Frémissement à la BCE : Mario Draghi prépare discrètement une potentielle révolution<!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Draghi, président de la BCE.
Mario Draghi, président de la BCE.
©Reuters

Révolution tranquille

Timidement et progressivement, la Banque centrale européenne fait mine d'entamer un tournant en présentant un semblant de plan anti-crise. C'est à tout le moins ce que laisse augurer la réunion du Conseil des gouverneurs de mercredi dernier.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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A la Banque centrale européenne, les mois se suivent et se ressemblent. La déception y est une habitude. Voilà pourquoi la conférence de presse de ce 3 avril s’est achevée sous le signe de l’espoir. En évoquant une modification de sa doctrine et en présentant une ébauche de plan anti-crise, la BCE semble enfin décidée à prendre ses responsabilités.

Dans un contexte de publication de chiffres de l’inflation plus bas qu’escomptés, à 0.5 % pour le mois de mars 2014, la BCE se retrouvait dos au mur. Une inflation faible qui devrait perdurer :

« Pour les prochains mois, nous nous attendons à ce que les chiffres de l’inflation annualisée restent bas, avant de remonter progressivement durant l’année 2015 pour atteindre des niveaux plus proches de 2 % d’ici la fin 2016. »

Et une inflation si faible, si visible, qu’elle avait attiré le regard du FMI et allait jusqu’à provoquer une réaction de sa présidente, Christine Lagarde, le mercredi 2 avril:

« Il y a un risque qui émerge que j’appelle « low-flation » (faible inflation), particulièrement dans la zone euro. Une période potentiellement prolongée de faible inflation peut peser sur la demande et la production, et peser sur la croissance et l’emploi. Plus d’assouplissement monétaire, en incluant des mesures non conventionnelles, serait nécessaire dans la zone euro pour améliorer les possibilités d’atteindre les objectifs de stabilité des prix de la BCE. »

A cette remarque, Mario Draghi répondit directement « Le FMI a été extrêmement généreux dans ses opinions sur ce que nous devrions, ou ce que nous ne devrions pas faire ». Une manière élégante de renvoyer Christine Lagarde à ses occupations.

Mais au-delà de cette phrase, Draghi n’a rien fait d’autre que de répondre aux interrogations que suscite l’immobilisme de l’institution monétaire européenne, et ce,  en deux points.

Tout d’abord, et pour la première fois de façon officielle, la BCE a évoqué la mise en place d’un plan d’assouplissement quantitatif, c’est-à-dire un plan de relance de type monétaire, dont l’objectif est de permettre une augmentation de l’offre de monnaie en achetant des actifs financiers. Une offre supplémentaire dont l’objectif est de venir répondre à la demande du marché, et permet de rehausser à la fois les anticipations de croissance et d’inflation. Une méthode qui a pu fonctionner aussi bien aux Etats Unis, au Royaume Uni, qu’au Japon. Dans chacun de ces pays, le chômage baisse depuis leur mise en place.

Les acteurs économiques savent désormais à quoi s’attendre, la BCE dispose d’un outil et cet outil a été discuté en profondeur au cours de la réunion des gouverneurs de ce 3 avril.

Dans un second temps, Mario Draghi a pu évoquer les conditions de mise en place d’un tel programme. Et là aussi, il y a du nouveau. Les dernières déclarations des gouverneurs faisaient état d’une possible riposte en cas de menace déflationniste, et c’est cela qui a évolué. Désormais, c’est bien la notion de faible inflation (d’où le concept de low-flation) qui est retenue.

« Le conseil des gouverneurs est unanime dans sa volonté d’user également d’instruments non conventionnels dans l’objectif de contrer efficacement les risques d’une période trop longue de faible inflation ».

Ce qui apparaît comme anecdotique est en réalité essentiel. Auparavant, la BCE promettait d’agir en cas de survenance de la déflation. Aujourd’hui, elle déclare que si la situation actuelle de faible inflation venait à se prolonger, elle agira. Ce qui est bien un assouplissement de sa position. Les capacités de dégâts provoquées par une faible inflation sont désormais une notion intégrée par la BCE qui comprend, enfin, la nécessité d’agir.

Mario Draghi a ainsi pu faire part de ses inquiétudes face au niveau de chômage en Europe. La trop lente reprise aggrave la situation des chômeurs, chaque jour passé en dehors du marché de l’emploi rend la personne moins « employable ». Le chômage conjoncturel devient structurel, ce qui le rend bien moins susceptible d’être combattu. Cette situation est bien, selon le Président de la BCE un effet de cette « faible inflation »

La Banque centrale européenne semble sortir lentement de sa torpeur, après des années de déni face à la crise. L’inaction de ce jour masque en réalité une information de poids : la BCE est vivante, finalement. Il est très improbable qu’elle puisse répondre un jour avec l’ampleur nécessaire au type de crise auquel l’Europe est confrontée, mais elle vient d’accomplir en moins d’une heure un chemin auquel elle ne nous avait pas habitués.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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