi indéfiniment et que l’Homme sera toujours plus intelligent que la machine dans l’exercice de ces tâches. On ne saurait aujourd’hui dresser des limites infranchissables aux capacités des machines. En revanche, des tâches beaucoup plus élémentaires, comme débarrasser la table, faire du ski ou jouer au billard demandent des capacités de contrôle moteur qui couplent l’intelligence avec des automatismes mécaniques. Or, jusqu’ici, on a eu beaucoup de difficultés à reproduire ce couplage sur des robots. Bref, les limites actuelles de la robotique portent plus sur le comportement moteur que sur les facultés intellectuelles supérieures.

N'y a-t-il pas une forme de paradoxe dans ce malaise qu'ont les robots à interagir physiquement avec le monde qui les entoure ? Comment expliquer ce décalage entre la représentation du robot plus fort, plus rapide et plus précis et la réalité ?

Il y a bien évidemment ici un paradoxe, car, ce dont l’Homme est le plus fier, c’est de son intelligence qui le distingue des autres primates supérieurs. Pendant longtemps, on a imaginé qu’en fabriquant des êtres artificiel on reprendrait le même cheminement que celui de la nature, en reproduisant d’abord les vivants les plus primitifs puis en les perfectionnant progressivement, jusqu’à reconstruire l’être le plus abouti de la Création, l’Homme… Bizarrement, il en va tout autrement : les machines imitent relativement facilement ce qui nous est le plus cher, à savoir l’esprit, et difficilement ce qui apparaît comme le plus ordinaire dans le règne de la nature, c’est-à-dire le mouvement. En réalité, ce décalage tient à une méprise : lorsque l’on croit que l’on fabrique des machines douées d’intelligence, cela signifie que l’on reproduit des comportements analogues à ceux d’un être intelligent, mais cela ne veut pas dire que la machine possède un esprit ou qu’elle réfléchit, au sens propre, c’est-à-dire qu’elle se représente en train de penser. Cela veut dire, simplement, que les raisonnements que nous conduisons dans certaines de nos activités sont si simples que l’on peut les reproduire sur une machine.

Finalement, le jour où les robots seront meilleurs que les Hommes en tout point ne relève-t-il pas du fantasme ?

Bien évidemment, l’imaginaire de l’Homme l’a conduit, depuis longtemps, à émettre l’idée que son œuvre rivaliserait à celle du Créateur et qu’il serait, lui aussi, en mesure de fabriquer un être intelligent. Le mythe du Golem correspond exactement à cette idée. C’est un mythe ancien qui nous enseigne deux choses : qu’il faut beaucoup de qualités pour réaliser un tel double de nous-même, mais aussi, que celui-ci peut se retourner contre l’Homme, de même que l’Homme a pu se retourner contre son Créateur. Dans cette éventualité, il faut avoir le courage de sacrifier sa création. C’est certainement cette leçon que nous ont enseignée les érudits qui ont si longuement disserté sur l’existence du Golem depuis le Moyen-Âge. Mais, c’est aussi cette leçon que Monsieur Kurzweil n’a semble-t-il pas apprise.

Une peur, peut-être plus réaliste, qu'alimente le robot, c'est la perte d'emplois. Quels sont les métiers qu'un automate ne peut tout simplement pas réaliser ?

Cette peur de perte d’emploi due aux robots est, elle aussi, d’ordre fantasmatique. En effet, aujourd’hui, les robots sont le seul rempart contre le chômage. Là encore, cela peut apparaître paradoxal. Pourtant, c’est une évidence. Néanmoins, pour le comprendre, il faut expliquer les choses avec discernement. D’un côté, il est évident que certains métiers disparaissent avec l’évolution des technologies, en particulier avec l’automatisation. C’est une vieille histoire. Ainsi, sur les chantiers navals, l’apparition des riveteuses pneumatiques, au début du vingtième siècle, puis du soudage dans les années vingt, a mis au chômage toute la corporation des riveurs dans la première moitié du vingtième siècle. Il en est allé un peu identiquement avec les robots qui ont supprimé un certain nombre de tâches mécaniques. Cependant, aujourd’hui, l’enjeu est fort différent : il faut conserver à nos industries leur compétitivité sans diminuer les salaires. Pour cela, la seule solution, c’est d’automatiser au mieux la production, et donc d’utiliser massivement des robots en formant les ouvriers à leur utilisation.

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