Petit déjeuner avec Mario Draghi : ce que François Hollande aurait pu lui proposer pour ne pas passer à côté de son rendez-vous le plus important de la semaine<!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Draghi, président de la BCE.
Mario Draghi, président de la BCE.
©Reuters

Un croissant ?

Le président de la banque centrale européenne Mario Draghi ne cesse de marteler le même message : la France doit impérativement se réformer.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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08h30 Petit-déjeuner avec Mario Draghi, président de la Banque centrale Européenne". C’est par cet intitulé que débute l’agenda de François Hollande de ce 26 mars. Un rendez-vous qui tombe à pic dans un contexte ou le journal Le Monde indique "Les socialistes pressent Hollande de tout changer", mais les socialistes n’ont pas le monopole, ce message vaut pour tous lesFfrançais depuis ce dimanche 23 mars.

Tout changer. C’est-à-dire l’action plutôt que l’immobilisme, c’est-à-dire la prise de conscience plutôt que le déni, c’est-à-dire la Politique plutôt que l’Etat gestionnaire. Et si François Hollande veut sortir le pays de l’ornière dans laquelle il a contribué à l’enfoncer, il ne pourra faire abstraction de la dimension monétaire du problème.

Mario Draghi, de son côté, va pouvoir enfoncer le clou. La France doit se réformer, les mesures structurelles sont indispensables au pays.  La conférence de presse du Président de la BCE, le 6 mars dernier, était très claire à ce sujet :

"Les pays de la zone euro ne doivent pas relâcher leurs efforts de consolidation et doivent inscrire la dette d’état sur une trajectoire baissière sur le moyen terme. Les stratégies fiscales doivent être en ligne avec le pacte de stabilité et de croissance et doivent assurer une composition pro-croissance, qui combine une amélioration de la qualité et de l’efficience des services publics tout en minimisant les effets de distorsion de la fiscalité. Les autorités nationales doivent également continuer avec la mise en place décisive de réformes structurelles dans tous les pays de la zone. Ces réformes doivent avoir pour objectif, en particulier, de faciliter les affaires et de soutenir l’emploi, permettant ainsi de soutenir la croissance potentielle et de réduire le chômage des pays de la zone euro."

Quelles réformes structurelles ? Mario Draghi le précise régulièrement. Un contrat de travail unique qui permettrait de lutter efficacement contre le chômage des jeunes. La baisse de la fiscalité pesant sur le travail afin d’offrir de nouvelles marges de manœuvre aux entreprises. Le contrôle des déficits publics dont l’objectif premier est justement d’offrir à l’Etat la possibilité de réduire son besoin de financement…et de réduire les niveaux de prélèvements. Pour une France qui plafonne au niveau de 57% de dépenses publiques sur PIB pour 47% de prélèvements, il y a urgence.

François Hollande connaît cette musique, la Commission européenne lui répète sans cesse la même chose. Une seule question se pose alors ; de quelle marge de manœuvre dispose le Président ? Si l’on s’en tient à la méthode en vigueur depuis mai 2012 ; la réponse est simple : aucune. Dans ce cas le président continuera de gérer une situation sous l’œil vigilant des instances européennes.

Mais si le Président décide de prendre son rôle au sérieux et d’incarner la fonction et les pouvoirs que la population lui a confiés, il peut aussi choisir de faire de la Politique. Car François Hollande n’est pas que le Président d’un pays parmi d’autres au sein de la zone euro, il est le Président d’un pays qui a dessiné les contours de cette union. Ce sont ces contours qu’il va falloir redessiner, et c’est ce que le Président doit indiquer au Président de la Banque centrale européenne.

