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Arnaque aux grands crus ? Ces curieux critères qui déterminent le classement des vins français (et leur prix)
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Bonnes feuilles

Pour la première fois, l'enquête inédite d'Isabelle Saporta dévoile la face cachée de nos vins et la férocité d'un petit monde raffiné où tous les coups sont permis. Extrait de "Vino business", Isabelle Saporta, chez Albin Michel (1/2).

Isabelle Saporta

Isabelle Saporta

Isabelle Saporta est journaliste, chroniqueuse à Europe 1 et auteur de documentaires pour France 3. En 2011, elle a publié Le livre noir de l'agriculture (Fayard).

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On parle donc chai, travaux, parking, salle de séminaire, mais au fait, et le goût dans tout cela ? C’est tout de même la seule chose qui intéresse l’amateur de vin prêt à payer des sommes folles pour un grand cru classé, non ?

Eh bien, le goût, il ne compte que pour 50 % de la note des grands crus classés et pour 30 % seulement des premiers grands crus. Autant dire que plus le vin est prestigieux, plus il est cher, plus il est censé être bon, et moins son goût importe dans la quête du classement. C’est simple, pour les premiers crus classés – autant dire la Rolls Royce de nos vins –, dont les bouteilles valent entre 300 et 1 000 euros, la notoriété rapporte plus de points que la dégustation : 35 % contre 30 %.

Avec ces critères taillés ad hoc pour satisfaire un tout petit cénacle, on peut accéder au sérail et devenir un premier grand cru classé avec une note de dégustation de… 6,67 sur 20 !

« Il n’y a plus de classement de terroir aujourd’hui. Ça n’est que du marketing pur. Si vous avez un parking visiteurs, vous avez deux points de plus, si l’hôtesse est bien gaulée, c’est encore deux points. Et si vous êtes dans James Bond, c’est encore mieux ! Tout ce qui brille rapporte des points. C’est complètement ridicule. Ça n’a plus rien à voir avec le monde du vin. Mais c’est comme ça46 », regrette, sarcastique, l’expert Stéphane Derenoncourt.

Autant de critiques qui peinent profondément Christian Paly, président du Comité national des vins à l’INAO, le vrai-faux arbitre des vignes en charge d’édicter le classement. Pour ce dernier, cette noble institution a fait preuve « d’énormément de courage et de sérieux » dans l’élaboration de cette fabuleuse compétition. « Quand le classement a été cassé en 2006, l’INAO aurait pu se comporter en Ponce Pilate, s’en désintéresser au risque de faire fi de l’histoire. Ce n’était pas notre horizon. Nous avons décidé, au contraire, de prendre nos responsabilités et de bâtir le plus solidement possible, avec grand sérieux et de façon impartiale, la méthodologie du classement. »

L’homme se pose aussi en démocrate. « La règle de cette maison est simple : quand on édicte un mode d’emploi, on le fait toujours et uniquement pour répondre à l’intérêt général. » C’est d’ailleurs ce qui, selon lui, expliquerait la longévité de cet organisme : « Si, depuis 1935, l’INAO avait oeuvré à la défense d’intérêts particuliers, cela fait bien longtemps qu’il n’existerait plus. »

Il faut croire que cette institution est résistante…

Une partie perdue pour l’authenticité donc, mais une aubaine pour Hubert de Boüard. Car cet épisode controversé lui aura permis d’augmenter les prix d’Angélus de 23 % quand les plus grands crus classés comme Margaux ou Mouton-Rothschild les baissaient de 33 % pour les primeurs 2012… Le clan de Boüard pèse aujourd’hui quelque 280 millions d’euros et s’est hissé à la dix-septième place des plus grosses fortunes du vin. C’est sans doute ce que l’INAO entend par la défense de l’intérêt de tous…

Extrait de "Vino business", Isabelle Saporta, chez Albin Michel, 2014. Pour acheter ce livre,cliquez ici.

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