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Des élus déjà passés aux mains de la justice récoltent encore de nombreux suffrages.
Des élus déjà passés aux mains de la justice récoltent encore de nombreux suffrages.
©Reuters

Éditorial

Le livre "Délits d'élus, 400 politiques aux prises avec la justice" de Graziella Riou Harchaoui et Philippe Pascot dresse le catalogue des hommes politiques qui sont passés entre les mains de la justice.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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« Si on investit que ceux qui n’ont pas été condamnés par la justice, on n’a plus de candidats dans les Hauts-de-Seine… ». Cette déclaration (en juin 2013) de Patrick Balkany qui vient d’être réélu au premier tour dans sa ville de Levallois-Perret sert d’incipit à l’ouvrage « Délits d’élus – 400 politiques aux prises avec la justice » publié aux éditions Max Millo.

Fruit du travail de la journaliste Graziella Riou Harchaoui et de Philippe Pascot, ancien élu local à Evry et qui « connaît la plupart des élus de premier plan » (sic), « Délits d’élus » propose une liste de responsables politiques qui ont eu maille à partir avec la justice.

La démarche des deux auteurs semble à priori pertinente au moment de ce scrutin municipal où des dizaines d’élus condamnés par la justice sollicitent le vote de leurs concitoyens… et l’ont parfois obtenu de façon franche et massive dès le premier tour.

L’élection avant-hier de Patrick Balkany, condamné pour prise illégale d’intérêt, mais aussi celle de Jacques Mahéas, maire divers gauche de Neuilly-sur-Marne condamné pour attouchements sexuels sur une employée municipale, ou celle de Léon Bernard, maire UMP de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane condamné pour corruption passive et favoritisme, en sont quelques exemples. Idem pour les scores honorables de nombreux autres édiles qui ont subi les foudres de la justice mais s’apprêtent à gagner le second tour et à rempiler dimanche prochain.

Même des scores médiocres peuvent interpeller. Qu’Elie Brun, maire sortant UMP à Fréjus qui vient d’être condamné il y a à peine deux mois pour prise illégale d’intérêt, ou que Gérard Dalongeville, ancien maire socialiste d’Hénin-Beaumont, condamné l’été dernier pour détournement de fonds publics, soient encore parvenus à séduire des milliers d’électeurs après leur avoir fait les poches a de quoi surprendre !

Quelle morale tirer de ces résultats ? Que l’analyse de l’ancien président du conseil Edouard Herriot qui expliquait que « la politique, c’est comme l’andouillette. Pour qu’elle soit bien faite, il faut qu’elle sente la merde, mais pas trop... » reste d’une singulière actualité. Que pour faire du clientélisme, il faut des clients. Que les critères de la justice et ceux des électeurs, surtout lors d’élections locales, ne sont pas les mêmes quand il s’agit de prononcer un verdict…

L’ouvrage « Délits d’élus » ne répond à aucune de ces questions. Son objet n’est pas là. Il s’agit selon les auteurs du projet « salutaire de dresser le catalogue de celles et ceux qui sont passés entre les mains de la justice ».  Le principe même d’une liste - liste « salutaire » de surcroît - met vite mal à l’aise. Le côté « fourre-tout » de l’avant-propos qui amalgame dans un même texte crimes de sang, délits et certains avantages octroyés aux élus (indemnités de représentation ou frais de mandat par exemple) accentue le sentiment d’un propos qui vise plus le coup médiatique qu’un travail sérieux.La méthodologie suivie pour la conception de ce bouquin n’explique pas quel étrange curseur a été choisi pour faire figurer dans un même catalogue des violeurs d’enfants, des élus qui ont détourné de l’argent public ou le ministre Arnaud Montebourg, condamné pour injure publique pour avoir qualifié les dirigeants la société SeaFrance « d’escrocs » (D’ailleurs, avait-il tort sur le fond ? Mais c’est un autre sujet…). Les auteurs du livre font même le choix de faire figurer dans leur liste plusieurs élus… totalement innocents, puisque pas encore jugés ! A l’arrivée, l’exposition en un même document de condamnations et d’histoires qui n’ont rien à voir les unes avec les autres participe  (involontairement ?) au diagnostic - injuste parce qu’ici totalement excessif - du « tous pourris ».

« Délits d’élus – 400 politiques aux prises avec la justice » évoque plusieurs questions pertinentes. Pourquoi n’est-il pas nécessaire de produire un casier judiciaire vierge pour être candidat, comme c’est le cas pour postuler dans certaines professions ? Pourquoi certains procès de responsables politiques durent-ils plus longtemps que pour un justiciable lambda, permettant aux accusés d’échapper au verdict ?

Mais le livre se garde bien d’en poser d’autres. Quid du droit à l’oubli, pour les élus comme pour les autres citoyens ? Ou encore, que penser des sujets graves et sensibles traités dans le souci de faire le buzz et de vendre du papier plutôt que dans le souci de la présomption d’innocence ou le respect des gens ?

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