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Comment l'Allemagne est devenue le bordel de l'Europe
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Depuis plusieurs années, l’Allemagne se révèle être l’un des deux épicentres de la prostitution européenne. La prostitution y est définitivement devenue légale et réglementée outre-Rhin en 2002.

Françoise  Gil

Françoise Gil

Françoise Gil est sociologue. Elle travaille sur les questions de sexualité, et notamment de prostitution, depuis plusieurs années. Son dernier livre Prostitution : fantasmes et réalités est paru en 2012 aux éditions Esf.

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Atlantico : Selon un article de BBC News, le pays de Goethe est devenu le « bordel » de l’Europe. L’Allemagne a légalisé la prostitution en 2002, entre 3000 et 5000 bordels sont déclarés en Allemagne dont 500 à Berlin et 270 à Saarland, petite ville à proximité de la frontière française. L’Allemagne est-elle en train de devenir le pays européen du tourisme sexuel ? Quand est-il des pays voisins ?

Françoise Gil : En France, on stigmatise souvent la position allemande sur la prostitution. Pour les abolitionnistes, l’Allemagne est devenu le modèle à ne pas imiter et ils qualifient le gouvernement allemand de proxénète, oubliant au passage qu’en France l’Etat fait payer des impôts, au titre des bénéfices non commerciaux, aux prostituées... Le fait qu’il soit devenu très difficile d’exercer en France explique le nombre élevé de bordels à Saarland. Il se passe d’ailleurs la même chose en Suisse, pays vers lequel se tournent les Françaises pour travailler, elles sont même majoritaires à Genève. On pourrait dire que c’est le principe des vases communicants, si on ne peut plus exercer dans son pays, on va dans un autre !     

La loi accorde une couverture sociale (assurance-maladie, chômage) aux prostituées ; elle leur donne même la possibilité de porter plainte contre un employeur ou un client qui ne respecterait pas ses engagements. La législation allemande donne-t-elle vraiment un cadre protecteur ?

La législation allemande protège les prostituées et c’est la moindre des choses, me semble-t-il qu’elles puissent défendre leurs droits contre un employeur malhonnête ou un client qui ne respecte pas le contrat passé. Il faut savoir qu’en France, les prostituées ne portent pas plainte  pour la simple raison que la police n’en tient pas compte et leur répond qu’elles n’avaient pas être là ou que lorsqu’un client refuse de payer la prestation, ce n’est rien d’autre qu’une passe gratuite! Non seulement les prostituées ne sont pas protégées, mais elles n’ont aucun droit en France, et en plus du stigmate, elles sont devenues délinquantes depuis mars 2003. C’est à dire que l'a législation les a rendues extrêmement vulnérables, que les plus précaires sont condamnées à exercer dans des lieux très dangereux, que leur sécurité est menacée en permanence.

L'intention première de la loi de 2002 était de faire de la prostitution un métier comme les autres, douze ans après peut-on dire que c’est un échec ?

L’expression “un métier comme un autre” est très ambigüe. Elle sous-entend que ce n’est pas un métier du tout. Pour ma part, je ne sais pas ce qu’est un métier comme un autre, il existe tant de différences entre les métiers, des métiers salariés, des métiers libéraux, des métiers artistiques, etc. La prostitution ou le travail du sexe est un métier pour celles et ceux qui ont décidé en connaissance de cause de gagner leur vie de cette façon : il existe des codes, des valeurs, des obligations à respecter et je parlerai même de déontologie car certaines pratiques sont sévèrement condamnées par les autres, d’autres au contraire valorisées. Parler d’échec nécessite de savoir de quoi on parle exactement. L’Allemagne se montre bien plus respectueuse des personnes que la France. Apparemment, ce qu’on nomme échec est le fait de la multiplication des Eros centers, mais cette augmentation des lieux de prostitution n’est-elle pas aussi à mettre en lien avec la crise ?

Après des débats houleux autour de la pénalisation de la prostitution en France, quelles leçons peut-on tirer du modèle allemand ?

Qu’il n’est pas pire. Et qu’il est symptomatique qu’on se focalise sur le cas de l’Allemagne, on ne parle jamais de la Suisse ou de la Nouvelle-Zélande où l’activité est libre et non pénalisée, où les femmes, hommes et femmes transgenres peuvent faire valoir leurs droits comme tout citoyen.

Mais, au delà de ces polémiques, tous les pays européens ont à faire face au fléau qu’est le proxénétisme. Il serait judicieux, efficace et urgent que les pays européens s’accordent pour lutter ensemble contre les réseaux mafieux qui sillonnent tout le continent et contournent les différentes législations pour leur plus grand profit au détriment des personnes abusées.

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