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Bomeurs : cette catégorie de chômeurs bobos qui tente de garder la face
©Reuters

Baby bomeurs

Pour faire face à la dure réalité du chômage, un nouveau genre d'individu est apparu, le "bomeur". Une contraction du terme "bobo" et "chômeur" qui illustre le besoin de positivisme d'une génération qui multiplie les expériences mais aussi les périodes creuses. L'inventeur de ce terme, Nathanaël Rouas, livre son vécu de bomeur dans un ouvrage.

Nathanaël Rouas

Nathanaël Rouas

Directeur de création dans une agence de communication, Nathanaël Rouas se retrouve au chômage en 2011 à la suite d'une liquidation judiciaire. Grâce à quelques mois de cafés pris en terrasse à 15 heures en semaine et à une déformation professionnelle qui le pousse à analyser la population qui l'entoure, il identifie une nouvelle tribu, la sienne : les bomeurs.

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Atlantico : Dans votre livre, vous évoquez votre vécu de chômeur, en choisissant de vous qualifier de "bomeur". Qu'est-ce que c'est, un "bomeur" ?

Le "bomeur", c'est à la base un mot inventé pour faire rire mes potes dans une discussion : "les mecs, en fait, je suis au bomage, un bobo au chômage". 

Ça les a fait marrer.

Du coup j'en ai fait un tumblr, où je racontais des tranches de vie d'un bobo chômeur sous la forme d'un stand up virtuel. Un personnage qui en fait des caisses pour essayer de montrer à ses amis qu'il est encore actif, mais qui a des gros moments de bad et de remises en question.

Peu à peu, le personnage s'est construit.

C'est  devenu : "le mec qui avait un boulot cool et qui essaie de garder une image de mec cool même au chômage".

Aujourd'hui, c'est un roman où l'on suit les aventures sur 2 ans de chômage de ce mec là.

A quoi occupe-t-il ses journées ?

Le personnage se lève tard parce que mettre un réveil alors qu'il n'a aucun objectif dans la journée est dur à supporter.

Ne pas avoir d'horaires de bureau entraîne forcément un décalage de rythme. 

Quel mec de 30 ans se réveille naturellement à 8h30 en semaine ?

Si t'as pas de boulot, tu te réveilles pas. La journée se remplit de rencontres avec d'autres potes, avec des "contacts", pour parler de "projets sur lequel je suis mais je ne peux pas t'en parler pour le moment, je t'en parlerais quand ça aura avancé", et boire des pastis. 

En fait, c'est des journées de chômeurs normales, sauf que le bomeur essaie de faire croire aux autres que sa situation est cool.

Il essaie de dédramatiser sa situation.

Le livre parle de ça, du statut social que le personnage essaie de garder, parce qu'il pense que répondre "je suis chômeur" à une fille en soirée, ça ne fait pas rêver.

Peut-on parler d'un art de vivre ?

C'est juste une façon de gérer une situation difficile.

Le bomeur décide juste qu'il a le droit d'essayer d'être heureux bien qu'il soit au chômage.

Il est au chômage, ok, mais ce n'est pas pour ça qu'il doit rester chez lui toute la journée à s'apitoyer sur son sort.

Sont-ils nombreux, ces bobos chômeurs ? Où se trouvent-ils ?

Aucune idée, je ne suis pas sociologue ! 

Je sais juste que beaucoup de visiteurs du tumblr me disent se retrouver dans ce personnage.

Le bomeur est-il représentatif de notre société et de ses dérives ? Pourquoi ?

La seule dérive que je vois se trouve dans la question.

Il y a toujours un soupçon de "mec qui profite" qui pèse sur les chômeurs.

Le personnage se rend bien compte que lorsqu'il prend une bière en terrasse avec des potes un mardi à 15h, il sent la pression des regards des travailleurs qui passent en mode "ah ouais, le mec profite du système quoi".

C'est tout le sujet du livre. 

Montrer la pression sociale que le personnage doit gérer en étant au chômage.

Pour ne pas être qualifié de "dérives", qu'est ce que devraient faire les chômeurs ?

Rester chez eux à pleurer toute la journée ?

Un chômeur ne peut pas passer 24/24 et 7/7 à envoyer des CV et passer des entretiens.

 Le bomeur se caractérise-t-il aussi par le fait qu'il n'assume pas le fait d'être chômeur ? Son mal-être est-il profond ?

Le personnage continue à écrire "directeur de création" dans les papiers administratifs parce qu'écrire "chômeur" fait trop mal à l'égo, ça montre pas mal de choses.

C'est compliqué de répondre "je suis chômeur". Pour n'importe qui.

Du coup il se cache derrière ses "projets".

Les "projets", c'est juste une façade pour ne pas dire "je suis au chômage", ça lui permet de se persuader qu'il est encore actif.

Si la situation de chômage du bomeur tend à perdurer, à partir de quand cesse-t-il d'être un bomeur pour devenir un "vrai" chômeur

Pour la plupart des bomeurs, le chômage est une passade.

Le personnage sait bien que cette situation va sûrement se répéter dans le temps, et qu'il va lui falloir apprendre à rebondir en permanence. 

C'est d'ailleurs pour cela que pas mal des amis du personnage montent leurs propres boîtes.

Au chômage eux aussi, ils se disent "bon vas-y, je prends un risque, je monte ma boîte, et je verrais. De toutes façons, je peux pas être plus dans la merde que maintenant ".

Bref, ça parait très sérieux tout ça, mais apparemment on se marre bien en lisant le livre !

Et pour la journée type du bomeur, en fait il suffit de regarder la couv' du livre.

C'est pour ça que j'ai choisi cette couv'.

T'as l'impression que l'agenda du bomeur est rempli, c'est ce qu'il montre aux autres.

Alors qu'en fait, il n'y a que de la merde dans son agenda, mais il n'y a que lui qui le sait.

Propos recueillis par Karima Benamer

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