Girl Power : le temps du féminisme est-il révolu ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Des femen
Des femen
©Reuters

Bonnes feuilles

Qu'est-ce que le féminisme aujourd'hui ? Maryse Vaillant tente de répondre dans son ouvrage "Sexy soit-elle", aux éditions poche-marabout. Extrait (2/2).

Maryse Vaillant

Maryse Vaillant

Psychologue clinicienne longtemps chargée de mission à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, Maryse Vaillant a d'abord été éducatrice, puis formatrice et chargée de cours à Paris VII avant de se consacrer à l'écriture. 

Voir la bio »

Certaines filles le proclament : le temps du féminisme est révolu, celui de la femme soumise également, voici venu le temps du Girl Power. Elles veulent vivre et montrer leur féminité sans qu’aucune morale ni aucun tabou ne leur soit imposé.

La mode est aux filles libres et sexy, qui ne se sentent pas concernées par les craintes d’une autre époque. Ni mamans ni putains, elles sont libres et tiennent à le faire savoir. Des filles libres. Pas des femmes, des filles. Des jeunes filles, de très jeunes femmes, des adolescentes, voire des préadolescentes. Leur jeunesse est leur principal atout ; vivacité, impétuosité, fougue sont mises en avant. Ainsi que le refus des contraintes et des codes qui définissent le féminin et lui assignent un rôle social.

Elles se disent opposées à l’intolérance, aux violences faites aux femmes, aux injustices, aux inégalités. Elles refusent que leurs mères les empêchent de s’habiller comme leurs idoles et, à l’image de ces dernières, jouent à fond le jeu de la provocation. On pourrait croire qu’enfin les révoltes féministes ont trouvé un nouveau relais et que les jeunes générations vont porter haut et fort la parole des femmes et leurs revendications à l’égalité des droits.

Or rien n’est moins sûr. En disant que « la mode est à la fille libre », les jeunes rebelles limitent déjà beaucoup la portée de leurs prétentions, puisqu’elles soulignent leur dépendance à l’égard des modèles et du monde de la mode. Look sexy, piercing, string, minijupe : c’est le marketing qui les motive, les forme, définit leur identité. Le rapport à la mode redevient un des caractères sexuels secondaires du genre féminin.

Pour ces filles, il s’agit de paraître libres et émancipées, d’oser le look déluré qui les aidera à traverser les lourdes années de l’adolescence en les faisant paraître plus assurées – notamment à travers la mise en avant d’une liberté sexuelle qu’elles sont d’ailleurs peu nombreuses à revendiquer. Pour cela, elles vont s’identifier aux chanteuses – Madonna, les Spice Girls, Lady Gaga –, aux danseuses et aux vedettes de la téléréalité qui sortent de l’ombre par le scandale, devancées et relayées par les publicitaires et les stylistes, qui perçoivent les tendances et les mouvements de fond de notre société.

Autrement dit, leur désir de liberté est une cible, comme leur jeunesse et leur besoin de transgression. Ce sont des arguments de vente. De même que la féminité, la liberté est devenue une mascarade. Le pouvoir dont se targuent les filles est la parure, le look, l’uniforme bariolé, provocateur et sexy dont aime se parer la jeunesse et dont le commerce s’est saisi. C’est donc une contrainte et une dépendance. Shopping, soldes, achats en ligne : sans cesse est stimulé le besoin d’acquérir un nouvel indice de pouvoir et de liberté.

Vêtements, accessoires, produits pour les soins du visage et du corps : l’arsenal indispensable de la fille libre se renouvelle constamment. Réveillant la vieille figure de la femme futile, qui ne trouve le contentement qu’en écumant les boutiques et en collectionnant les sacs ou les chaussures, les filles semblent bien plus se satisfaire de leur pouvoir d’achat que vouloir se battre pour avoir le droit de vivre une vie libre et choisie.

La jeunesse permet bien des excès. C’est l’âge de l’outrance, le moment où l’on explore les confins du monde et des modes pour choisir son style, son mode de vie, sa vie. Si, à travers le Girl Power, les filles peuvent jouer d’une féminité glamour et sexy tout en restant pleinement conscientes de la mascarade, elles sauront en trouver une conception plus sobre et plus forte au moment de leur maturité. Mais elles ne pourront le faire sans l’aide, le soutien, l’éclairage des autres femmes. Car ni la mode, ni le show-biz, ni les médias, ni aucun directeur marketing au monde ne pourront jamais définir et dessiner une silhouette de la féminité – si osée, si glamour, si sexy soit-elle – qui rende compte de la vraie force des femmes et leur permette d’assumer les richesses singulières qu’elles portent en elles.

Extrait de "Sexy soit-elle", Maryse Vaillant, éditions Poche-marabout, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !