Sida : le point sur les espoirs permis par les derniers traitements<!-- --> | Atlantico.fr
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Il y a chaque années des milliers de cas détectés en France
Il y a chaque années des milliers de cas détectés en France
©Reuters

Recherches

Le coup d'envoi du Sidaction 2014 a été lancé ce vendredi. Même si des traitements préventifs, tels que le gel vaginal ou les anneaux, ont fait leur apparition, la recherche a encore beaucoup à faire avant d'aboutir au vaccin préventif tant attendu.

Le coup d'envoi du Sidaction 2014 a été lancé ce vendredi. La grande opération de collecte au profit de la recherche contre le Sida continue tout le week-end : pour aider la recherche, la prévention, les soins, vous pouvez faire un don par téléphone en composant le 110, ou sur Internet sur le site www.sidaction.org. Car même si des traitements préventifs tels le gel vaginal ou les anneaux ont fait leur apparition, vingt ans après la création de l’association Ensemble contre le sida par Line Renaud et Pierre Bergé, devenue Sidaction, le chantier de la recherche reste immense.

En effet, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le VIH demeure l’un des principaux problèmes de santé publique dans le monde. "Actuellement, seulement huit millions de personnes sont traitées sur les plus de 35 millions qui vivent avec le virus", alerte Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses de l'Hôpital Tenon à Paris, interrogé par Atlantico. En France, environ 150 000 personnes sont porteuses du sida, dont 30 000 à 50 000 ignorant encore leur contamination. Et le docteur d'ajouter : "On est encore loin du compte, surtout en terme de dépistage. Il existe des médicaments qui empêchent les mères séropositivesd’infecter leur enfants mais en Afrique subsaharienne, par exemple, 50% des femmes qui accouchent n'ont jamais été dépistées". Pour Gilles Pialoux, le Graal serait un vaccin préventif. "A l'heure actuelle, seuls quatre essais du genre ont été effectués dans le monde. Trois d'entre eux n'ont rien donné et le dernier a abouti à une protection de moins de 40%". En attendant le vaccin ultime, des alternatives plus ou moins efficaces, préventives et thérapeutiques, voient le jour. 

Le gel vaginal anti-VIH 

Depuis peu, les femmes contaminées, ou susceptibles de l'être par leur partenaire, peuvent appliquer un gel anti-VIH après les rapports. "Nous avons pensé qu'un gel pouvant être appliqué par les femmes après un rapport affecterait moins leurs habitudes avec leur partenaire, leur donnerait un meilleur contrôle de son utilisation et éliminerait la nécessité d'anticiper une relation sexuelle", ont expliqué des chercheurs dans la revue Science Translational Medicine.

Les gels anti-VIH agissent en bloquant l'intégration du virus dans les cellules immunitaires humaines, ce qui empêche l'infection. Il faut environ six heures au virus pour pénétrer dans l'ADN humain, ce qui permet un délai raisonnable pour appliquer le gel microbicide après un rapport sexuel.

Les scientifiques ont mis des singes en contact avec le virus de l'immunodéficience simienne (VIS), l'équivalent du VIH chez les hommes. Cinq des six animaux traités jusqu'à trois heures après avoir été exposés sont restés séronégatifs pendant dix semaines, soit un taux de protection de 84 %. Les chercheurs envisagent désormais des études cliniques d'ici cinq à dix ans.

"Je suis très fan de ce genre de chose", assure Gilles Pialoux. "Cela est un grand plus pour les femmes qui ont été abusées sexuellement ou dans le cadre de rapports tarifés où l'utilisation du préservatif est très rare". "Dans le même genre, j'aime aussi beaucoup les anneaux vaginaux", déclare le docteur. Début mars, des chercheurs américains ont annoncé qu'ils allaient tester sur la femme un anneau contraceptif protégeant par la même occasion contre le VIH et l'herpès. Cet anneau triple protection fonctionnerait pendant 90 jours. "Selon moi, il faut pousser au maximum la recherche sur les outils dont peuvent se servir les femmes", ajoute Gilles Pialoux.

Le Truvada

Ce médicament, un antirétroviral, doit être ingéré quotidiennement pour éviter l'infection. Il n'a quasiment aucun effet secondaire et, s'il est pris tous les jours, protège à plus de 99% contre le VIH. Par ailleurs, la plupart des compagnies d'assurance le remboursent.

Mais bizarrement, le Truvada est aussi l'un des traitements anti-VIH les plus décriés de toute l'histoire, comme le raconte un article de janvier du New York Times. Et ses plus farouches opposants sont paradoxalement les plus fervents participants de la lutte contre le sida : en effet, la AIDS Healthcare Foundation a été la première à faire pression sur la FDA pour qu'elle n'autorise pas ce médicament. Son argument : à cause du Truvada, les homosexuels allaient cesser d'utiliser des préservatifs, oublier de prendre leur pilule et rapidement être infectés. Pour l'ancien rédacteur en chef de Poz, un magazine destiné aux séropositifs, c'est un "lucratif sex toy pour riches occidentaux".

