Et pendant ce temps là… les 5 infos largement aussi importantes que celles des rebondissements de la semaine horribilis des relations politique-justice<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration / Voici les 5 informations de la semaine que vous avez peut-être loupé...
Photo d'illustration / Voici les 5 informations de la semaine que vous avez peut-être loupé...
©Reuters

Les oubliées

Les affaires politico-judiciaires ont généralement pour effet de reléguer au second plan les autres événements. Pourtant, ces derniers jours ont été riches en péripéties qui auraient été à même d'indigner l'opinion publique si elles s'étaient produites de manière plus isolée dans le temps.

››› Accords aux sommets à Bruxelles au détriment des citoyens européens ‹‹‹

Nicolas Goetzmann : Les élections européennes du 25 mai prochain vont se dérouler sous un jour nouveau. Le candidat des socialistes européens, l’Allemand Martin Schulz, a souhaité « personnaliser » ces élections. C’est-à-dire que l’élection va consister à désigner le nouveau Président de la commission européenne, organe ayant l’initiative législative au niveau supranational. Les partis de centre droit réunis sous l’étiquette du Parti populaire européen, PPE, ont également désigné leur candidat, qui sera le luxembourgeois Jean Claude Juncker. Ce dernier, pourtant défait aux élections luxembourgeoises de 2013 notamment en raison de scandales lié à des fichages abusifs de citoyens (il est en cela un précurseur), se retrouve en position de reprendre un poste au plus haut niveau de l’Union, et ce après avoir été Président de l’Eurogroupe pendant 8 ans. Il doit sa présence au soutien d’Angela Merkel. Il faut tout d’abord noter l’incroyable proximité idéologique des deux candidats, ce qui marque un manque flagrant d’alternative pour les électeurs. De plus, Jean Claude Juncker souhaiterait plutôt prendre la présidence du conseil européen, en remplaçant Herman Von Rompuy. C’est-à-dire que si le PPE gagne l’élection (les sondages sont extraordinairement serrés), il est très probable qu’une autre personne, adoubée par Angela Merkel, prendra la Présidence de la Commission, pour permettre à Juncker d’aller au poste qu’il « veut vraiment ». Les dés sont déjà jetés, et il est peu probable de voir une quelconque évolution après ces élections. Ce sont plutôt les tractations pour les postes de la Commission qui vont être un enjeu au soir du 25 mai 2014.

››› La mise sous surveillance de la France par la Commission Européenne ‹‹‹

Nicolas Goetzmann : La France est désormais sous surveillance « renforcée » de la Commission européenne, et ce, depuis le 5 mars dernier. La Commission a ainsi publié un rapport très complet sur la situation du pays. La dernière partie de ce rapport, intitulée « défis politiques » indique : « Il ressort de la présente analyse que l’économie française est confrontée à une importante dégradation de la compétitivité de ses exportations ainsi qu'à des risques liés au niveau élevé et croissant de la dette publique en France. ». La France inquiète ses partenaires, et soyons clairs, l’exécutif actuel inquiète l’Europe. Une telle inquiétude peut être légitime dans le contexte global européen, c’est à dire en prenant en compte la doctrine majoritaire aujourd’hui défendue. Cette doctrine ressort très clairement du même rapport, qui indique notamment : « Par ailleurs, les salaires de référence indiquent que le niveau des salaires lui-même est peut-être trop élevé ». Pour la Commission, l’objectif est de parvenir à faire baisser les salaires en France, comme cela est le cas en Espagne ou en Grèce. C’est-à-dire de « profiter » d’un cycle déflationniste ayant pour objectif de faire baisser les salaires. Une telle baisse peut être rendue possible, par exemple, par un chômage élevé et durable. Il n’est donc pas question de régler le problème du chômage en France, car en fait « c’est pour le bien » du pays. Il n’est même pas abusif de pouvoir affirmer une telle tournure.  Pour mettre encore un peu de sel sur cette situation, il n’est pas inutile de rappeler que Pierre Moscovici fait aujourd’hui tout son possible pour rejoindre la Commission, ce qui va lui permettre de passer du rôle de la victime à celui de bourreau. S’il est effectivement nommé à un tel poste, le prochain ministre des finances français aura droit à ses réprimandes.

