Sarkozy toujours seul recours auprès de l'électorat de droite : les raisons de son assise<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy semble être le seul recours crédible pour l'électorat de droite.
Nicolas Sarkozy semble être le seul recours crédible pour l'électorat de droite.
©Reuters

Contre vents et marées

Perçu par une large majorité des sympathisants de droite comme le meilleur champion de l'UMP en 2017, l'ancien président semble avoir déjà réussi à gagner la bataille des prétendants. Un fait qui s'explique par la consolidation d'un cœur électoral resté loyal envers celui qui apparaît encore comme le plus fédérateur.

Atlantico : Une récente enquête IFOP/Le Figaro démontre que Nicolas Sarkozy reste le candidat préféré des sympathisants UMP (62%) s'il venait à se présenter en 2017. Un fait confirmé par une enquête du Parisien/BVA où ce chiffre atteint 68%. Peut-on déduire que la récente séquence médiatico-judiciaire n'a pas eu d'impact sur la popularité de l'ancien chef de l'Etat ?

Christian Delporte : On peut déjà dire qu'elle n'a pas eu d'impact sur sa popularité auprès du cœur de son électorat. Cette fidélité de la part des partisans de l'ancien locataire de l'Elysée s'explique par une certaine perception des récents événements, ces derniers voyant, à tort ou à raison, les poursuites judiciaires comme un acharnement à son égard alors que la gauche est au pouvoir. Tant qu'il n'est pas jugé, toutes les affaires concernant Nicolas Sarkozy n'ont ainsi pas d'impact réel sur l'opinion même si la presse en offre une couverture importante.

En apparaissant d'une certaine manière comme une victime d'un supposé complot de la magistrature, Nicolas Sarkozy réussit donc a stimuler son capital sympathie, même si ce n'est pas ici la seule explication. L'absence de concurrent crédible à droite en fait effectivement le seul recours crédible dans le cadre d'une élection présidentielle. Sa personnalité, son aura auprès d'une partie de l'électorat resté "loyal" n'en est logiquement que démultiplié.

Jean Pétaux : Il faut bien distinguer les réponses du panel représentant des sympathisants UMP de celles de celui représentant les Français dans leur globalité. Le niveau de popularité de Nicolas Sarkozy demeure très haut, et augmente même (il a gagné 6 points) dans son propre camp depuis mars 2013 essentiellement parce que ses supporters lui considèrent qu’il a été battu par traitrise, par tromperie presque, en mai 2012. A leurs yeux le fait qu’il y a désormais une dizaine de juges d’instruction qui s’intéressent à lui à un titre ou à un autre (ce qui est, il faut l’avouer, assez cocasse…) participe tout simplement d’une "chasse à l’homme" qui les conforte dans leur héroïsation du personnage. Autrement dit : "Faut-il qu’il soit fort par ses idées, dangereux pour ses adversaires et courageux pour résister à tout cela, pour être ainsi attaqué, pourchassé et quasi-traqué, en tous les cas de manière avérée désormais écouté et espionné". On pourrait presque concevoir que toute nouvelle attaque va fonctionner comme une "citation" à "l’Ordre de l’armée sarkozyste" : comme une "palme" sur sa "Croix de guerre". A l’inverse Nicolas Sarkozy voit sa côte de popularité baisser dans l’ensemble des Français. Il a perdu, nous dit Gaël Sliman, directeur adjoint de BVA, 6 points du fait de l’impact de l’affaire Buisson et de sa mise sur écoute pour suspicion de trafic d’influence. Cette différence entre le ressenti des militants UMP et l’ensemble des Français, souligne, de mon point de vue, le décalage croissant entre les militants d’un côté et les électeurs de l’autre…

Une telle emprise sur l'opinion apparaît paradoxale après le "tout sauf Sarkozy de 2012" ? Comment l'expliquer ?

Christian Delporte : On peut déjà noter que 2012 n'a pas représenté un "écroulement" pour l'UMP, la défaite ne s'étant pas transformé en déroute avec tout ce que cela aurait pu compter de remise en cause et de critiques. Nicolas Sarkozy a donc perdu sans vraiment perdre, d'aucuns pensant qu'il s'agissait même d'une sorte de malentendu, d'un manque de temps : on a ainsi souvent entendu qu'il ne manquait que quinze jours à la droite pour l'emporter le 6 mai dernier. Autrement dit, la défaite n'a pas été totalement une défaite dans beaucoup d'esprits. A l'inverse d'un Valéry Giscard-d'Estaing, Nicolas Sarkozy est loin d'être sorti "carbonisé" du scrutin, ce qui peut jouer pour beaucoup dans ce retour de popularité.

Jean Pétaux : Ce n’est pas si contradictoire que cela. Nicolas Sarkozy s’est toujours voulu "clivant". On pourrait presque dire qu’il s’est lui-même nourri du "TSS", du "Tout Sauf Sarkozy". Entre 2004 et 2007, aussi bien Bruno Le Maire dans "Des hommes d’Etat", que Patrick Rotman dans "Les Fauves" le montrent remarquablement bien, Nicolas Sarkozy à tout le clan Chirac contre lui, le premier ministre, une partie des éditorialistes, et il redouble d’énergie pour combattre en multipliant les "petits-ponts" et les "passements de jambe" pour filer la métaphore footballistique qu’il affectionne. Aujourd’hui encore il a presque intérêt à coaguler les oppositions contre sa personne. Cela agit sur lui comme un puissant stimulant, un "dopage naturel" en somme tout en lui permettant de jouer, à nouveau, le peuple contre les élites, les "sans-voix" contre les "porteurs de parole". C’est quand même la leçon n°1 du populisme appliqué.

