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Quand Emmanuel Macron renonce au rôle de la France dans l'Union européen dans son discours prononcé à Berlin
©Soeren Stache / dpa / AFP

Attention, danger

Macron en Allemagne. Même à froid, même avec le recul donné par deux jours de réflexion, le discours qu’il a prononcé à Berlin résonne encore dans nos esprits comme une faute politique qui a tout du franchissement spontané de la ligne rouge.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les deux Europe que la France a face à elle

Il y a bien deux Europe face à nous.

L’une est celle dont nous rêvons, où la construction communautaire se confondrait avec l’esprit des peuples et la volonté des nations, où chaque Européen pèserait de son poids pour construire un continent harmonieux, un espace politique durable et démocratique. On oublie souvent le sens exact de ce mot. Dans la démocratie, le peuple décide, et le gouvernement se fait pour le peuple.

S’agissant de l’Europe, c’est une gageure, puisqu’il n’y a pas un peuple mais des peuples européens. Et le Brexit a montré comment certains d’entre eux pouvaient ne pas retrouver dans la construction communautaire l’esprit démocratique auquel ils aspirent.

L’autre Europe n’est pas celle de nos rêves, mais celle de la réalité. Elle est dominée par l’Allemagne qui n’hésite pas à y imposer des décisions unilatérales qui ne sont pas démocratiques et qui déstabilisent le fonctionnement de l’ensemble du continent. C’est le cas de l’ouverture unilatérale des frontières aux « réfugiés » par Angela Merkel, décision qui n’en finit pas de fragiliser l’Europe (comme tant d’autres dont les Grecs, par exemple, pourraient longtemps nous entretenir).

Le destin européen de la France

Contrairement aux idées propagées par certains milieux europhiles ou eurolatres en France, critiquer la construction communautaire ne signifie pas un repli sur soi, bien au contraire.

Personne ne conteste que la France ait un destin européen, quelle que soit sa volonté d’ailleurs, ou ses envies. Avant même que l’Europe ne soit l’Europe, c’est-à-dire à l’époque où l’Europe se croyait seule au monde, les peuplades qui habitaient l’espace actuel de la France entretenaient déjà des relations organisées avec le reste du continent. On a parfois l’illusion que l’histoire de l’Europe a commencé en 1945, ou en 1957 avec le traité de Rome. En réalité, l’histoire politique qui a commencé cette année-là n’est qu’une virgule, ou une apostrophe, dans un chapitre beaucoup plus long où la France a toujours tenu une place éminente.

Reste à savoir si le destin européen de la France trouve son content dans l’adhésion à un ordre continental où elle ne décide pas, mais où elle obéit, où elle ne domine pas mais où elle est soumise. La grande force des eurolatres est d’avoir retourné le sens des mots en imposant une synonymie entre amour de l’Europe et soumission à l’Allemagne.

C’est évidemment une imposture que les vrais esprits démocratiques ne peuvent accepter durablement.

Macron a prêté allégeance à l’Allemagne

Dans ce grand retournement des mots qui est au coeur du programme politique d’Emmanuel Macron, le discours de Berlin demeurera comme un moment de vérité, une sorte de parole malheureuse qui échappe à son auteur.

Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron, pourtant très entouré de 400 experts, pourtant inspecteur général des Finances, pourtant ancien ministre de l’Economie, tardait à dévoiler son programme économique. En particulier, depuis plusieurs mois, il se dérobait à la question de sa stratégie en matière de finances publiques. C’est pourtant le marqueur essentiel d’un programme présidentiel: plus ou moins de dépenses publiques, plus ou moins de dettes, d’impôts, de déficit. Ce silence ne l’a pas empêché de multiplier les promesses coûteuses.

Sans doute, nous les Français ne sommes nous pas capables de comprendre la stratégie du candidat, puisque l’intéressé a choisi Berlin pour dévoiler son approche du sujet. Et c’est en anglais qu’il y a expliqué le cap qu’il entend faire suivre à la France s’il était élu.

« Nous, Français, devons restaurer la confiance avec les Allemands en faisant des réformes sérieuses », a-t-il déclaré. Ce n’est pas l’entrevue de Montoire, où Pétain avait assumé son allégeance à l’Allemagne de 1940, mais nous n’en sommes quand même pas très loin.

En tout cas, nous savons maintenant l’essentiel: Macron veut plaire à l’Allemagne, Macron veut pédaler sur le tandem franco-allemand à la même vitesse qu’Angela Merkel, et Macron opposera à toute réforme française l’horizon bouché des aspirations allemandes.

De la vraie nature du couple franco-allemand

Car il ne faut pas se tromper sur la véritable nature de cette fameuse relation franco-allemande présentée comme un objectif en soi de politique étrangère, et même de politique intérieure.

Imagine-t-on un esprit raisonnable expliquer à Pepsi-Cola que son avenir passe par une relation amicale avec Coca-Cola? Imagine-t-on un esprit raisonnable expliquer à Samsung qu’il doit travailler en bonne intelligence avec Apple? Qui demanderait à Carlos Ghosn de restructurer Renault en demandant l’avis de Volkswagen? Nous avons fait le choix du capitalisme en Europe, et dans le monde capitaliste, le principe général qui domine est celui de la concurrence.

Lorsqu’un responsable politique français, envers et contre toute logique, « oublie » ce détail et préconise d’accorder un droit de regard à l’Allemagne sur nos réformes intérieures, comme le propose Emmanuel Macron, c’est bien à notre principal concurrent que nous proposons de donner les clés de la maison France.

Il s’agit, bien entendu, d’une faute politique et historique majeure.

Renverser les termes de l’échange

Emmanuel Macron appartient à cette élite française convaincue que la France ne peut plus peser seule, et qu’elle doit accepter une subordination à l’Allemagne pour assurer son avenir. Il ne s’en est d’ailleurs pas caché, puisqu’il a déclaré à Berlin: « On peut faire un Google européen, un Google français n’existera jamais. »

Conformément au mode de pensée de l’élite française, les évidences les plus simples sont systématiquement écartées au profit de l’idéologie. Alors qu’il n’existe aucun champion européen du Net, mais qu’il existe des champions nationaux, notamment français (comme Blablacar), il est de bon ton de continuer fidèlement le grand retournement du sens. Au nom du sérieux et de la vérité scientifique proclamée la main sur le coeur, l’élite nous enjoint de soutenir des contre-vérités flagrantes comme celle d’une minoration définitive de la France dans la croissance économique mondiale.

Il existe pourtant une autre possibilité. Il nous est toujours loisible de nous affranchir de l’étiquette aristocratique qui nous interdit de dire les choses et nous ordonne de les regarder à l’envers. Nous sommes toujours libres d’ouvrir les yeux et de comprendre que si la France est minorée, ce n’est pas parce qu’elle est faible, mais parce qu’elle (et singulièrement sa classe dirigeante) ne croit plus en elle.

Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Quand on veut tuer la France, on la soumet sans coup férir à sa principale concurrente: l’Allemagne. Merci, M. Macron, de nous l’avoir rappelé.

Cet article a été précédemment publié sur le site d'Eric Verhaeghe

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