"Soutien sans participation" : les petits calculs risqués d'Europe Ecologie les Verts<!-- --> | Atlantico.fr
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Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse.
Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse.
©Reuters

Éditorial

Il y a aujourd'hui deux analyses possibles pour expliquer les hésitations politiciennes des écologistes français quant au nouveau gouvernement de Manuel Valls.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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 "Je n'ai aucune certitude sur ce qu'il fallait faire, je le dis en toute franchise". L’aveu de la secrétaire nationale d’Europe Ecologie les Verts Emmanuelle Cosse au lendemain de la décision du conseil fédéral de son parti de ne pas participer au gouvernement de Manuel Valls a le mérite d’être franc. Cela devient suffisamment rare en politique pour être souligné. Mais il montre surtout le doute qui agite EELV en ce moment, comme le prouve aussi le flou artistique qui subsiste quant aux intentions des députés verts à quelques minutes du vote à l’Assemblée nationale de la confiance à Manuel Valls.

Faut-il voter contre, comme il serait logique de le faire pour une formation politique qui vient, au nom d’un manque de lisibilité du projet gouvernemental, de refuser un grand ministère qui lui aurait donné la main sur les sujets qui lui sont le plus chers : l’écologie, la transition énergétique, l’exploitation du gaz de schiste… et qui aurait même été accompagné par l’abandon du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes que le Premier ministre aurait mis dans la corbeille de la mariée, aux dires de ceux à qui le poste a été proposé. Faut-il s’abstenir ?Voter la confiance ?Les écologistes sont en train de découvrir combien est difficile à tenir la position du "soutien sans participation" inaugurée par les communistes en 1984, lorsqu’ils avaient refusé de participer au gouvernement Fabius, tout en restant dans la majorité présidentielle. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette stratégie leur avait peu réussi.

Il y a aujourd’hui deux analyses possibles à ce nouveau psychodrame des écologistes.

La première, la plus romantique, consiste à justifier ce grand écart par la sempiternelle difficulté qu’auraient les écologistes français à marier l’idéalisme des idées et le pragmatisme de la gestion de la chose publique. A vivre avec le cœur noyé dans l’océan d’eau douce, tiède et sucrée de l’utopie et les mains dans la glaise des réalités du quotidien. Bref, à faire de la politique.

Il est vrai que contrairement aux realos et aux fundis allemands (comprenez les réalistes et les fondamentalistes) qui sont parvenus à faire cohabiter des "éco-socialistes" pragmatiques et un patchwork de groupuscules d’extrême-gauche, de leaders du mouvement étudiant de 68, d’écologistes radicaux et de militants des droits de l’homme au sein du parti des Grünen, les écologistes français ont depuis toujours les plus grandes difficultés à réussir cette symbiose. Il faut probablement chercher là la raison pour laquelle l’opinion allemande est aujourd’hui beaucoup plus sensible que ne l’est la société française aux thèmes écologiques, l’explication de la présence de nombreuses propositions écologiques dans les programmes politiques des sociaux-démocrates du SPD comme des conservateurs de la CDU, ou encore l’origine du succès des Grünen avec l’arrêt du nucléaire civil allemand (même si l’Allemagne est aujourd’hui énergétiquement dépendante du gaz russe et que la crise en Ukraine - où passent les gazoducs - doit donner des sueurs froides aux industriels d’outre-Rhin…).

L’autre grille de lecture est beaucoup plus cartésienne. Deux calculs politiques s’affrontent au sein d’Europe Ecologie Les Verts. D’un côté celui de Cécile Duflot et Pascal Canfin notamment, les deux anciens ministres de Jean-Marc Ayrault, qui estiment que la rouste reçue par le Parti Socialiste aux élections municipales ouvre un large espace "à gauche de la gauche" dont doit profiter EELV aux prochaines échéances électorales que sont les européennes dans un mois et les élections régionales dans un an. De l’autre, celui des parlementaires verts qui – députés et sénateurs – savent bien qu’avec le retrait de leur parti du gouvernement, c’est l’espoir d’une dose de proportionnelles aux élections législatives qui s’éloigne définitivement. Et que sans elle ni le soutien d’un Parti Socialiste prêt à leur concéder des circonscriptions, ils n’auront aucune chance de conserver leurs sièges (l’accord passé en 2011 avec Martine Aubry, alors première secrétaire du PS, risque de rester longtemps dans les mémoires écologistes comme un cadeau inespéré qui ne se présentera plus de sitôt…).

Si, au bénéfice du doute, on peut croire que la première analyse justifie les hésitations de certains militants d’Europe Ecologie les Verts, c’est bien plus pragmatiquement la seconde qui permet de comprendre les atermoiements de leurs leaders.

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