TAFTA : la France met le doigt dans un curieux engrenage<!-- --> | Atlantico.fr
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La France veut 'limiter" TAFTA.
La France veut 'limiter" TAFTA.
©Reuters

Halte là !

Chacun le sait désormais, un point important bloque dans les négociations TAFTA sur le traité transatlantique : la question du mécanisme d’arbitrage sur les investissements.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Cette question a particulièrement échaudé l’Allemagne, qui s’est pris en pleine figure la saisine du tribunal d’arbitrage de la Banque Mondiale par le groupe suédois Vattenfall. Celui-ci réclame plusieurs milliards d’indemnités à l’Allemagne en réparation du préjudice causé par la "sortie du nucléaire" décidée par Angela Merkel après l’accident de Fukushima.

La France soutient l’ISDS prévu par TAFTA

A une époque, l’Allemagne avait réclamé le retrait de l’ISDS et la France avait fait mine de lui emboîter le pas. Puis une ligne plus mitigée est apparue, portée par le sous-ministre des affaires européennes Mathias Fekl. Il faut reconnaître à Mathias Fekl le respect de ses annonces: la France a effectivement attendu la fin de la consultation publique européenne sur l’ISDS pour proposer des amendements importants au texte d’origine.

Ce faisant, la France rallie de fait le principe de l’arbitrage international sur les questions d’investissement. Il est désormais difficile d’imaginer que celui-ci ne figure pas dans le texte final, avec d’éventuelles modifications obtenues par la France – mais personne ne peut savoir lesquelles.

La France veut 'limiter" TAFTA

La note de la France se présente donc comme une document de compromis visant à apporter des limites aux contentieux lancés par les investisseurs privés, et des garanties sur l’indépendance de la procédure d’arbitrage.

Dans la pratique, la France cherche à empêcher une rédaction qui permettrait à un investisseur de se sentir lésé par un changement de réglementation. Elle veut donc préciser de la façon la plus claire possible le concept "d’attente légitime" ou "d’expropriation indirecte" de l’investisseur, en excluant les cas où la réglementation change pour lutter contre une crise systémique, ou bien pour protéger la santé des citoyens.

On retiendra tout particulièrement ce texte :

Sous réserve que les mesures visées ci-après ne soient pas appliquées d’une manière incompatible avec les stipulations relatives au traitement juste et équitable ou comme une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée aux investissements étrangers, les dispositions du présent accord ne saurait être interprétées comme empêchant l’adoption ou la mise en œuvre par une Partie Contractante des mesures nécessaires à :

(a) la protection de la moralité publique, ou au maintien de l’ordre et de la sécurité publiques dans les cas où une menace véritable et suffisamment grave pèse sur l’un des intérêts fondamentaux de la société ;

(b) la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ;

(c) la protection et la mise en œuvre des standards sociaux et du droit du travail ;

(d) la conservation des ressources naturelles épuisables, lorsque des restrictions similaires sont appliquées à la production ou la consommation intérieure ;

(e) la mise en œuvre des lois ou réglementations qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord, y compris celles qui se rapportent à : i) la prévention des pratiques de nature à induire en erreur et frauduleuses ou aux moyens de remédier aux effets d’un manquement à des contrats; ii) la protection de la vie privée des personnes pour ce qui est du traitement et de la dissémination de données personnelles, ainsi qu’à la protection du caractère confidentiel des dossiers et comptes personnels; iii) la sécurité.

Ce faisant, on mesure tout le champ concerné par la rédaction actuelle du texte, qui risque de figer les réglementations existantes ou de permettre des recours en indemnisation tous azimuts dès qu’une loi change. La France propose en outre la création d’une cour d’arbitrage spécifique avec un code de déontologie particulier pour les arbitres.

Quels alliés pour la France?

Reste à savoir quelles alliances la France nouera pour faire passer sa position. La ligne allemande finale sera essentielle, mais elle est incertaine. Angela Merkel est en effet convaincue de la nécessité de ce traité, et a d’ores et déjà annoncé qu’elle s’y rallierait. Voilà une cartouche de moins dans l’arsenal français.

La France est désormais la seule à affirmer qu’elle ne signera pas si le mécanisme de l’ISDS n’est pas réformé comme elle le souhaite. On voit mal comment un tel isolationnisme serait possible.

Si l’on se souvient que les Européens sont pressés de signer le texte avant le départ d’Obama et l’arrivée d’une nouvelle équipe à la Maison-Blanche… on mesure la difficulté pour la France d’infléchir la négociation. Si elle arrive, elle aura fait une belle démonstration de sa capacité d’influence.

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