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Entrepreneurs au bord de la faillite ? Voici ce qu'il faut faire pour s'en sortir
©Reuters

Bonnes feuilles

Dépôt de bilan, liquidation, redressement judiciaire… Autant de mots qui font peur à tout entrepreneur, car ils signifient la fin d'une histoire, d'un rêve, d'une entreprise. Extrait de "Entrepreneurs sur le pont", de Renaud Leblond et Margherita Nasi, aux éditions First (1/2).

Qui, mieux qu’un dirigeant qui a connu la réalité du tribunal et s’est engagé dans une procédure amiable ou judiciaire, peut aider les autres chefs d’entreprise à comprendre les procédures collectives ? Parmi les expériences vécues par Henri Chriqui, voici trois « cas pratiques » commentés par les dirigeants eux-mêmes. Des témoignages qui illustrent la réalité du dépôt de bilan, les moyens d’y faire face ou, mieux, de l’anticiper.

Denys Chalumeau, chef d’entreprise heureux

C’est dans un petit local de 10 mètres carrés, au fond du jardin de ses parents, que Denys Chalumeau, en 1992, crée son entreprise. Son idée ? Utiliser le Minitel pour vendre des voyages en ligne. Le succès est immédiat : le site de Promovacances est rentable dès la première année et le jeune entrepreneur se diversifi e aussitôt. Il reprend une agence de voyages en ligne, lance un journal d’annonces immobilières, surfe sur la première vague d’Internet en mettant les annonces en ligne. C’est la naissance de SeLoger.com. De nouveau le succès est au rendez-vous. En 1999, c’est l’apogée. Mais bientôt la bulle Internet gonfl e. Des start-up se créent tous les jours sur ce créneau jugé providentiel. Avec ses associés, Denys Chalumeau décide d’augmenter le capital de son entreprise. Il cède 20 % des parts à deux sociétés de capital risque pour 100 millions de francs. Même avec une concurrence accrue, l’horizon est dégagé. Le groupe – qui emploie 250 personnes – est valorisé 500 millions de francs. En mai 2000, pourtant, c’est la panique. Quelques jours seulement après le closing de la levée de fonds, la bulle Internet éclate. La Bourse s’écroule. Les nouveaux actionnaires expriment leur inquiétude, mais Denys Chalumeau trouve les mots pour les rassurer. Il aff ronte le plus sereinement possible ce revers de conjoncture et investit dans une affaire permettant d’acheter en avance des billets d’avion.

Au cours du mois de juillet 2001, pourtant, Promovacances connaît une baisse importante de chiff re d’aff aires. La loi sur les 35 heures a bousculé les habitudes de voyage. Les Français partent désormais en dehors des vacances scolaires et des mois d’été. En l’espace de quelques jours, le revirement est total. Quelques semaines plus tard, avec l’attentat du World Trade Center, le 11 septembre 2001, c’est le coup de grâce. « Je m’en souviens très bien, raconte Denys Chalumeau, j’étais dans ma voiture, j’écoutais France Inter ou France Info, et là… premier avion, deuxième avion. J’ai immédiatement compris qu’on était foutus. » Les clients annulent massivement leurs réservations, tandis que les fournisseurs exigent d’être payés immédiatement.

Sur les conseils d’un avocat, Denys Chalumeau décide de s’adresser à un administrateur. C’est la rencontre avec Henri Chriqui. « J’avais compris qu’avec l’assistance d’un mandataire ad hoc, raconte-t-il, je pourrais négocier avec mes partenaires financiers et obtenir un rééchelonnement des dettes à l’égard des fournisseurs. » Comme à son habitude, Henri Chriqui écoute longuement, s’approprie l ’histoire. « Dans les heures qui ont suivi, continue l’entrepreneur, j’ai rédigé avec mon avocat une requête destinée au tribunal sollicitant la nomination d’un mandataire ad hoc. »

Accompagné de son conseil, il dépose sa requête au tribunal de commerce de Paris. « Je m’en souviens avec émotion, dit-il. Par rapport à toute la belle histoire de chef d’entreprise que j’avais vécue, je peux vous assurer que passer les portes du tribunal parce que vous êtes dans une position très délicate… ça fait gloups. » Denys Chalumeau est convoqué par le juge. « Une sorte de grand oral, commentet- il. Le juge me demande de lui raconter l’histoire de mon entreprise, ce qui s’est passé, quels sont les espoirs… »

Le lendemain, Henri Chriqui est nommé mandataire ad hoc. Cette fois, il faut élaborer un plan d’attaque. En l’occurrence : se séparer de la filiale voyages qui sera cédée pour l’euro symbolique, mais avec reprise de la totalité du passif, à une société dont le dirigeant est l’ancien président d’Air France. Restent la holding et la fi liale regroupant les activités immobilières. De 250 salariés, le groupe descend à 100 salariés, mais c’est encore trop. Il faut en licencier 35 de plus. « Un des pires moments de ma vie », témoigne-t-il. Et ces licenciements ont un coût : 1 million d’euros. Une somme que les fondateurs et les autres petits actionnaires salariés doivent lever au plus vite pour sauver l’entreprise. Denys Chalumeau est contraint de vendre une maison de famille à Saint-Malo.

La fi n des ennuis ? C’était sans compter sur le fi sc qui, pour les années 1998-1999, lui réclame 34 millions de francs. « En me rendant chez des conseils fi scaux avec le dossier sous le bras, je me suis dit : “Je ne sais pas ce que j’ai fait dans une autre vie mais on s’acharne un peu sur moi…” » Henri Chriqui aide l’entrepreneur à plaider son dossier auprès des inspecteurs des impôts. L’administration fiscale ne retient qu’une partie des redressements et lui accorde un échéancier de paiements. En 2002-2003, enfin, les bénéfices sont de retour. Et en 2011, la société Se Loger est cédée à l’éditeur berlinois Axel Springer pour 633 millions d’euros. Une fi n particulièrement heureuse. « À travers cette aventure, j’ai pu découvrir tous les avantages du mandat ad hoc, conclut l’entrepreneur. Il m’a permis non seulement d’échapper au dépôt de bilan mais de rebondir ! » Depuis la vente de sa société à Axel Springer, Denys Chalumeau, en souriant, dit penser tous les matins à Henri Chriqui…

Monsieur B., ou « comment s’en sortir avec les honneurs »

Dans les années 1960, à la suite de son grand-père et de son père, tous deux grossistes en charbon, monsieur B. reprend les rênes de l’entreprise familiale. Confronté à un brusque recul de la consommation de charbon, il se lance dans le fuel domestique et augmente sensiblement son chiff re d’aff aires. L’entreprise prospère. Distribuer 40 000 mètres cubes de fuel dans des camions est quand même moins fastidieux que de vendre 40 000 tonnes de charbon, livrées dans des sacs de 50 kilos. Quant à l’activité d’intermédiaire, elle garde toute sa raison d’être. À la fi n des années 1990, pourtant, monsieur B. doit faire face à un affl ux de créances impayées auprès de sociétés pétrolières. Pour préserver sa trésorerie, il décide de vivre de sa retraite, sans se rémunérer. Mais ses eff orts sont ruinés par la société d’assurance-crédit qui couvre les pétroliers. Cette dernière se met à distiller des informations sur la vulnérabilité de l’entreprise. Les fournisseurs coupent leurs approvisionnements, les fi ns de mois deviennent diffi ciles. « Le terme de faillite et son côté déshonorant m’obsédaient », se souvient le chef d’entreprise.

En 2002, son commissaire aux comptes lui apprend l’existence du mandat ad hoc. Avec son avocat, il se rend au tribunal et obtient le feu vert du président. Henri Chriqui est désigné. Son diagnostic est sans appel : un redressement judiciaire n’est pas envisageable. Il faut cesser toute activité et aboutir à une liquidation amiable1. « À partir de ce moment-là, raconte monsieur B., je me suis dit : “Bon maintenant je vais peut-être m’en sortir avec les honneurs.” » Henri Chriqui recherche un accord avec les différents créanciers pour arrêter l’activité tout en évitant le dépôt de bilan. Suite aux négociations, les créanciers acceptent de renoncer à une partie de leurs créances contre un paiement calculé à partir d’actifs disponibles.

En principe, un mandat ad hoc réussi débouche sur une poursuite d’activité. Dans ce cas, il se traduit par une cessation d’activité et une fermeture volontaire de l’entreprise, après reclassement des salariés, réalisation des actifs et règlement des créanciers. « J’ai tout payé dans les délais fixés et je n’ai plus jamais reçu de lettres recommandées, se souvient monsieur B. C’est formidable de pouvoir ensuite être détendu, la tête haute : on croise un ancien fournisseur, un ancien client, un ancien banquier et l’on peut se saluer. »

Extrait de "Entrepreneurs sur le pont", de Renaud Leblond et Margherita Nasi, aux éditions First, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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