Si la France doit effectivement se réformer, fournir les efforts nécessaires à son rétablissement, la Banque centrale européenne n’est pas innocente dans la crise que la zone euro traverse. Dans un monde où l’ensemble des autorités monétaires ont apporté leur soutien aux économies qu’elles supervisent, seule la BCE est restée muette. François Hollande peut d’ores et déjà exiger un respect du mandat qui a été confié au conseil des gouverneurs de la BCE : une inflation à 2% alors que celle-ci plafonne à un niveau inférieur à ce niveau depuis le mois de janvier 2013, venant même s’écraser sur le seuil de 0.7% en février 2014. L’inflation n’étant rien d’autre que la conséquence de la croissance, il est primordial que la BCE remplisse son rôle.

Mais plus grave encore, la BCE se replie dans une position de déni depuis l’année 2008 alors que la doctrine économique a profondément évolué depuis lors. C’est ainsi que la Fed, La Bank of England, la Bank of Japan ont toutes modifié leur vision de la crise en pointant leurs propres déficiences. Comme le disait Ben Bernanke lors de première intervention "libre" le 4 mars dernier, c’est-à-dire hors de tout mandat officiel : "Bien que nous ayons été très agressifs, je pense que sur le plan monétaire nous aurions pu être encore plus agressifs". De son côté la BCE a été immobile. Le résultat se voit clairement : 12% de chômage en zone euro, 6.7% aux Etats-Unis.

La France ne peut tolérer d’être soumise à une obligation de réformes structurelles sans soutien monétaire. Les cas de la Grèce, de l’Espagne, ou de l’Italie, sont suffisamment désastreux pour ne pas s’aventurer sur la même pente. L’exemple à suivre, ironiquement, est celui de l’Allemagne. Une Allemagne qui a pu se réformer au cours des années 2000 lorsque la Banque centrale européenne "permettait" une croissance nominale de l’ordre de 4% en rythme annuel. La France se réformera, dans son propre intérêt, et dans l’intérêt général européen lorsque les mêmes conditions monétaires seront offertes.

Les Etats de la zone euro ne peuvent être tenus comme seuls responsables de la situation actuelle, comme le démontre le graphique suivant :

PIB nominal européen. Base trimestrielle. Comparé à sa tendance longue 1995-2007

La croissance nominale, c’est-à-dire la donnée brute de la croissance, sans retrait de l’inflation, a été parfaitement stable entre 1995 et 2007, avant de s’effondrer depuis 2008. Cette situation n’est rien d’autre qu’un phénomène monétaire et c’est ce que la BCE doit prendre en compte. C’est ce qu’ont compris la FED, la Bank Of Japan et la Bank of England, mais pas la BCE.

François Hollande dispose ici d’un fort argument de négociation. Les réformes oui, mais les réformes pour tous. Pour la France, mais aussi pour la BCE. Comme l’indiquait le plus influent des macro-économistes américains (Bloomberg : "Mike est le plus grand théoricien monétaire de la planète") Michael Woodford, dans un document de recherche du 16 septembre 2012 qui aura une importance fondamentale dans la prise de conscience du problème monétaire :

"Un exemple de cible appropriée serait l’engagement de revenir à la tendance de croissance nominale effective jusqu’à l’automne 2008". Ce qui, au regard du graphique précédent, signifie la ligne noire. Mario Draghi a du pain sur la planche car nous parlons ici d’un plan relance équivalent à plus de 20 points de PIB européen. La Bundesbank, via son Président Jens Weidman, a justement pu faire état de la possibilité technique de mettre en place un plan d’assouplissement quantitatif, similaire dans la forme à ceux mis en place aux Etats-Unis. Pour mémoire, et rien que pour l’année 2013, les Etats-Unis ont injecté 1000 milliards de dollars dans leur économie en procédant à des rachats de dette. Il ne reste qu’à prendre la décision.

Dans de telles conditions, François Hollande n’aurait plus aucune excuse et se devra de mettre en œuvre le grand chantier de l’offre dont la France a besoin. Offre d’un côté et demande de l’autre, voici la seule possibilité qui reste au Président. Ceci uniquement dans l’hypothèse où son ambition serait de sortir le pays de sa plus grande crise depuis 1929.

A lire de l'auteur de cet article : Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, de  Nicolas Goetzmann chez Atlantico éditions. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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