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Un sujet passé sous silence : les Kurdes qui ont épousé la cause de Daech
©Reuters

Bonnes feuilles

Le Proche et Moyen-Orient font l'objet de véritables révolutions qui découlent des printemps arabes de 2011. L’ordre établi a été profondément bousculé et l'avenir est plus imprévisible que jamais, des conflagrations régionales - voire pire - n'étant pas à exclure. Les pouvoirs régionaux en place à Téhéran et à Riyad se retrouvent propulsés sur le devant de la scène. Extrait de "Face à face Téhéran - Riyad, Vers la guerre ?" d'Alain Rodier, aux éditions Histoires & Collections.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Enfin, il y a les Kurdes - majoritairement sunnites - qui ont épousé la cause de Daech. Ce sujet est largement passé sous silence car il ternit l’« épopée » qui est en train d’être écrite sur les Kurdes, les «  nouveaux combattants de la liberté ». Ainsi, le chef militaire de Daech qui tentait de prendre Kobané en 2014 était Abou Khattab al-Kurdi, un Kurde irakien originaire d’Halabja en Irak. Cette localité est connue pour avoir subi des bombardements chimiques de l’armée de Saddam Hussein entre le 16 et le 19 mars 1988 causant de 3 500 à 5 000 victimes. Khattab al-Kurdi a trouvé la mort lors du siège de Kobané au début 2015. En simplifiant, les Kurdes peuvent se classer en dans trois grandes catégories : les nationalistes (comme les clans Talabani et Barzani), les marxistes-léninistes convertis au « confédéralisme démocratique » (un mélange « libertaire » de socialisme, d’écologisme, de féminisme et d’internationalisme adopté par le PKK, le PJAK et le PYD) et les salafistes.

Un autre exemple, en Iran, les cinq activistes qui ont mené deux importantes opérations terroristes à Téhéran le 7 juin 2017 contre le mausolée de l’imam Khomeiny et le Parlement (23 morts dont les terroristes) étaient, selon les autorités, d’origine kurde. Ces actions ont été officiellement revendiquées par Daech. Globalement, la menace salafiste-djihadiste en Iran provient de « returnees » revenants du front syro-irakien qui ont ensuite rejoint les rangs de groupes insurrectionnels comme le Jaish Al-Adl ou Ansar Al-Furqan, héritiers du Jundallah fondé en 2002, au Sistan-Balouchistan au sud-est du pays et dans les régions majoritairement kurdes de l’Ouest.

À noter que bien qu’aucun élément de preuve n’ait été avancé à ce jour, l’Iran accuse l’Arabie Saoudite de soutenir - voire de commanditer - les salafistes-djihadistes présents dans le pays dans le cadre de la guerre pas si feutrée que cela que se livrent ces deux pays.

 L’alliance Qatar/Turquie/Iran qui est en train de se mettre en place pour contrer l’influence de Riyad peut redistribuer les cartes au Moyen-Orient, pour les Kurdes en particulier. Des retournements d’alliances ne sont pas à exclure. Ainsi, le PYD syrien serait en train de lorgner vers l’Arabie Saoudite au cas où les États-Unis leur feraient défaut malgré les promesses réitérées de rester sur place bien que Raqqa soit tombée. Riyad risque effectivement de vouloir jouer à son tour la carte kurde pour nuire à ses adversaires directs, les Iraniens et les Qataris, et indirects, les Turcs. Comme l’économie n’est jamais bien loin de la politique, des projets d’exploitation et de transport d’hydrocarbures refont surface. Les débouchés méditerranéens pour ces produits intéressent au plus haut point le Qatar et l’Iran mais, pour cela, il faut traverser l’Irak et la Syrie, voire passer par la Turquie. Les Kurdes ont là également leur mot à dire même s’ils peuvent être géographiquement contournés. Ces projets sont la hantise de Riyad qui fera tout pour les contrer y compris, si cela est possible, en utilisant des cartes kurdes : PKK contre la Turquie, insurrection kurde dans l’ouest de l’Iran, accroissement de l’instabilité au nord de l’Irak et de la Syrie, etc. L’intervention militaire turque dans la région d’Efrin en janvier 2018 n’est pas là pour calmer les choses. À n’en pas douter, la création d’un « grand Kurdistan » couvrant le nord de l’Irak et de la Syrie n’est pas d’actualité !

Extrait de "Face à face Téhéran - Riyad, Vers la guerre ?" d'Alain Rodier, aux éditions Histoires & Collections

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