Journée du sommeil : faites-vous partie des 20% de Français empêchés de dormir selon leurs besoins ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Il existe de multiples profils de dormeurs.
Il existe de multiples profils de dormeurs.
©Reuters

Dodo...

Le manque de sommeil, mal du siècle ? Nous sommes nombreux à souffrir de décalages. La faute à une société dont les règles ne sont pas adaptables à nos multiples profils de dormeurs.

Yves Dauvilliers

Yves Dauvilliers

Yves Dauvilliers est responsable de l’Unité du Sommeil, Département de Neurologie du CHRU de Montpellier. Il fait également partie de l'unité de l'INSERM U1061 et est coordinateur national des centres de référence narcolepsie et Hypersomnie idiopathique

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Atlantico : Les préconisations pour un bon sommeil sont nombreuses, mais prennent-elles suffisamment en compte nos différences ? Les profils de dormeurs sont-ils nombreux ?

Yves Dauvilliers : C’est une excellente question. Les recommandations classiques sont censées s’appliquer à la population générale, et non aux extrêmes. Ils sont donc susceptibles d’améliorer les conditions de sommeil d’une très large partie de la population, qui peut avoir des attitudes ou des croyances erronées sur leur capacité à se reposer rapidement. En cas de problème sévère ou de particularités très marquées, on a tout intérêt à consulter.

On constate qu’il a un problème dès lors que le sujet émet une plainte, surtout sur la qualité de ses journées. En cas de fatigue, de somnolence et de manque de concentration, soit c’est parce que la durée de sommeil est trop courte (moins de six heures), soit c’est parce qu’ils sont « extrêmes », c’est-à-dire du matin, ou du soir, soit il y a une pathologie sous-jacente.

Mais il faut différencier les sujets privés de sommeil des insomniaques. Des personnes peuvent avoir du mal à s’endormir, et une fois cela fait, ils se réveillent très fréquemment et pour de longues durées. Cela peut être dû à des maladies, comme le syndrome des "jambes sans repos", qui est une maladie fréquente, mal diagnostiquée et surtout le plus souvent, les dépressions, les douleurs nocturnes… Il s’agit en l’occurrence de personnes qui ne parviennent pas à dormir autant qu’elles aimeraient en durée et en qualité. C’est différent de la privation de sommeil que nous nous imposons, soit pour travailler, soit pour se divertir en regardant un film jusqu’à une heure tardive ou en sortant beaucoup. On s’habitue tellement à ce rythme qu’on ne se rend pas compte qu’il est anormal, avec toutes les conséquences qu'il implique en termes de cognition, de vigilance et de mémoire. Sans compter le surpoids, le diabète, l’hypertension artérielle et, à terme, la mort. Car il ne faut pas ignorer que la somnolence est la première cause de mortalité au volant sur les autoroutes. La somnolence est un symptôme que tout le monde connaît, mais ce qui n’est pas normal, c’est sa survenance à des moments inadaptés et avec trop de fréquence. Et malheureusement les gens ne voient pas cette fréquence comme une pathologie et un motif à consultation.

Quels sont les principaux profils de dormeurs ?

On distingue les courts dormeurs, qui dorment moins de six heures, et les longs dormeurs, au-delà de neuf ou dix heures. Ces durées ne trouvent pas leur origine dans des habitudes ou des privations, mais dans la physiologie des personnes. Et il y a ceux qui sont du soir et du matin. Les autres profils relèvent souvent de maladies ou de mauvaises habitudes. Il faut notamment pour les longs dormeurs éliminer des maladies pouvant expliquer  un besoin de sommeil trop important la nuit et ou le jour comme la narcolepsie et l’hypersomnie idiopathique, maladies qui se traitent efficacement avec une bonne prise en charge.

Pourquoi sommes-nous inégaux face au sommeil ? A quels facteurs cela tient-il ?

L’âge compte énormément. Les horaires auxquels on s’endort, la durée et la continuité du sommeil : ces données varient tout au long d’une existence. S’ajoute aussi la génétique. On distingue des familles entières de longs dormeurs, comme des familles de courts dormeurs, et d’autres qui sont du soir ou du matin. Les extrêmes sont probablement génétiquement déterminés. On connaît quelques gènes clés, qui sans être des maladies, constituent des facteurs de risques.

La norme de rythme posée par la société convient-elle à tout le monde ? Les lève-tard sont-ils stigmatisés à tort ?

Attention, car quand on est lève-tard, l’est-on parce qu’on s’est décalé soi-même ? En ce cas, on n’est pas nécessairement long dormeur. Et ce peut être également parce que les gens fragmentent leur sommeil par des mouvements de jambes, ou d’apnée. Ils compensent alors avec un temps de repos excessif par rapport à la quantité normale qu’ils avaient auparavant.

Les médicaments jouent un rôle aussi. Nous sommes les champions du monde de prescriptions de somnifères, ce qui induit un sommeil artificiel qui pénalise la capacité à se réveiller.

Quelle est la proportion de personnes en situation de "jetlag" permanent ? A quoi cela est-il dû ?

Ce sont des cas d’avance et de retard de phase du sommeil : couché à 20h et levé à 4h du matin ^pour ces premiers. Mais ces cas sont très rares, ils concernent moins de 1% de la population. Les retards de phase, en revanche sont beaucoup plus fréquents. Ce sont des gens qui, sans contraintes horaires, auront naturellement tendance à se coucher vers trois ou quatre heure du matin et à se réveiller à midi. Cela est beaucoup plus fréquent, notamment chez l’adolescent et l’adulte jeune.

Mais il faut apporter une nuance importante, c’est-à-dire savoir si le rythme est exogène ou endogène. Si on sort tard tous les soirs, le cercle vicieux est induit. C’est seulement au retour à la normale des études ou du travail que les personnes concernées auront du mal à s’adapter. Par contre, ceux qui ont un rythme endogène se trouveront dans l’incapacité de trouver le sommeil avant trois ou quatre heure du matin systématiquement. Ce qui est vicieux, pour ces personnes, c’est qu’elles peuvent être amenées à s’adapter en effectuant une sieste en fin d’après-midi, ce qui les empêche de trouver le sommeil de nuit à une heure raisonnable.

La société devrait-elle s'adapter davantage aux différents rythmes de sommeil ?

Quand on voit que 20 % de la société des pays occidentalisés est amené à travailler en horaires décalés, cela fait beaucoup. Mais le marché de l’emploi nous empêche de travailler tous uniquement dans la journée. Parmi ces 20 %, certaines personnes n’arrivent pas à s’adapter. Et même si certains s’en accommodent mieux que d’autres, nous ne sommes de toute façon pas faits, physiologiquement, pour dormir la journée et travailler la nuit. Tout simplement parce que notre mélatonine doit être haute la nuit, et que notre cortisol doit être bas, tout comme notre température interne. Le repos ne consiste pas à dormir sept heures toutes les 24 heures, à n’importe quel moment !

Mais la société peut-elle vraiment s’adapter ? En avons-nous les moyens ? Il faut bien du personnel dans les hôpitaux à toute heure, dans les aéroports, dans les rédactions de journaux…

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