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Municipales : les villes où tout est déjà joué et celles où tout peut encore bouger
©Reuters

Bientôt le verdict !

Le deuxième tour des élections municipales se tient dans des contextes locaux très différents. Entre les villes où les surprises semblent impossibles, celles où la tendance pourrait se retourner, et celle où seul le verdict des urnes pourra dissiper l'incertitude, tour d'horizon des principaux scrutins à surveiller.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : De nombreux maires (principalement de droite ou du centre) ont déjà été élus au premier tour dans les grandes villes (Alain Juppé à Bordeaux, François Baroin à Troyes, Jérôme Baloge à Niort, Xavier Bertrand à Saint-Quentin...) Pour d'autres, le second tour ne devrait être qu'une formalité. Quelles sont les villes où tout est déjà joué ?

Bruno Cautrès : Prédire les élections municipales n’est pas simple. De nombreux facteurs peuvent jouer dans le cas des élections municipales : nombre de listes présentes au second tour, configurations de celui-ci, divisions dans un camp, désistement, « front républicain », entre autres. On peut dégager quelques scénarios, mais ce ne sont que des tendances et aucunement une prédiction parfaite. Cela va pour les analyses suivantes.

Si l’on ne peut jamais dire, en politique, que tout est joué d’avance, il semble néanmoins que les trois principales villes françaises ne vont pas changer de bord politique : Anne Hidalgo (Paris), Gérard Collomb (Lyon) et Jean-Claude Gaudin (Marseille) devraient l’emporter. Il semble également que Béziers ne pourra échapper à Robert Menard, soutenu par le FN. Un nombre, possiblement élevé de villes vont basculer à droite : de l’ordre d’une centaine de villes de plus de 10 000 habitants d’après les estimations basées sur les résultats du premier tour.

A l'inverse, certains scrutins de ce soir s'annoncent serrés et imprévisibles. Dans quelles villes l'incertitude est-elle la plus forte ? Qu'est-ce qui pourrait finalement faire pencher la balance ?

Certains arrondissements à Paris et à Marseille devraient faire l’objet d’un combat politique plus incertain que le résultat d’ensemble sur ces deux villes : par exemple, dans le 7e secteur de Marseille le résultat devrait être très serré avec une triangulaire qui est très représentative de ces élections municipales à Marseille et au plan national. Dans ce secteur, le maire socialiste sortant (G. Hovsepian) est arrivé troisième (avec 21.65% des exprimés), derrière le candidat du UMP (27.88% des exprimés) et surtout loin derrière le candidat du FN, Stéphane Ravier (32.88% des exprimés).  Dans ce secteur de Marseille, il n’y a pas eu de « front républicain ». Toulouse est également un cas de figure très incertain avec un duel gauche/droite au second tour, le FN n’étant pas parvenu à se qualifier pour le second tour avec 8,15% des exprimés. Cela va se jouer à peu de choses entre le maire socialiste sortant, Pierre Cohen (32.26% des exprimés au premier tour), et son challenger de droite Jean-Luc Moudenc (arrivé en tête du premier tour avec 38.19% des exprimés) : les réserves de voix sont, a priori, un peu plus importantes à gauche qu’à droite sur cette ville où les listes des écologistes, des divers gauche, du Front de gauche et de l’extrême gauche ont totalisé un peu plus de 16% des exprimés.  Mais que vont faire les électeurs du FN au second tour ? S’ils se reportent significativement sur le candidat de droite, cela sera très serré pour le résultat final. Un autre cas de grande ville fera l’objet d’une compétition très serrée : Strasbourg. Il y avait un fort émiettement au premier tour avec 10 listes ; au second tour c’est encore une fois une triangulaire, la liste du FN s’étant qualifiée de justesse pour le second tour (Liste Schaffhauser avec 10.94% des exprimés). Les réserves de voix pour la liste de gauche (Roland Ries, qui avait obtenu 31.24% des exprimés au premier tour) et la liste de droite conduite par l’ancienne maire Fabienne Keller (arrivée en tête du premier tour avec 32.92% des exprimés) sont presque égales. Tout va dépendre donc de la mobilisation des deux camps et du comportement d’une partie des électeurs du FN.

Quelles sont les villes où, selon vous, le candidat arrivé en tête et largement favori pour décrocher le second tour pourrait finalement se retrouver en danger ? D'où peuvent venir les très grosses surprises ?

Les grosses surprises peuvent toujours venir en politique et notamment dans un contexte comme celui que nous avons, avec une vraie dynamique FN et un important « dévissage » de nombreux maires sortants socialistes. Des surprises pourraient arriver si un camp, considérant que sa victoire est acquise, se démobilise. On ne peut bien sûr faire des hypothèses plus précises ici ; mais le risque est réel que dans un scrutin moyennement mobilisateur des électeurs du premier tour s’abstiennent au second tour dans des villes où leur candidat préféré n’est plus au second tour. Ou alors s’ils estiment que leur candidat ou liste préféré n’est plus en danger compte-tenu de son score du premier tour. L’UMP, le PS et le FN font d’ailleurs de nombreux appels à leurs électeurs à ne pas se démobiliser pour le second tour.

D’autres surprises pourraient venir des villes où le « front républicain » a été mis en place pour le second tour. Ainsi, alors que Louis Aliot est arrivé en tête du premier tour à Perpignan (34.18% des exprimés, un score très élevé), le retrait du candidat socialistes (Jacques Cresta qui avait obtenu 11.87% des exprimées et était donc qualifié pour le second tour) pourrait bénéficier au candidat UMP (Jean Marc Pujol, maire sortant qui a obtenu le second score au premier tour, 30.67% des exprimés).

Un cas de figure intéressant va être celui de Grenoble : la liste EELV est arrivée en tête, devant la liste du PS conduite par Jérôme Safar. Celui-ci, présenté comme le « dauphin de Michel Destot » (le maire PS sortant qui ne s’est pas représenté) a refusé de se désister et a de ce fait perdu le soutien officiel du PS pour le second tour. De quelle manière vont réagir les électeurs de gauche face à cette situation ? On peut aussi citer le cas d’Avignon : la liste du FN est arrivée en tête (29.63% des exprimés) du premier tour mais la gauche pourrait l’emporter à l’issue d’une triangulaire. La liste emmenée par le PS avait fait jeu presque égal avec le FN (29.54%), loin devant celle de l’UMP (20.93%).

Une éventuelle forte participation pourrait-elle réellement réserver des surprises après l'importante abstention du premier tour ? Les cartes peuvent-elles être rebattues dans certaines villes sur ce seul facteur ?

Le niveau d’abstention joue toujours un rôle important sur les résultats finaux. Deux scénarios sont possibles : une amplification des résultats du premier tour, liée à la sur-mobilisation des électeurs UMP en particulier. Ce scénario n’est pas invraisemblable. Les électeurs et les militants de l’UMP, qui sortent d’une période difficile pour leur parti, ont du se sentir réconfortés par les résultats de dimanche dernier. Ils veulent sans doute marquer, avec ces élections municipales, une étape dans la « reconquête ». Le second scenario est celui d’une gauche qui redresse la tête : localement cela peut arriver bien sûr; mais un plan national, on ne sent pas une gauche fortement remobilisée : la perspective du remaniement et le sort qui va attendre le Premier ministre, les spéculations sur le nom de son éventuel successeur, doivent accroître chez de nombreux électeurs de gauche le sentiment de perplexité et le sentiment qu’il faut laisser passer les municipales.  Et les électeurs écologistes ou du Front de gauche doivent être encore plus que ceux du PS dans l’expectative sur ces questions.


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