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Quel avenir pour 
le nucléaire français ?
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Projet ITER

La catastrophe de Fukushima a remis l'avenir et la sécurité de l'énergie nucléaire au cœur des débats. En France, le prototype de réacteur nucléaire à fusion ITER, actuellement construit prêt de Cadarache, est contesté. Son Directeur-général, le professeur Osamu Motojima, défend le projet.

Osamu Motojima

Osamu Motojima

Osamu Motojima est un scientifique japonais. Il est le Directeur-Général du projet d'ITER-Organisation. En 2007, il a reçu le Fusion Power Associates Distinguished Career Award, pour l'ensemble de ses travaux sur ce sujet. 

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L’accident nucléaire de Fukushima Daiichi a suscité un peu partout dans le monde une remise en question de notre approvisionnent en énergie et de la contribution des réacteurs de fission nucléaire à celui-ci.

Dans ce contexte, le projet international ITER occupe une place très particulière. ITER, en construction à Cadarache (Bouches-du-Rhône), doit permettre de montrer qu’un gaz d’hydrogène (composant de l’eau) porté à une température de 150 millions de degrés peut générer une production nette d’énergie grâce aux réactions de fusion des noyaux, proches de celles qui ont lieu au cœur des étoiles.

Que faire d'ITER ?

Avec pour objectif ultime de démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion, ITER est incontournable dans les débats actuels. Et, à ce sujet, je constate tout d’abord, avec satisfaction, que la plupart des médias ne font pas l’amalgame entre fission et fusion, même lorsque celles-ci sont réunies – sémantiquement parlant – par l’adjectif « nucléaire ». Je constate également, dans mes contacts avec la population ici en Provence, que le public perçoit bien, en général, que le principe physique de la fusion n’a rien à voir avec celui de la fission, sans bien sûr en saisir tous les détails techniques, ce qui explique que ces deux disciplines sont aujourd’hui des mondes scientifiques et académiques distincts, même si elles partagent une certaine expertise commune et si, pour des raisons historiques et politiques, ces activités se côtoient parfois dans les mêmes organisations – au moins dans certains pays.

A la suite des graves évènements qui ont secoué le Japon et des problèmes de sûreté et de sécurité nucléaires que ceux-ci ont portés à la connaissance du public, nous souhaitons tous que nos autorités affrontent ces problèmes avec toute l’importance et l’urgence qu’ils requièrent. Mais évoquer, comme on entend dans certaines enceintes et dans certains pays, la possibilité de puiser dans les ressources d’ITER pour résoudre la crise actuelle serait, à mon sens, une grave erreur.

Pourquoi en effet retarder le projet ITER alors que les événements récents ont montré (ou rappelé) que l’effort de recherche sur de nouvelles sources d’énergie est plus que jamais nécessaire ? ITER est potentiellement dans ce contexte une opportunité fantastique puisque la fusion peut devenir, dans un avenir plus ou moins proche, une source d’énergie crédible, quasiment illimitée et sûre. L’urgence aiguë des questions de sûreté est un argument non pour freiner ITER mais au contraire pour l’accélérer ! De plus, certaines technologies développées dans ITER (comme la maintenance robotisée) pourront également bénéficier à la fission.

La fusion : une source d’énergie crédible

Le budget consacré aux recherches ITER apparaît aux yeux de certains comme une manne généreuse dans laquelle il est possible de prélever quelques milliards d’euros. Bien entendu, tout le personnel ITER est extrêmement préoccupé par les graves événements qui ont secoué le Japon et les problèmes de sûreté et de sécurité nucléaires. Mais toute modification du budget (lequel, je le rappelle est étalé sur 30 ans) et/ou du mandat du projet ITER ne peut être décidée que par les sept membres du projet (Chine, Union européenne, Inde, Japon, Corée du Sud, Russie et États-Unis), et ceci au plus haut niveau politique. Et je rappelle aussi que, lors de la dernière crise financière, les Etats ont pu débloquer des milliards dans des délais très courts.

ITER est plus que jamais nécessaire aujourd’hui pour son apport technologique : nous avons acquis une solide expertise dans le domaine de la fusion, qui s’appuie sur plus de cinquante années de recherches et le retour d’expérience d’une centaine de machines de par le monde.

Dans ce contexte, je veux évoquer ici un problème majeur que le Japon rencontre aujourd’hui mais qui n’a pratiquement pas été évoqué jusqu’ici. Le Japon dispose de neuf compagnies productrices d’électricité mais, pour des raisons historiques, les centrales de l’Ouest du pays produisent l’électricité avec une fréquence de 60 Hz et celles de l’Est (où se trouve la centrale de Fukushima Daiichi) avec une fréquence de 50 Hz. La situation critique du Japon est aggravée par le fait que la capacité de conversion de ces fréquences est actuellement très limitée. En conséquence, le pays est pratiquement coupé en deux et l’Ouest ne peut pas aider l’Est du pays, où la production électrique est fortement réduite depuis l’accident.  Pour harmoniser les fréquences japonaises dans un proche avenir et éviter une telle situation malheureuse, j’ai proposé, aidé par les ingénieurs d’ITER, les développements technologiques nécessaires pour réaliser ce changement historique.

Tout l’intérêt d’un projet comme ITER réside dans son objectif : faire progresser la science et la technologie au plus haut niveau afin de constituer un pôle d’expertise international qui puisse contribuer à résoudre les problèmes énergétiques de notre monde actuel. C’est pourquoi nous devons tous être fiers d’un projet comme celui-là.

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