Pacte de responsabilité et divagations sur les dividendes : pourquoi la rémunération du capital n'a pas grand-chose à voir avec un engraissement indu des actionnaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président du MEDEF Pierre Gattaz présente le "Pacte de responsabilité" lors d'une coférence.
Le président du MEDEF Pierre Gattaz présente le "Pacte de responsabilité" lors d'une coférence.
©Reuters

Erreur de casting

Le pacte de responsabilité du président de la République fait couler beaucoup d’encre avant même son adoption.

Charles-Henri d'Auvigny

Charles-Henri d'Auvigny

Charles-Henri d'Auvigny est président de la F2iC, Fédération des Investisseurs Individuels et des Clubs, qui accueille plus de 100 000 membres.

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Pour préserver sa majorité au moment du vote en avril prochain, le gouvernement a lancé un nouveau sujet : que ces allégements de charges ne viennent pas accroître les dividendes versés aux actionnaires mais servent plutôt à l’investissement. La semaine dernière, Benoît Hamon sonnait la charge en réclamant que la discussion sur le pacte de responsabilité intègre les enjeux du "coût du capital".  Il écrivait dans Les Echos du 7 mars que "schématiquement, quand, dans les années 1980, une entreprise française donnait 1 euro à son actionnaire, elle investissait 2 euros pour se moderniser. En 2009, la même entreprise donne plus de 3 euros à son actionnaire et en investit pour seulement 1 euro." Deux jours plus tard, Michel Sapin enfonçait le clou dans le Journal du Dimanche : "La rémunération du capital n’est pas une priorité."

Et pourtant l’État français est mal placé pour vilipender entreprises et investisseurs. Il a exigé des sociétés dont il est actionnaire qu’elles lui reversent plus de 76 % de leurs bénéfices. Soit 30 points de plus que la moyenne du versement des entreprises du CAC 40 (45 %).

Il est donc nécessaire de rappeler quelques fondements économiques à certains membres de ce gouvernement. Une entreprise pour se développer à besoins de capitaux. Elle ne peut pas se financer uniquement grâce à la dette bancaire. Lorsqu’elle emprunte de l’argent ou émet des obligations, elle paye des intérêts pour rémunérer le prêteur. Lorsqu’une entreprise lève des capitaux en bourse ou ailleurs (fonds d’investissement, investisseurs particuliers), il est aussi normal de les rémunérer. C’est le dividende. A une différence près entre le prêteur et l’investisseur, c’est que l’investisseur peut potentiellement perdre toute sa mise et qu’il n’est rémunéré que lorsque la société dégage des bénéfices. Le prêteur, quant à lui, récupère les intérêts et son capital même si l’entreprise ne fait pas de bénéfices. Ces frais financiers sont des charges qui grèvent la capacité d’investissement des entreprises.

En plus pour l’État, outre l’impôt sur les sociétés, les dividendes sont une source critique pour les finances publiques. Les 36 milliards de dividendes versés par les entreprises du CAC 40 en 2014 devraient générer 3 milliards rien qu’en prélèvements sociaux. Pourquoi vouloir supprimer cette source de revenus ?

En France, le financement des entreprises se fait principalement par dette bancaire alors que par exemple aux Etats-Unis, ce rôle est tenu par le marché des capitaux. La reprise américaine est là alors qu’en France elle reste atone. Financer ses investissements avec des capitaux est un moyen moins onéreux que d’avoir recours à la dette. Ce gouvernement qui lance le PEA-PME - le décret a été publié la semaine dernière et nous nous en félicitons - revient quelques jours après pour "vilipender" ceux qui prennent des risques avec leur argent.

De façon d’autant plus injustifiée que, selon COE-Rexecode, les dividendes versés en France représentent seulement 8 % de la valeur ajoutée des entreprises. On est bien loin de la moyenne en Europe (11,6 %) et en Allemagne (18,2 %). Que je sache, les entreprises allemandes ne rémunèrent pas le capital au détriment de l’emploi et des  investissements.

Un chef d’entreprise connaît ses besoins de financement et ira donc plaider la cause de l’entreprise auprès de ses actionnaires pour leur expliquer l’intérêt de ne pas "trop tirer sur la bête". Un actionnaire sait que pour valoriser son investissement dans l’entreprise, il faut que celle-ci continue à investir dans l’innovation, dans le développement de nouveaux marchés.

La Fédération des Investisseurs Individuels et des Clubs soutiendra toutes les initiatives qui permettront aux Français d’investir dans leurs entreprises. Il ne faut pas que la doxa gouvernementale oppose le capital, l’investissement et l’emploi. Au contraire, c’est le triptyque qui fera gagner les entreprises françaises dans la compétition mondiale.

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