Toutefois, bon nombre d'études ont prouvé que, non, les homosexuels qui utilisent Truvada n'ont pas pour autant cessé d'utiliser d'autres moyens de protection. Par ailleurs, les préservatifs, tant prônés par les détracteurs de Truvada, présentent eux aussi de graves problèmes. Seul un homosexuel sur 6 les utilise à chaque rapport - et un usage sporadique n'offre qu'une protection minime contre le VIH. Qui plus est, parfaitement mis, ils ne fonctionnent qu'à 86% lors d'un rapport anal (utilisés tout aussi parfaitement, les préservatifs sont efficaces à 98% lors d'un rapport vaginal).

Malheureusement, en France, Truvada n'est pas autorisé sur le marché pour une utilisation préventive (il l'est en revanche pour la prescription aux personnes séropositives, et est alors remboursé à 100%). Début 2013, l'association Aides a demandé à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) "l'extension de sa prescription pour un usage préventif". Il s'agit donc d'obtenir une recommandation temporaire d’utilisation : un médicament peut être prescrit en dehors de son autorisation de mise sur le marché (donc, là, en préventif) sous certaines conditions (c'est également ce qui a été demandé pour le Baclofène).

Par ailleurs, le Truvada est actuellement utilisé en France le cadre de l'essai Ipergay (Intervention préventive de l'exposition aux risques avec et pour les gays). Cette expérimentation, qui concerne la population homosexuelle à risque, provoque l'indignation dans la communauté gay et chez certains médecins, prévoit, afin de mesurer l'efficacité du médicament, de l'administrer à la moitié des patients et à l'autre un placebo. L'étude est menée en double aveugle (ni le médecin ni le volontaire ne savent ce qui est prescrit).

Mais toutes ces mesures préventives ne sauraient faire disparaître le préservatif, selon Gilles Pialoux. "Il ne faut pas le ringardiser mais combiner ces préventions afin de minimiser au maximum les risques d'infection". 

Une nouvelle génération de vaccin thérapeutique 

Il s'agit de guérir ou du moins lutter contre la propagation du VIH grâce à une nouvelle génération de vaccin thérapeutique. Cette dernière est basée sur une technologie inédite, les vecteurs lentiviraux : les travaux de l'entreprise française de biotechnologie Theravectys laissent sérieusement entrevoir cette possibilité. "Notre système immunitaire possède deux types de réponse contre une agression : la réponse humorale avec des anticorps qui évacuent le virus, et la réponse cellulaire avec les lymphocytes T qui éliminent les cellules infectées, a expliqué Renaud Vaillant, directeur général de Theravectys. Le principe de notre vaccin est de stimuler la réponse cellulaire grâce à un virus modifié rendu inoffensif qui transporte un antigène (vecteur lentiviral) dans une cellule clé du système immunitaire pour la forcer à réagir contre le VIH".

Un candidat vaccin est en route et la société vient de terminer le recrutement de 36 patients traités par antirétroviraux. Par ailleurs, l'essai clinique de phase I/II vient d'être lancé, une première étape pour évaluer sa sécurité, sa tolérance et son effet sur le système immunitaire. Les volontaires ont reçu trois doses différentes et pour l'instant aucun effet secondaire grave n'a été reporté, condition sine qua non pour la poursuite des tests.

Des essais pré-cliniques menés sur des singes infectés avaient déjà montré que la charge virale était 100 fois moins importante chez les singes vaccinés comparés à ceux qui avaient reçu un placebo. "L'objectif, c'est de permettre aux malades d'arrêter leur traitement ou de le continuer à des doses beaucoup plus faibles. Leur corps contrôlera naturellement l'infection même s'ils seront toujours porteurs du virus", selon Renaud Vaillant.

Les premiers résultats sont attendus pour novembre 2014. S'ils sont concluants, Theravectys mise sur une commercialisation d'ici cinq à sept ans.

Malgré tout, Gilles Pialoux s'avoue "très pessimiste". Selon lui la lutte contre le sida est extrêmement difficile à mettre en place dans "une économie contrainte telle que la nôtre". En effet, les traitements contre le VIH coûtent extrêmement cher : "une personne atteinte du virus coûte plusieurs dizaines de milliers d'euros par an", explique-t-il. Ainsi, l'appel du Sidaction est totalement "légitime" : "l'argent public ne peut suffire" à la recherche, conclut Gilles Pialoux. 

    Raphaëlle de Tappie

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