››› L'accord des partenaires sociaux sur le Pacte de Responsabilité ‹‹‹

Erwan Le Noan : Cette semaine, les partenaires sociaux sont tombés d’accord pour mettre en route le « pacte de responsabilité » proposé par François Hollande. Le contenu du compromis est assez vague et flou : tous les acteurs se sont engagés à se « mobiliser » pour la croissance et l’emploi, ce qui ressemble fort à une généreuse déclaration d’intention.  Ce n’est probablement pas plus mal, car des engagements chiffrés n’auraient pas eu de sens et auraient été illusoires et de nature à créer des contraintes vaines ou générer des espoirs forcément déçus.

L’actualité a été retenue, malheureusement, par d’autres faits : les « affaires » ! (dont on ne sait plus bien si elles sont portées contre Nicolas Sarkozy ou contre le Gouvernement en place). L’attrait des lecteurs, des citoyens et des relais d’opinion pour les scandales médiatiques plutôt que pour les avancées, à petit pas, des réformes, explique certainement que l’accord social ait été relayé au second rang. Mais plus structurellement, il faut reconnaître qu’il n’y a pas grand chose de substantiellement nouveau dans le texte des partenaires sociaux : la déclaration d’intention est consensuelle et elle découle de déclarations du président de la République qui commencent à dater à l’échelle médiatique.

Au premier abord, le texte marque un certain succès de la méthode Hollande, dont le Président saura se vanter le moment venu : l’annonce floue a été suivie d’un accord aux contours vagues. En termes de communication, le gouvernement souhaitera (et pourra) le porter à son crédit. Mais pour le moment, personne n’a intérêt à communiquer trop : les syndicats n’ont pas obtenu les engagements qu’ils souhaitaient, le patronat a conclu un accord alors qu’on ne sait toujours pas ce que sera réellement le pacte, et le gouvernement a « trahi » sa gauche sans satisfaire sa droite.

La question reste donc de savoir en quoi va consister très précisément le pacte. Est-ce qu’il va être constitué d’un meccano technocratique, ce qui n’aurait finalement aucun effet sur la croissance ? Est-ce qu’il va s’agir d’une réforme claire et facilement applicable ? Personne n’en sait trop rien. Le consensus mou pourrait déboucher sur une politique floue, ce qui serait une bien timide avancée d’un point de vue économique. La France a, au contraire, besoin de réformes structurelles ambitieuses et déterminées. 

››› La dégradation de la santé des Français face à la pollution ‹‹‹

Pierre Souvet : C'est un enjeu de santé publique, puisque cela représente 15 à 30 % de maladies cardiovasculaires et respiratoires en plus. Les particules sont classées cancérigènes et à la marge on constate des effets sur le développement in utero. La pollution chronique est vraiment le grand problème car elle apporte ce cortège de maladies, même si c'est la pollution aiguë qui alerte l'opinion.

On relève un aspect financier, puisque cela coûte à la sécurité sociale en soins directs. Entre 800 millions et 1.5 milliards. Il y a aussi un coût global, puisque est entraînée une diminution de l'espérance de vie dans les grandes villes (jusqu'à 8 mois d'espérance de vie en moins à Paris et Marseille). Ce coût global est estimé entre 20 et 30 milliards d'euros par an en pertes de journées de travail, etc. On a bien affaire à des enjeux sanitaires et économiques majeurs.

L'hiver il y a les alertes aux particules et l'été les alertes à l'ozone, qui imposent aussi des restrictions de déplacements et d'activité, notamment chez les gens déjà touchés, chez les enfants, chez les asthmatiques, chez les victimes de pathologies respiratoires, etc. Les vraies mesures fortes pourraient être de ne pas augmenter la TVA sur les transports en commun et d'introduire les transports en commun gratuits les jours de pollution. Il faut aller plus loin. Sinon, tous les six mois on va faire des interviews pour dire la même chose pendant des années, et c'est exaspérant.

Trois associations ont porté plainte contre X pour dénoncer l'inertie des autorités. L'intrusion du droit dans les affaires sanito-économiques est un accélérateur de prise de conscience par les politiques de la gravité du problème. Jusqu'ici ça n'a pas vraiment été le cas. On le voit quand on compare avec  les autres villes européennes. Près de 200 villes ont restitué des zones prioritaires pour l'air, restreint de façon drastique la circulation en hyper centre et dans les rues les plus exposées. En France, on a proposé que ces zones prioritaires se fassent à l'initiative des villes. Alors qu'ailleurs, comme en Allemagne ou en Italie, c'est l'Etat qui dit que c'est obligatoire. Nous, nous en sommes restés au "vous devriez". Il faut être beaucoup plus volontariste.

