Comment le manque d'hygiène des toilettes des établissements scolaires met en danger la santé des enfants sur le long terme<!-- --> | Atlantico.fr
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61 % des établissements scolaires se limitent à un seul nettoyage par jour.
61 % des établissements scolaires se limitent à un seul nettoyage par jour.
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Grève du pipi

61 % des établissements scolaires se limitent à un seul nettoyage par jour, seulement un tiers allant jusqu'à deux fois. A cause de la saleté, certains élèves ne vont plus aux toilettes durant la journée, quitte à mettre en danger leur santé sans le savoir.

Michel  Schouman

Michel Schouman

Michel Schouman est chirurgien urologue et andrologue. Il est expert du comité d'andrologie de l'Association française d'urologie.

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Atlantico : Selon un rapport présenté par l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement, 28 % des établissements, surtout des collèges, ont signalé au moins un cas d'élève ayant renoncé à utiliser les toilettes scolaires, dont 23 % à cause de la saleté des lieux. Quels sont les dangers à long terme pour les enfants qui ne vont pas aux toilettes ? 

Michel Schouman Le nombre est certainement sous-évalué et ne tient pas compte de deux autres facteurs.

Les élèves de collèges sont tous potentiellement confrontés à la saleté des toilettes des collèges, mais les filles y sont plus sensibles que les garçons car contraintes à la position assise pour uriner.

L’autre facteur est le manque d’intimité dont souffrent ces jeunes en âge pré-pubère ou en pleine puberté. Il n’est pas rare que les portes des toilettes ne ferment pas ou qu’elles soient impossibles à verrouiller. Ne parlons pas de l’absence de papier hygiénique !

De ce fait, les jeunes filles (plus que les garçons) se retiennent, non seulement d’uriner, mais de boire pour ne pas déclencher le besoin, le risque le plus fréquent étant la survenue d’infections urinaires et de cystites à répétition.

Certains enfants sont par ailleurs porteurs d’anomalies de l’appareil urinaire favorisant ce type de pathologies et sont plus sensibles encore au comportement induit par l’insuffisance d’hygiène sanitaire des lieux publics scolaires.

L’infection urinaire unique, traitée, et encadrée, peut être un signal d’alarme qui permettra de trouver une solution à l’échelon individuel.

Les infections urinaires à répétition sont plus graves et peuvent endommager la vessie (on parle alors de cystite), voire l’ensemble de l’appareil urinaire, y compris les reins. C’est notamment le cas lors de maladies lithiasiques, dans lesquelles les enfants "fabriquent" des calculs des voies urinaires. La prévention de ces maladies impose notamment de boire beaucoup d’eau donc d’uriner souvent ce que le contexte scolaire rend difficile.

Enfin certains enfants ressentent plus souvent que d’autres le besoin d’uriner, mais les enseignants ne leurs permettent pas toujours de quitter la classe.

Il faut aussi noter que bien souvent les sanitaires ne sont pas équipés pour le lavage des mains.

Cependant, beaucoup de familles ont été sensibilisées au problème depuis l’épidémie de grippe H1N1.

Par ailleurs, le phénomène peut se poursuivre au-delà de la scolarité et pérenniser les troubles du comportement mictionnel. Un nombre important de femmes se retiennent d’uriner sur leur lieu de travail même si les sanitaires sont dans un état correct. Par la suite, elles risquent aussi de présenter des infections urinaires à répétition ou des "urgenturies" qui peuvent confiner à l’incontinence, ce qui finit par représenter un véritable handicap professionnel et social.

Finalement, qu'est-ce qui est le plus dangereux : uriner dans des sanitaires sales ou se retenir durant toute une journée, cinq fois par semaine ?

Pour revenir aux enfants, il est certainement moins dangereux à terme d’uriner dans des toilettes mal entretenues que de se retenir toute la journée. Le manque d’hydratation et l’inconfort de la vessie pleine peuvent être la source de céphalées, de manque de concentration et finalement de mauvais résultats scolaires.

Ce que l’on peut recommander est d’emporter des lingettes humides qui permettent de nettoyer le bord de la cuvette et de remplacer le papier hygiénique manquant.

L'insalubrité des sanitaires est-elle un cas anecdotique qui touche les établissements scolaires ou une préoccupation de santé publique beaucoup plus étendue ?

L’insalubrité des sanitaires est un problème malheureusement assez français. Il n’est pas spécifique aux écoles, mais fréquent dans les facultés, les bureaux et les restaurants.

Il faut cependant reconnaître que dans les établissements récents, de gros progrès ont été enregistrés, à tel point que les toilettes sont devenues un lieu d’expression pour le design et la décoration.

Comment expliquer que personne ne se préoccupe de ce problème ? Comment faudrait-il s'y prendre ?

En tant que médecin il nous arrive de faire pour nos jeunes patient(e)s des certificats permettant aux enfants d’aller aux toilettes de l’infirmerie du collège. Mais ce n’est évidemment pas une solution satisfaisante.

Les associations de parents d’élèves ont certainement un rôle à jouer, mais les comportements sont assez individualistes, et ceux qui ne sont pas directement concernés ne se mobilisent pas facilement.

Pour revenir aux bureaux, les établissements sont soumis à des normes (concernant notamment les handicapés moteurs). Les distributeurs automatiques de savon et les systèmes de séchage des mains sont un progrès important.

Quant aux restaurants, la plupart ont compris que leur réputation pouvait en dépendre, et que les toilettes pouvaient même parfois mériter le détour.

Propos recueillis par Marianne Murat

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