L'enquête du Parisien montre par ailleurs que 55 % des sondés pensent que Sarkozy aurait été un meilleur président que Hollande s'il avait été réélu en 2012. Peut-on déjà parler d'une victoire pour l'ancien président dans la bataille de la légitimité ?

Christian Delporte : De tels résultats sont à mon avis à relativiser, surtout quand on sait que 56% des Français auraient visiblement préféré Dominique Strauss-Kahn à François Hollande. La crédibilité de l'actuel Président est aujourd'hui tellement faible que l'ensemble de ses adversaires potentiels, à fortiori un ancien Président, se retrouvent par effet de ricochet de plus en plus valorisés.  

Jean Pétaux : L’expression "meilleur président que…" est, par essence, polysémique. Est-ce que toutes les personnes interrogées ont la même compréhension de la question ? Et surtout placent-elles derrière cette proposition des contenus identiques ? Il n’est pas du tout aberrant qu’avec une cote de popularité située entre 20 et 23% François Hollande se fasse "doubler" comme "meilleur président" par n’importe qui… On aurait tendance à dire, sans être cruel, qu’avec le titulaire de la fonction présidentielle à un tel bas-niveau de soutien, même un incompétent notoire doublé d’un médiocre profond passerait devant. Or Nicolas Sarkozy est tout sauf médiocre et incompétent, donc il est préféré à François Hollande comme président. C’est l’inverse qui serait surprenant. Mais, pour autant, cela ne préjuge en rien du comportement électoral des Français vis-à-vis de l’un et de l’autre. C’est en ce sens que la question posée peut prêter à confusion.

Les "prétendants" restent loin derrière avec un score de 18% pour Alain Juppé et seulement 7% pour François Fillon. Nicolas Sarkozy profite-t-il finalement d'une dynamique personnelle ou plutôt d'une absence de rivaux sérieux dans son propre camp ?

Christian Delporte : Au-delà du charisme personnel, l'absence de compétiteurs compte pour beaucoup. Deux facteurs sont d'après moi à l'œuvre ici. Tout d'abord effectivement l'impossibilité pour tous les rivaux à droite de se distinguer, ces derniers se distinguant d'autant moins qu'ils n'ont pas fait l'inventaire des années 2007-2012. Ensuite le fait qu'il est impossible pour eux d'exister médiatiquement face à la stratégie de la carte postale utilisé par l'ex-chef de l'Etat pour continuer d'occuper l'espace. Dans un tel contexte, toute alternative à l'UMP apparaît inenvisageable, laissant ainsi l'impression que Nicolas Sarkozy sera le seul à pouvoir rassembler la droite le moment venu.

S'il a visiblement déjà réussi à s'imposer comme le plus rassembleur à droite, la prochaine étape consistera à apparaître comme quelqu'un capable de fédérer au-delà de son simple champ partisan pour créer un véritable mouvement d'ici 2017. Tout l'enjeu sera alors pour lui d'éviter une "banalisation du retour" qui viendrait casser la dynamique nécessaire.

Jean Pétaux : Les "primaires socialistes" organisées à l’automne 2011 ont montré combien il peut y avoir un réel décalage entre les "scores" mesurés par les sondages pour les intentions de votes des sympathisants et la réalité des résultats. François Hollande a toujours dit qu’il aurait battu Dominique Strauss-Kahn lors des primaires si celui-ci ne s’était pas pris les pieds dans le tapis de la salle de bain de sa suite new-yorkaise. Difficile à prouver faute d’avoir pu faire l’expérience "in vivo". Mais cette hypothèse est loin d’être stupide quand on considère comment Ségolène Royal, loin d’être la favorite des sondages "internes" en 2006 a ridiculisé ses deux challengers socialistes aux primaires : DSK lui-même et Laurent Fabius pourtant considérés comme deux "poids lourds" du PS. Donc si l’on doit raisonnablement considérer, aujourd’hui, que Nicolas Sarkozy a de fortes chances de l’emporter aux primaires UMP de 2016, la donne peut tout aussi bien changer en 2015 et 2016. S’il renvoie l’image de quelqu’un qui veut s’exonérer du passage par les primaires, s’il en "fait trop" (on conviendra aisément qu’il s’agit chez lui d’un tropisme plus que passager…), s’il apparaît comme méprisant à l’égard de "ses concurrents et amis" au sein de l’UMP, il n’est pas dit qu’il n’exaspèrera pas plus qu’il ne mobilisera. Et dans ce genre de compétition à éliminatoires successives, il ne s’agit pas tant de gagner les phases qualificatives que de savoir comment on les gagne. Car il faut rassembler ensuite. Ségolène Royal n’y est pas parvenue en 2007, François Hollande l’a bien fait à partir de  janvier 2012. Alors Sarkozy, dans l’hypothèse où il serait candidat à la candidature présidentielle, dans celle où il serait choisi comme le héraut de l’UMP, devra compter avec Juppé, Copé, et même Fillon… Sa formidable capacité d’entrainement devra fonctionner à nouveau, avec un vrai handicap cette fois-ci : certains des "supplétifs" auront, à raison, le sentiment de s’être déjà "fait rouler" une première fois… "La première fois sous forme de tragédie, écrit Karl Marx dans "Le 18 Brumaire", la seconde comme une farce". Pas certain que cela les fasse rigoler alors…

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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