››› La mise en marche d'un Big Brother à la française ‹‹‹

Fabrice Epelboin : C’est sans grand complexe que Jean-Yves le Drian a dévoilé un (petit) bout du Big Brother Français dont la construction, entamée il y a déjà presque une décennie - et testée dans de nombreuses dictatures, commence à prendre des proportions inquiétantes. Inquiétantes ? Pas vraiment à en juger par la réaction de la population française, qui ne semble guère s’émouvoir, contrairement à nos voisins allemands, de la mise en place d’une société de la surveillance en lieu et place d’une démocratie à laquelle plus grand monde ne croit. Si la République - qu’il convient de ne pas confondre avec la Démocratie - n’a pas grand chose à craindre d’une mise sous écoute de la totalité de la population, les libertés individuelles, elles, n’y survivront pas, et la société en sera fondamentalement affectée. Le modèle panoptique si bien décrit par Foucault - et évidemment le roman prémonitoire d’Orwell donnent à eux deux un aperçu réaliste de ce qui attend la société française dans la décennie à venir.

Le culte du secret propre aux renseignements - définitivement mis à mal par Edward Snowden - a laissé la place à un tout petit début de transparence, il ne manque au final qu’un éclairage supplémentaire pour interpréter ce qui est en train de se construire au sein d’un consortium politico-militaro-industriel où l’on trouve, pêle-mêle, des entreprises comme Bull/Amesys, Thales, Qosmos ou encore Orange (ce dernier s’étant fait épingler par le Guardian en novembre dernier).

L’objectif à peine masqué apparait de plus en plus clairement. En suivant la visite de la presse, en février dernier, le tout nouveau centre d’écoute de Thalès, force est de constater que les capacités de stockage qui se comptent dans des unités de mesure que le grand public pensait relever de la science fiction, sont en mesure de conserver le résultat de “millions d’écoutes”. Plus question ici d’écoutes ciblées, de vilains terroristes qu’il s’agit de surveiller, c’est la totalité de la population qui est désormais sous l’œil du Big Brother français. Sms, conversation téléphonique, e-mails, navigations internet, échanges divers et variés, transactions financières de toutes sortes, la nature de ce qui y sera conservé tient d’un inventaire a la Prévert, et tout le monde est concerné. Vous, moi, votre voisin, mais également votre député, votre patron, tout le monde. Tout est stocké, analysé, classé, mâché et remâché par des algorithmes de plus en plus performants, dans l’optique de détecter “des menaces” qu’on présente comme aussi variées que mouvantes - l’actualité politique dans laquelle les écoutes prennent en ce moment une place de choix permet d’imaginer des scenarii bien plus croustillants encore dans les années à venir.

Les deux approches présentées à la presse - l’automatisation du traitement des écoutes globales de la population, et le traitement humain de ces même écoutes - sont au programme, et là encore, ce n’est pas une nouveauté : deux ans avant l’affaire Snowden, celles-ci était déjà enseignées aux masters de Sciences Po.

L’assurance que des dérives ne seraient pas possibles du fait même de la conception d’un logiciel censé les prévenir, vanté par notre ministre de la Défense, prête autant à rire qu’à pleurer, la NSA, comme l’a montré les documents révélés par Edward Snowden, a connu de multiples dérives, et elle aussi dispose de logiciels dont les concepteurs nous expliquent précisément la même chose (le cours sur ce sujet est disponible ici) - et pour ceux qui auraient un doute, il suffit là encore de regarder la façon dont un autre ministre - celui de la justice - se prend les pieds dans le tapis sur ce sujet en ce moment-même.

Ce qui est nouveau, dans ce petit sursaut de transparence apporté par le ministre de la défense (l’essentiel reste encore à l’abri des regards et ne se trouve que dans la presse spécialisée, c’est que le gouvernement assume désormais cette transition à marche forcée (et grâce à de généreux budgets) vers une autre forme de gouvernance et vers un système politique où l’exécutif sera doté d’une vision panoptique sur la totalité des échanges de chaque citoyen. Un déséquilibre fondamental, entériné par le vote en décembre dernier par la totalité des députés socialistes et le blanc-seing de la gauche de la gauche, de la loi de programmation militaire et de son article 20, dénoncé unanimement par les ONG spécialistes du sujets comme liberticide.

Au delà de son aspect liberticide, cette transition verrouille notre destinée collective pour longtemps dans un système où le pouvoir exécutif disposera de capacités rendant les autres composantes du système républicain parfaitement inopérantes et totalement sous contrôle. Difficile, même pour les plus optimistes, d’imaginer un avenir démocratique.

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