Le patronat "assisté" ? Quand Thierry Lepaon oublie un peu vite comment sont financés les syndicats comme le sien<!-- --> | Atlantico.fr
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Le numéro un de la CGT Thierry Lepaon.
Le numéro un de la CGT Thierry Lepaon.
©RTL

Les vrais assistés

Le numéro un de la CGT Thierry Lepaon, qui participait hier à une journée d'action syndicale pour l'emploi et contre le pacte de responsabilité, a accusé le patronat français d'être "assisté" par le gouvernement.

Jean-Luc Touly

Jean-Luc Touly

Jean-Luc Touly est syndicaliste. Il est aujourd’hui chez Sud, après avoir été pendant près de 30 ans à la CGT, et également délégué syndical FO chez Veolia. Il est l’auteur de L’argent noir des syndicats (Fayard, 2008) et reste, par ailleurs, conseiller régional en Ile-de-France d’EELV.

Il a publié, en septembre 2013, le livre Syndicats: corruption, dérives, trahisons chez First Editions.

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Atlantico : Le secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon a accusé le patronat d'être "assisté" par le gouvernement. Il met en avant les "200 milliards d'euros d'aides versés tous les ans au patronat", soit "dix fois le déficit des caisses de retraite". Mais comment se financent pour leur part les syndicats de salariés ? Combien coûtent-ils à la collectivité ? Et plus particulièrement la CGT ?

Jean-Luc Touly : Lorsqu'on est soi même financé par le patronat et les gouvernements qui se sont succédés depuis des années, à travers notamment tout ce qui paritaire, je trouve que c'est quand même un peu gonflé d'accuser le patronat d'être assisté. Alors oui effectivement on peut le constater, mais il est clair que la CGT n'est pas non plus exempte de reproches sur l'assistanat. Elle est depuis très longtemps financée par les entreprises publiques et privées, et par les gouvernements de droite et de gauche. Monsieur Lepaon est mal placé pour donner la leçon. Les syndicats sont sous perfusion depuis au moins 25 ans, pour ne pas dire plus !

De 60 à 80% au minimum des fonds des syndicats ne proviennent pas des cotisations des syndiqués, mais plutôt des fonds de la formation, du 1% logement, de la médecine du travail, des comités d'entreprises où un certain nombre de financements passent de l'entreprise à des fédérations syndicales. On peut parler aussi des pages de publicités dans les journaux syndicaux très au-dessus du tarif normal, et en plus ces syndicats ne sont pas des clients de ces entreprises. On peut se demander pourquoi ces entreprises financent donc ces syndicats. Par altruisme ? Mais il y a sûrement contreparties, et c'est bien là que le discours de Monsieur Lepaon est contradictoire. Si on veut accuser, il vaut mieux être complément transparent.

La loi de 2008 devait permettre une amélioration notamment par la fourniture des comptes des confédérations. Mais cela ne représente qu'une partie, peut-être 10%, de la totalité du financement que ces syndicats reçoivent à travers les fédérations, les unions départementales, les unions locales,… c'est un progrès mais on est loin du compte. Il n'y a pas de vraie transparence, de certification des comptes, ni d'audits,… ce qui amène à des dérives, notamment dans les comités d'entreprises.     

Comment se justifie ce mode de financement des syndicats ? A quoi tient sa légitimité ? Est-il encore adapté ?

Il ne se justifie pas. Nous sommes dans la négation de tout ce système, et pourtant la Cour des comptes remarque depuis des années ces dysfonctionnements. Bien sûr les syndicats sont très utiles, mais il faut qu'ils soient transparents. Par contre personne n'a intérêt à parler : ni les syndicats, ni les représentants des entreprises, ni les gouvernements qui se sont succédés, parce qu'on a besoin d'avoir des partenaires sociaux qui soient un peu dépendants. Il n'y a plus de légitimité du tout. Il perdure parce qu'il n'y a pas de volonté politique de changement. Les premiers responsables sont les gouvernements, qui n'ont pas légiféré jusqu'au bout dans ce domaine.

Qu'est ce que ce mode de financement révèle des maux du syndicalisme français ? Comment pourrait-on réformer le système ?

Des manifestations comme celle d'hier donnent l'impression que les syndicats sont du côté des salariés, mais c'est en réalité beaucoup plus compliqué. De plus en plus de gens voient bien que les syndicats sont moins représentatifs, qu'ils signent parfois des accords assez étonnants.Tout cela est quand même navrant, alors que nous avons besoin de syndicats forts dans notre pays, comme dans beaucoup de pays d'Europe. Les gouvernements ont besoin des partenaires sociaux pour signer des accords. Mais que représentent ces gens ? Quand on a su par exemple que les partis politiques étaient financés par les entreprises, on a légiféré. Même si tout n'est pas réglé, une réglementation a été mise en place. Dans une société ou l'on contrôle tout, il n'est pas normal que l'on ne contrôle pas les syndicalistes.

Mais, le gouvernement n'a pas intérêt de réformer ce système, parce que c'est un moyen de dépendre d'eux, et donc d'être redevable. C'est quand même très dommageable. On se tire une belle dans le pied.

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