L'UMP en mal d'idées : ce que le parti pourrait importer de… Stockholm<!-- --> | Atlantico.fr
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A défaut d'être capable de définir un projet, l'UMP pourrait-elle "l'emprunter" ?
A défaut d'être capable de définir un projet, l'UMP pourrait-elle "l'emprunter" ?
©Reuters

SOS projet

A défaut d'être capable de définir un projet, l'UMP pourrait-elle "l'emprunter" ? Après avoir exploré le modèle de Londres et de la "Big Society", ainsi que celui de Berlin et de la CDU, le projet du Parti du rassemblement modéré suédois (Moderaterna), peut-il s'avérer efficace pour la France ?

Yohann Aucante

Yohann Aucante

Yohann Aucante, est docteur en politique comparée de l’IEP de Paris, et maître de conférences à l’EHESS.

Ses recherches portent sur l’organisation comparée et le gouvernement des systèmes de protection sociale, notamment en Scandinavie dont il est un spécialiste. Il travaille également sur les évolutions de la social-démocratie et, plus généralement, sur les systèmes de partis politiques.

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Atlantico : Quels sont les grands principes du projet du Parti du rassemblement modéré Suédois ? 

Yohann Aucante : Depuis la grave crise électorale et de leadership traversée par le parti au début des années 2000, les modérés ont opéré un profond lifting en rénovant leur façade et en optant pour l’appellation de "nouveaux modérés : le parti des travailleurs". Ceci était une provocation évidente face à l’ancien parti des travailleurs (ouvriers), qui a dominé la vie politique suédoise, le Parti social-démocrate. Le parti s’est éloigné de son mot d’ordre traditionnel qui était la baisse massive de la fiscalité, il a accepté la réalité historique de l’attachement des suédois à un État social généreux et il a fait le pari de venir chasser sur les terres de son concurrent de gauche en déclarant qu’il pouvait être le meilleur représentant des travailleurs, améliorer l’emploi en luttant ainsi contre l’exclusion tout en promouvant la performance économique et l’innovation, des réformes sociales et éducatives et en garantissant la sécurité des personnes. La promotion de la Suède comme championne d’un développement "durable" est aussi apparue plus manifeste que par le passé dans cette famille politique. Cet aggiornamento a permis au parti de sceller une alliance plus solide que par le passé avec les partis du centre-droit et de conquérir un nouveau leadership politique concrétisé lors des élections de 2006 et 2010. Jamais le parti n’avait connu un tel succès. Néanmoins, l’horizon électoral de 2014 laisse présager un essoufflement de cette stratégie.

Qu'est ce qui dans le programme des Moderaterma pourrait représenter un projet pour l'UMP ?

Si tant est que l’on puisse tirer des leçons pour une droite française ou les luttes de clans et de personnes sont sans commune mesure et dans un  système présidentiel qui cristallise les rivalités, il apparaît déjà que le choix de changer d’image a été important. Les modérés ont clairement assumé ce qui est dans leur nom, en se rapprochant des thèmes centristes et sociaux-démocrates. Du point de vue des seules étiquettes, l’UMP gagnerait déjà à changer de nom tant celui-ci ne parle que parce qu’il est incarné par des personnes. Le parti pourrait aussi adopter une attitude plus constructive vis-à-vis d’un centre-droit en recomposition. Plus fondamentalement, dans une France où le chômage et l’exclusion sociale ne cessent de croître, une stratégie ambitieuse pour favoriser l’employabilité des jeunes, des seniors ou des personnes handicapées, ce qui a été mis en avant par les modérés suédois, pourrait faire recette. Cependant, les configurations économiques, budgétaires ou du dialogue social dans les entreprises et avec les partenaires sociaux n’ont pas grand-chose à voir ; et il faudrait avoir les moyens de mener à bien une telle politique. A moins qu’on s’en tienne à des questions de communication et de stratégie électorale.

Quelle audience un tel projet aurait-il dans l'électorat UMP ?

C’est difficile à dire et cet électorat est divers. Par ailleurs, il y a aussi des voix à gagner au centre et pas seulement du côté du Front national. Si le projet articule justice, performance économique et sociale et s’il propose de véritables réformes de l’État, il peut avoir du sens pour cet électorat. Mais on ne voit pas bien comment ce type de refondation pourrait s’imposer aujourd’hui face aux rivalités des différentes écuries présidentielles. Par conséquent, l’exercice reste quelque peu spéculatif…

Comment l'UMP devrait-elle adapter ce projet pour qu'il fasse écho à l'opinion publique française en général ? 

Ce n’est pas évident car il n’y a pas une opinion publique cohérente et bien lisible. Et les partis comme les média contribuent à formater cette "opinion", il ne s’en font pas simplement l’écho. De manière très générale, on peut penser que les français attendent un volontarisme fort en matière d’emploi et de lutte contre l’exclusion et que toute politique qui permettrait de mieux utiliser les sommes considérables allouées à l’indemnisation du chômage, en vue de la formation, de l’insertion, pourraient être bien accueillies. Mais il n’est pas dit que les réformes les plus importantes doivent nécessairement être soutenues par l’opinion : ainsi lorsque les modérés suédois avaient initiés la grande réforme des retraites au début des années 1990, poursuivie par la gauche ensuite, ils répondaient à un contexte de crise dans un pays vieillissant et ne suivaient pas l’opinion.

Quelle ligne adopter ? Quels grands changements cela impliquerait ?

En premier lieu, l’exacerbation des concurrences intrapartisanes à trois ans des élections présidentielles donne une image de plus en plus dégradée du parti. Il semble donc difficile d’imaginer qu’une ligne émerge qui puisse dépasser ces rivalités dans la situation actuelle. Pour différentes raisons, cette concurrence est beaucoup moins marquée et délétère au sein des partis suédois, de droite comme de gauche, et le parlementarisme y est beaucoup plus coopératif par-delà les oppositions idéologiques et personnelles. On imagine mal que l’UMP puisse soudainement promouvoir ce type de culture politique. On le voit, le problème dépasse donc la seule question d’un volontarisme programmatique au sein du parti. Promouvoir le dialogue social avec des syndicats qui représentent plus de 80 % des salariés, comme en Suède, ou bien 8%, comme en France, ne représente pas le même type d’enjeu. Mais en ce sens, ce qui vaut pour l’UMP vaut aussi pour les autres partis, notamment le PS au pouvoir. Une politique à la suédoise ne semble pas promise à un bel avenir en France même si on pourrait espérer des évolutions dans ce sens. 

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