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Quel potentiel électoral 
pour le Front de gauche ?
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Présidentielle

L'arrestation de Dominique Strauss-Kahn a changé la donne politique en France, en particulier à gauche. Retour sur le potentiel électoral du Front de gauche, tel qu'il était au lendemain des cantonales.

Avec 8,9 % de voix au premier tour des élections cantonales, le Front de Gauche a certes raté la barre symbolique des 10 % mais il a atteint néanmoins certains de ses objectifs. Il progresse tout d’abord par rapport au score du PC seul en 2004 (7,8 %), il améliore ensuite ses résultats des régionales et des européennes et enfin, il est parvenu à coiffer au poteau Europe Écologie / Les Verts (8,2 %) s’arrogeant ainsi la place de second parti de la gauche.  

Le calcul, plus juste de notre point de vue, du score du Front de Gauche sur les 1616 cantons où il présentait un candidat (et non pas sur l’ensemble des 2020 cantons renouvelables) s’établit quant à lui à 10,4 % et démontre que cette formation occupe aujourd’hui un vrai espace dans le paysage politique français. La dynamique unitaire créée autour du Front de Gauche a parallèlement permis d’enrayer le recul historique du PC puisque sur les 1461 cantons où le PC était présent en 2004 et le Front de Gauche en 2011, le résultat passe de 9,2 % à l’époque à 10,5 % aujourd’hui.

Pour réelle qu’elle soit, cette dynamique reste modeste et ne s’est pas produite partout. Tout se passe comme si l’apport de la « marque » Front de Gauche avait permis à l’union d’améliorer sensiblement le score du PC dans les territoires où celui-ci était très faiblement implanté sans pour autant se traduire par des gains dans les fiefs ou les zones de force communistes traditionnelles.

Évolution du score du Front de Gauche au premier tour des cantonales par rapport aux résultats du PC en 2004 : la progression se fait uniquement dans les terres de mission

Strates de cantons en fonction du score du PC en 2004

Score moyen du PC en 2004

Score moyen du Front de Gauche en 2011

Évolution

Supérieur à 30 %

40,2 %

40,1 %

- 0,1

De 20 à 30 %

24,6 %

24 %

- 0,6

De 10 à 20 %

14,2 %

12,5 %

- 1,7

De 5 à 10 %

6,7 %

8,3 %

+ 1,6

Moins de 5 %

3,4 %

5,4 %

+ 2

Dans ces endroits, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessus, l’érosion de l’influence électorale du PC s’est poursuivie mais on peut penser que la création du Front de Gauche a permis de limiter le recul voir de stabiliser le niveau de vote communiste.   En revanche, le passage d’une offre PC à une offre Front de Gauche s’est traduit par un gain moyen de 1,6 point dans les cantons où le PC réalisait à l’époque entre 5 et 10 % et une hausse de 2 points dans la série des cantons où il n’atteignait pas la barre des 5 % en 2004. Les quelques exemples suivants illustrent bien « l’effet Front de Gauche », parfois assez spectaculaire dans certains « déserts communistes ».

La progression du Front de Gauche dans certains cantons à très faible implantation communiste

Département

Canton

Score du PC en 2004

Score du Front de Gauche en 2011

Évolution

Alpes-Maritimes

St-Martin de Vésubie

2,8 %

12,7 %

+ 9,9

Lozère

Fournels

2,6 %

11,8 %

+ 9,2

Meurthe et Moselle

Nancy-Sud

2,4 %

9,7 %

+ 7,3

Aveyron

Marcillac

2,7 %

9,8 %

+ 7,1

Haute-Garonne

Boulogne sur Gesse

1,4 %

8 %

+ 6,6

Loire

St-Just

1,7 %

8,2 %

+ 6,5

Marne

Montmort-Lucy

2,7 %

8 %

+ 5,3

Tarn

Alban

2,4 %

7,3 %

+ 4,9

A l’inverse, bien que partis sous la bannière du Front de Gauche, des candidats communistes ont vu leur score reculer parfois sensiblement par rapport à 2004 dans certains bastions. On citera par exemple Friville-Escarbotin dans la Somme (- 11,6 points), Echirolles dans l’Isère (- 9,8), Grigny dans l’Essonne (-7,8), Arles-Ouest dans les Bouches-du-Rhône (-7,2) ou bien encore Avion dans le Pas-de-Calais (-6,6).

