Et François Hollande réinventa la IVème République<!-- --> | Atlantico.fr
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René Coty, président de la IVe République de 1954 à 1959.
René Coty, président de la IVe République de 1954 à 1959.
©Reuters

Régime des partis, le retour

Une ambiance de quatrième République flotte ces jours-ci, avec des partis politiques qui tentent de s’imposer en tant que tels à l’exécutif, ce qui est totalement contraire à l’esprit de la Constitution, et aussi dans une moindre mesure parce qu’au sommet de l’Etat, on fait fi des usages républicains.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Ceux qui, constatant un "glissement des institutions", évoquent une sixième République se trompent. C’est que la situation politique actuelle fait davantage penser à un retour à la quatrième tant honnie, parce que source d’instabilité politique, qu’à une nouvelle République, plus moderne. La quatrième, le "régime des partis", symbole de la faiblesse de la France de l’après-guerre, c’était avant 1958, presque l’éternité pour une grande partie des Français. Ceux qui s’en souviennent et ceux qui en ont eu vent à travers les cours d’Histoire ont l’impression ces jours-ci que la quatrième revient, avec des partis politiques qui tentent de s’imposer en tant que tels à l’exécutif, ce qui est totalement contraire à l’esprit de la Constitution, mais aussi dans une moindre mesure, parce qu’au sommet de l’Etat, on fait fi des usages républicains.

Pour exemple, on a carrément eu le tournis lundi en apprenant la nomination de Manuel Valls à Matignon par les chaines d’information, alors que Jean-Marc Ayrault n’avait pas encore présenté sa démission ; du coup ce dernier s’est contenté d’un simple communiqué ! On objectera qu’à l’ère des mails, le Premier ministre n’est obligé de venir personnellement à l’Elysée pour apporter sa lettre comme autrefois, mais tout de même !

Car ce parfum de quatrième République qui flotte désormais sur la vie politique laisse augurer des jours difficiles pour le gouvernement lorsqu’il s’agira de faire voter un texte qualifié de "difficile", autrement dit impopulaire, comme le futur pacte de responsabilité. Aujourd’hui, le PS ne compte plus qu’une voix d’avance dans la majorité absolue qu’il détenait à l’Assemblée depuis juin 2012, car il a perdu toutes les élections partielles depuis deux ans, et c’est une véritable épée de Damoclès qui pèse sur le gouvernement.

Au PS, l’échec des municipales a ravivé l’antique lutte des courants qui nourrit la chronique du parti depuis des décennies. François Mitterrand avait tenté de les interdire. Sans succès. Quand tout va bien, les courants se mettent en sommeil et se fondent en un seul ; quand ça va mal - ce qui est le cas - on se retrouve en famille. Au PS, il y a les hollandais, les aubrystes, les amis de Benoît Hamon, ceux d’Arnaud Montebourg, ceux de Manuel Valls, de Vincent Peillon et les historiques fabiusiens et Strauss-Kahniens aujourd’hui fondus dans les diverses sensibilités citées. Ces courants ont revendiqué des postes pour leurs représentants pendant la formation du gouvernement Valls, d’où l’affirmation du Premier ministre hier soir, déclarant "Nous sommes tous des Hollandais".  Car la nouveauté, c’est qu’aujourd’hui tous ces courants trouvent un prolongement à l’Assemblée à travers des groupes informels, nommés "Gauche durable", "Gauche forte", "Pole des Réformistes", "Maintenant la Gauche", qui n’hésitent plus à défier le gouvernement et le menacer de ne pas lui accorder leur confiance. C’est dire qu’on attend avec intérêt le décompte des voix après la déclaration de politique générale suivie du vote de confiance de mardi prochain ! Les députés ne sont certes pas des godillots, mais ils sont tenus à une certaine solidarité.

Cependant, en matière de non respect des usages, ce sont les Verts qui détiennent la palme : on a d’abord entendu Cécile Duflot décréter qu’elle ne serait pas du prochain gouvernement car elle ne partage pas les mêmes valeurs que Manuel Valls (pas encore nommé à ce moment là). Choquant, mais quel coup de com ! En patronne du Parti qu’elle est restée, elle a convaincu les dirigeants d’Europe Ecologie les Verts d’imposer à leurs parlementaires de ne pas participer au gouvernement de Manuel Valls. Au nom des grands principes, bien sûr ! Passé un premier moment de stupeur et de colère, ces derniers ont sagement obtempéré et sont rentrés dans le rang : après avoir regretté de ne pas saisir l’opportunité de diriger un grand ministère de l’Ecologie, ils ont fait le coup du mépris à ce qu’ils qualifient de "gouvernement de vieux soldats". Les Verts ont surtout préféré faire l’impasse sur le gouvernement Valls, car ils ont senti l’opportunité de tirer profit de leur autonomie aux prochaines élections européennes de juin. Les Verts, dont la plupart des députés doivent leur élection au PS qui n’avait pas présenté de candidats dans leurs circonscriptions, vont-ils désormais entrer dans l’opposition ? Pas tout à fait. Dorénavant, ils vont faire payer chèrement (au sens figuré s’entend), leurs votes positifs. Or, l’arrivée de Cécile Duflot à l’Assemblée va encore  priver le gouvernement d’une voix supplémentaire, car sa suppléante est membre du PS. L’honnêteté intellectuelle oblige à reconnaître que le fait qu’un ministre remercié retrouve automatiquement son siège de député, comme sous la quatrième, contribue à cette ambiance. Si Cécile Duflot avait dû retourner devant ses électeurs comme c’était le cas avant la réforme constitutionnelle de 2008, (sous le quinquennat Sarkozy), la patronne de fait des Verts aurait peut-être hésité par deux fois avant de décréter qu’elle préfère reprendre sa liberté !

Dès lors, la déclaration de Manuel Valls sur TF1 qui parle de  "véritable contrat avec les parlementaires de la majorité", prend tout son sens. Pour réussir, le Premier ministre a besoin d’un minimum de stabilité politique. Et un contrat oblige. Avec un parlement qui tangue, Manuel Valls serait réduit à l’inaction et la crise s’aggraverait. Les plus pessimistes le voient déjà claquer la porte dans quelques mois parce qu’il n’obtiendrait pas le succès escompté. D’autres envisagent même une dissolution de l’Assemblée par François Hollande, ce qui entrainerait inévitablement une cohabitation. Un spectre pour les uns, un moyen de se refaire une santé politique dans l’opposition pour les autres !  

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