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Travail : les cadres tirent la tronche
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Gueule de boîte

Ah, le monde du travail au XXIe siècle ! Premier épisode de notre série "Gueule de boîte" : la déprime des cadres...

Véronique Branger

Véronique Branger

Véronique Branger dirige l'agence Volcan communication

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Biberonnée à la théorie économique de « la maximisation du profit sous contrainte de charge », il m’a fallu quelques années pour réaliser que je suis une charge pour l’entreprise. « Comptablement », je suis dans la colonne des charges. Très logiquement, mon patron me considère comme telle. A moins d’avoir fait une grande école doublée d’une université américaine, qui fait de vous un oiseau rare, me voici plumitif d’une agence de conseil. Rien de plus inhumain que les entreprises « à taille humaine » : prendre une RTT relève de l’anathème.

Une Française qui se lève tôt… et qui rame

Je travaille parce qu’il faut bien remplir la marmite. Je me lève tôt, je paie mes impôts, et bien volontiers même. Je suis fière d’être Française et de contribuer à l’effort de solidarité. J’aimerais pouvoir gagner correctement ma vie, comme mes parents, acquérir ma résidence principale et une maison à la campagne. A Paris, à leur âge, je peux à peine m’offrir un studio avec un crédit sur trente ans en me disant que ce sera bien pour commencer, pour mes enfants. De la génération trentenaire, j’ai l’impression de tirer la charrue en produisant l’effort de quatre bœufs.

A un niveau macroéconomique, je ne suis pas une charge, non, je suis active. Mais je ne suis pas un actif au sens comptable. Je suis la « richesse » du pays mais il ne faut pas trop que je l’entende. Je reste une salariée à qui on explique « le temps long », la « confiance », pour maintenir mes élans d’évolution. Et je trime, bonne fille, je mets du cœur à l’ouvrage. Mais c’est la crise vous comprenez, on ne peut pas se permettre de vous augmenter, ça viendra plus tard. En attendant ramez, sinon nous coulons, l’heure est grave mais tout va bien, le capitaine est là et tient bon la barre dans les embruns de la débâcle financière. Me voilà rassurée, je rame, je rame. Le capitaine débarque sur de beaux rivages, c’est pas Arros, certes mais pas mal quand même. Lassitude, et finalement, ça peut attendre demain. Je deviens une salariée mercenaire, au mieux, au pire un actif qui s’immobilise, se démobilise. Individualisme contre résignation, n’y a-t-il pas une troisième voie ?

Le ras-le-bol des cadres

Précarité pour précarité, avenir bouché en entreprise, les trentenaires finissent par s’émanciper. Ce sont eux les vrais actifs et ils ont bien l’intention de fructifier leur matière grise et leur réseau, ce qui fait d’eux de vrais actifs. Car entre des quadra-quinqua qui n’ont plus envie de mettre les mains dans le cambouis, et de jeunes stagiaires en longue durée désenchantés, qui fait tourner la France ? Dans cinq ans, il n’y aura plus personne pour manager les entreprises. Parce que les cadres en ont marre.

Une pudeur, peut-être liée à mon milieu, m’empêche d’aller manifester. Quoique l’envie de retrouver une liesse collective et chaleureuse m’attire quelque peu. Un peu comme un certain 12 juillet 1998, un peu comme une envie de retrouver le goût du collectif non pas pour fêter une victoire, mais pour transcender collectivement l’angoisse des lendemains. Crier à la révolution comptable. C’est toujours mieux que de rester devant la télé à bouffer des lexomils….

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