La marque « Front de Gauche » a donc eu un impact électoral variable selon les territoires et l’histoire politique locale. On observe également un différentiel assez marqué en fonction de l’appartenance partisane du candidat Front de Gauche. Ainsi, dans les 1396 cantons où un communiste se présentait, le score du Front de Gauche s’établit à 10,7 % alors qu’il n’ait « que » de 7,9 % dans les 242 cantons où un candidat issu du PG concourrait. Cette moindre performance des candidats du PG s’explique d’abord par le fait qu’ils ne comptaient que très peu de sortants dans leurs rangs mais aussi et surtout par le fait que les cantons où ils se présentaient étaient généralement moins favorables à la gauche communiste. En 2004, le score du PC était de fait de 9,7 % dans les 1277 cantons où il s’est présenté de nouveau en 2011 contre seulement 5,8 % (soit 4 points de moins) dans les 205 cantons où il était présent en 2004, et où cette année un candidat du PG a brigué les suffrages des électeurs.

Progression comparée du Front de Gauche dans les cantons attribués au PC et au PG

Résultats du PC en 2004

Résultats du Front de Gauche en 2011

Evolution

Cantons où le Front de Gauche a été représenté par le PC en 20011

9,7 %

10,8 %

+1,1

Cantons où le Front de Gauche a été représenté par le PG en 20011

5,8 %

7,7 %

+ 1,9

Envoyés dans des cantons moins faciles, les membres du PG sont néanmoins parvenus à faire progresser le score de 1,9 point par rapport au résultat du PC en 2004 quand la progression a atteint 1,1 point dans les cantons attribués à des candidats communistes. Ceci souligne, comme on l’a vu précédemment, que la dynamique « Front de Gauche » s’est pour l’essentiel manifestée dans des cantons à faible implantation communiste, dont un certain nombre ont été dévolus au PG.     

Bien que bâti dans une logique de rassemblement unitaire, le Front de Gauche a connu localement quelques accrocs : dans 24 cantons, un candidat du PG affrontait un candidat communiste. Cette configuration rare, mais intéressante, permet de disposer d’un autre élément d’appréciation sur le rapport de force interne au sein de la coalition. Dans 18 cas sur 24 (Thiers dans le Puy-de-Dôme, Dôle-Nord-Est dans le Jura, Lezay dans les Deux-Sèvres ou bien encore Grenoble-3), le Parti de Jean-Luc Mélenchon devance son partenaire avec un score moyen de 8,9 % dans ces 24 cantons contre 6,2 % pour le PC.

Si la concurrence au sein du Front de Gauche a donc été assez limitée, ses candidats ont affronté l’extrême-gauche dans 269 cantons. Les précédentes confrontations lors des européennes et surtout à l’occasion des régionales avaient tourné à l’avantage du Front de Gauche ce qui a été le cas une nouvelle fois cette année. Non seulement, ce dernier devance quasiment toujours l’extrême-gauche mais comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous, le résultat du Front de Gauche ne se trouve pas affecté par le niveau atteint par les candidats se revendiquant du NPA ou des autres organisations. 

Pas d’impact de la concurrence de l’extrême-gauche sur les résultats du Front de Gauche 

