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A quoi ressembleront vos fruits dans 20 ans ?
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Etrange... mais pourquoi pas ?

Nos fruits vont changer d'aspect dans les 20 prochaines années. Voici quelques éléments sur les modifications d'apparence et de goût qui nous attendent.

Mathilde Causse

Mathilde Causse

Mathilde Causse est directrice de recherche à l'INRA, l'Institut National de la Recherche Agronomique, au centre de recherche de la région de Provence Alpes Côtes d'Azur. Elle travaille au sein de l'Unité de Génétique et Amélioration des Fruits et Légumes. 

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Atlantico : Des chercheur néo-zélandais poursuivent le but de créer le kiwi sans poils (voir ici). Pourquoi vouloir enlever définitivement la peau des kiwis ?

Mathilde Causse : Les poils des kiwis sont des éléments gênants étant donné qu’on ne peut pas manger les kiwis directement avec la peau. C’est pourquoi on cherche à l’enlever. Cependant, la peau protège le fruit des agressions extérieures. Les scientifiques qui travaillent sur ce sujet ne doivent pas nécessairement chercher à enlever totalement la peau mais bien à la rendre plus fine.

En quoi l'aspect du fruit influence-t-il notre consommation ? Pourquoi la plupart des Français ont-ils du mal à manger des fruits, chose qui devrait pourtant nous être naturelle ?

C’est avant tout une question de goût. Certaines personnes peuvent être gênées par le sucre, l’acidité ou encore la texture. On peut également mentionner la difficulté plus ou moins forte de préparation et bien évidemment, le prix. L’aspect influence effectivement la consommation. Lors de l’acte d’achat, on remarque que les consommateurs sont plus attirés par certaines couleurs et certaines formes, mais aussi par l’aspect extérieur. Le fruit, pour attirer le consommateur, ne doit présenter aucune trace, il doit être impeccable.

Qu’est-ce qui a été fait jusqu’à présent en termes de croisement de fruits ?

On fait de la sélection depuis la nuit des temps. On l’a d’abord fait inconsciemment avec la domestication des espèces, où on est passé de fruits à l’état sauvage à des fruits cultivés. Progressivement, la sélection a augmenté la taille des fruits et a sélectionné leur aspect. On a aussi sélectionné certaines plantes pour leur adaptation à des endroits très diversifiés. Les besoins des producteurs, de la grande distribution et des consommateurs ont également contribué à cela. Concernant les producteurs, on a par exemple cherché à sélectionner des fruits plus gros car ils se vendent plus cher et coûtent autant à récolter que de petits fruits. Pour la grande distribution, il a fallu sélectionner des fruits qui se conservent bien et longtemps afin qu’ils résistent aux voyages quand ils viennent de loin, à la manipulation dans les magasins et aux weekends. Enfin, concernant les consommateurs, on a cherché à répondre à leurs demandes en termes de qualité gustative, car il y a eu pendant un moment un mécontentement de leur part à ce sujet.

A quelles autres modifications dans l'apparence (et le goût) des fruits devons-nous nous attendre pour les vingt prochaines années ?

Beaucoup de modifications ont déjà été faites. Mais beaucoup sont apparues du fait d'évolutions naturelles. Je pense notamment à la tomate. Aujourd’hui, on trouve des tomates de toutes les couleurs, qui correspondent à des mutations naturelles, donc on peut imaginer que chez d’autres espèces, on puisse trouver à l’avenir des variations dans la couleur ou dans la forme. Par exemple, il existe des melons très longs en Afrique qu’on pourrait adapter à nos conditions de production. Ces modifications d’aspect et de couleurs dépendent de mutations naturelles qui apparaissent. Vient ensuite le sélectionneur qui doit être convaincu de l’intérêt de commercialisation du produit.

Quelles raisons motivent ces modifications ?

Ce qui nous intéresse, c’est la diversité naturelle, son organisation et son origine. On cherche également à comprendre les raisons qui font qu’un fruit est apprécié ou non et sa valeur santé.

Comment procédez-vous pour parvenir à de tels résultats ?

Si l’on cherche à comprendre le déterminisme d’une forme ou d’un calibre d’un fruit, on va croiser deux variétés qui ont des formes ou des caractéristiques contrastées. A partir de là, on va étudier la descendance et regarder le génome des descendants pour toute une série de marqueurs du génome. Puis on va essayer de trouver des relations entre la présence de certains marqueurs du génome et les caractéristiques qui nous intéressent. Ça nous permet de repérer sur le génome les régions qui contribuent à la variation de notre caractère. Une fois que l’on sait cela, si l’on juge le caractère vraiment intéressant, vient tout une série d’expériences assez lourdes.

N'est-ce pas un peu contre-nature ? Quels inconvénients peut-il y avoir lorsqu'on croise deux fruits différents ?

Notre travail est de retenir un caractère qui nous semble intéressant. Mais il faut savoir que la plupart des mutations que nous étudions sont apparues spontanément, de manière totalement naturelle, mais avec une fréquence très rare. D’où notre travail.

Il n’y a pas d’inconvénients, si ce n’est pour nous, chercheurs. Il faut constamment s’adapter à la demande. Les consommateurs acceptent ou non les innovations. Je pense notamment aux endives rouges. Il y a quelques années, on a lancé ce produit qui n’a alors pas du tout fonctionné. Quelques années plus tard, on l’a remis sur le marché, et ça marche très bien depuis.

Cela poussera-t-il les gens à manger plus de fruits ?

La diversification peut amener les consommateurs à consommer plus de fruits, effectivement. Pour reprendre l’exemple des tomates, certaines personnes aiment uniquement les tomates cerises, d’autres les tomates plus grosses, d’autres plus fondantes, etc. Donc finalement, une certaine diversité dans l’offre permet de répondre à la diversité des attentes des consommateurs.

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