Baisse du yuan : faut-il s'inquiéter de la situation économique chinoise ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les dernières nouvelles économiques venues de Chine inquiètent les observateurs.
Les dernières nouvelles économiques venues de Chine inquiètent les observateurs.
©Reuters

L'angoisse

Les dernières nouvelles économiques venues de Chine inquiètent les observateurs : croissance ralentie et yuan en baisse font craindre pour la conjoncture du pays, et – revers de la médaille de la puissance croissante de la Chine – pour la stabilité économique mondiale.

Pierre  Sabatier

Pierre Sabatier

Pierre Sabatier est stratégiste et président du cabinet de recherche PrimeView.

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Atlantico : Exportations moins dynamiques que prévu, marché financier en pleine morosité, ralentissement de la croissance... Le tumulte économique que traverse la Chine actuellement peut-il impacter sérieusement la conjoncture mondiale ?

Pierre Sabatier : Bien évidemment. Quand vous avez un acteur qui a contribué pour l'essentiel de la croissance mondiale de ces dernières, et que cet acteur tousse, c'est l'ensemble de l'économie mondiale qui en fait autant. On parle beaucoup des BRICS comme explication de la croissance mondiale : c'est une vue de l'esprit, il y a en fait la Chine et les autres. Elle représente en effet 55 % du PIB et 65 % des exportations de ce groupe de pays.

La Chine ne ralentit pas pour des raisons conjoncturelles mais structurelles. Et face à une Europe à la traîne malgré l'amélioration, et des Etats-Unis qui vont mieux mais qui ne peuvent pas tout compenser, cela remet en cause la bonne santé de l'économie mondiale.  

Il y a d'ailleurs un message qui ne trompe : l'évolution des marchés financiers. Pourquoi ? Parce que la bourse chinoise est réservée aux investisseurs locaux. Cela nous donne une idée de ce qu'ont dans la tête les investisseurs chinois. Or, les  cours boursiers ne font que baisser depuis l'été 2009. Et comme on achète une valeur boursière pour ce que l'on espère d'elle dans l'avenir, on voit que les Chinois sont sceptiques sur la capacité de la Chine de se transformer.

L'un des indicateurs les plus surprenants est la baisse du yuan, alors que la monnaie est artificiellement soutenue et que le mouvement est inattendu. Qu'est-ce que cela signifie et quelles inquiétudes cela doit-il susciter ?

Si votre économie ralentit, forcément votre monnaie baisse, et les Chinois feront tout pour qu'elle baisse car ils n'ont pas d'autre levier que les exportations. Or les Chinois sont d'abord des exportateurs de compétitivité. Et ils ne peuvent pas remplacer cet avantage par la solvabilité de leur marché intérieur. Les entreprises chinoises n'ont pas les moyens de payer mieux leurs ouvriers.

Là où beaucoup d'observateurs se trompent, c'est dans l'affirmation que le yuan est sous-évalué. Certes, il l'a été pendant longtemps, mais si la croissance chinoise devait ralentir fortement, je pense que le yuan décrocherait nettement.

Un autre argument avancé pour relativiser la situation, ce sont les considérables réserves de change que possède la Chine (3500 milliards de dollars). Mais ces réserves sont libellées en monnaies étrangères (majoritairement en dollars), donc si la Chine vend une partie de ses réserves, elle fera monter sa monnaie, ce que la Chine ne doit pas faire pour ne pas perdre sa compétitivité… Concrètement, le trésor de guerre de la Chine est inutilisable.

De nombreux regards sont tournés vers une éventuelle crise venant de Chine, bien que celle-ci ne soit pas arrivée. Comment la Chine parvient-elle à ne pas sombrer dans une crise ouverte malgré des indicateurs alarmants ?

Les taux d'investissements en Chine restent quand même très important pour une croissance d'environ 7 % ce qui demeure honorable (bien que je doute de la fiabilité des chiffres qui sont mis à notre disposition…). C'est pour cela qu'il n'y a pas de décrochage violent. Mais cet investissement reste largement le fait d'infrastructures qui ne sont pas rentables. Seule la consommation des ménages chinois pourrait être un relais efficace, via l'augmentation des salaires. En Chine, la masse salariale n'est que de 40 % du PIB, là où dans les autres pays, elle tourne plutôt autour de 60 %. Mais il y a en Chine trop de capacité de production, les entrepreneurs ne peuvent donc pas augmenter les salaires car il y a trop de concurrence. La seule solution pour répondre à cela c'est… une récession, c’est-à-dire laisser faire faillite tous les acteurs économiques qui n'ont pas les moyens d'assurer des salaires élevés. Or la Chine repose sur l'accord tacite entre les entreprises chinoises et le pouvoir, les premiers ne remettant pas en cause la légitimité du parti si le second conserve un environnement économique favorable.

De nouvelles banques privées vont voir le jour en Chine, après avoir été autorisées par le gouvernement. Le mouvement peut-il pousser le pays vers une normalisation de ses institutions financières et relancer son économie ?

Un financement d'investissement doit reposer sur la qualité de ce que vous financez, et pas sur une force supérieure qui vous pousse à financer pour générer de la croissance et de l'emploi. Jusque là les banques finançaient des projets qui n'étaient pas choisis pour des raisons de solvabilité, mais parce que le pouvoir mettait la pression pour générer la croissance indispensable. En Chine, on investit essentiellement dans des voies ferrées ou des immeubles, qui ne peuvent être rentables que s'ils sont utilisés. Or le marché chinois n'a pas les moyens d'utiliser ou de remplir ce qui a été construit. Si on devait caricaturer, disons que jusqu'en 2008 les Chinois se sont appuyés sur le modèle allemand, et depuis ils sont plutôt sur le modèle espagnol…

Propos recueillis par Damien Durand 

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