Strate de cantons en fonction du score de l’extrême-gauche

Score moyen de l’extrême-gauche

Score moyen du Front de Gauche

 Supérieur à 4 %

5,9 %

11,1%

Entre 2 et 4 %

2,8 %

10,1%

Entre 0 et 2 %

1,3 %

10,3%

Absence de candidats d’extrême-gauche

-

10,4%

Dans les cantons ayant le plus voté pour l’extrême-gauche, on observe même un score du Front de Gauche supérieur à la moyenne. Ceci peut s’expliquer par le fait que ces cantons présentent la plupart du temps une sociologie politique assez favorable au courant de la gauche radicale qu’elle soit communiste ou non. C’est le cas par exemple de Montluçon-Ouest dans l’Allier, Pantin-Ouest en Seine-Saint-Denis ou bien encore Villerupt en Moselle ou Plérin dans les Côtes-d’Armor. Enfin, pour finir sur les relations avec l’extrême-gauche, il convient de mentionner que dans certains départements (notamment les Alpes de Haute-Provence, les Hautes-Alpes, les Vosges, l’Yonne ou bien encore les trois départements du Limousin), le Front de Gauche avait passé des accords d’alliance avec le NPA. D’après les calculs effectués à partir de la liste des cantons concernés que nous avons pu répertorier, le résultat du Front de Gauche quand il était soutenu par le NPA atteint 12,7 % contre 10,4 % en moyenne soit une « prime » de plus de 2 points. La progression par rapport à 2004 a été importante dans certains cantons du Limousin passant ainsi de 3,8 % à 16,3 % à Guéret Sud-Est, de 5,1 % à 15 % à Limoges-Panazol ou bien encore de 8,9 % à 17 % à Bonnat dans la Creuse. Rappelons que lors des régionales de 2010, le Front de Gauche s’était déjà allié au NPA dans cette région, ce qui a pu contribuer à alimenter cette dynamique unitaire. Mais au niveau national sur l’ensemble des cantons où il était soutenu par le NPA, le Front de Gauche passe de 10,2 % en 2004 (score du PC à l’époque) à 11,5 % aujourd’hui soit une progression de 1,3 point identique à celle observée dans les cantons où il n’était pas soutenu par l’extrême-gauche… Si hormis le Limousin, le soutien du NPA n’a donc guère dopé le vote Front de Gauche, ce dernier n’a pas non plus, on l’a vu, pâti de la concurrence de candidats d’extrême-gauche.  

La concurrence en provenance d’Europe Ecologie / Les Verts a été en revanche plus sérieuse puisque le Front de Gauche a atteint en moyenne 12,3 % dans les 583 cantons où il n’était pas opposé aux écologistes, ce score diminuant à 9,7 % dans les 1033 cantons où ces deux formations s’affrontaient. On peut donc penser qu’au sein de la gauche non communiste, les frontières ne sont pas étanches et qu’une partie de l’électorat a pu, en fonction de l’offre électorale, osciller entre Europe Ecologie et le Front de Gauche. Dans ces 1033 cantons où les deux formations étaient en concurrence, Europe Ecologie devance, avec un score moyen de 11,9 %, le Front de Gauche (9,7 %). Quand on écarte les cantons où les Verts avaient fait alliance avec le PS dès le premier tour (ceci venant « doper » mécaniquement le résultat d’Europe Ecologie), l’écart est un peu plus resserré : 11,1 % pour les écologistes contre 9,2 % pour le Front de Gauche. Mais au total, et comme on l’a vu plus haut, quand on mesure les rapports de force sur l’ensemble des cantons, c’est bien le Front de Gauche qui s’est imposé, certes de peu, comme la seconde force à gauche.

Cette bonne performance se lit également au second tour où le Front de Gauche était présent dans 132 cantons. Dans 14 d’entre eux, du fait notamment du désistement du reste de la gauche à l’issue du premier tour, le Front de Gauche était seul en lice et a donc remporté l’élection. Sur les 118 autres cantons, où il était en lice au second tour, ce parti parvient à l’emporter dans pas moins de 100 cas. La plupart de ces victoires ont été acquises au nom de la gauche rassemblée face à la droite mais quelques cas de figure sont également à signaler. 17 cantons donnaient lieu à un duel PS / Front de Gauche, 11 ont été remportés par les socialistes (bénéficiant vraisemblablement de reports d’une partie de la droite) et 6 par le Front. Ce fut le cas notamment à Aubervilliers-Est en Seine Saint-Denis, Ambazac ou Saint-Junien-Est en Haute-Vienne ou bien encore Saint-Martory en Haute-Garonne. Autre cas de figure intéressant : dans 6 cantons un duel opposait au second tour un candidat du Front de Gauche à un écologiste et dans ces six cantons (Saint-Denis-Nord-Ouest et Montreuil-Ouest en Seine-Saint-Denis, Fontenay-sous-Bois-Ouest, Villejuif-Ouest et Ivry-Ouest dans le Val-de-Marne et La Possession à La Réunion) le Front de Gauche l’a emporté.

Au soir du second tour, le nombre total de cantons détenus par le Front de Gauche s’établit à 121 (116 ayant un conseiller général communiste et 5 un élu du PG) contre 109 cantons pour le PC en 2004. Ce développement de l’implantation électorale de la coalition, associée à la progression de son score, traduit donc une dynamique pour ce troisième scrutin où le Front de Gauche se présentait. Il s’agira désormais de voir comment il se comportera en avril prochain dans une élection d’une toute autre nature.

Jérôme Fourquet pour l'IFOP

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