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Pour les milieux d’affaires, la tentation Macron, l’option Fillon malgré tout
©CGPME

Atlantico Business

Jamais, les entrepreneurs et les chefs d’entreprise n'ont été aussi indécis. Ils regardent Macron avec bienveillance, oui, mais ils achètent le programme Fillon.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les candidats à la présidentielle ont été convoqué hier devant les patrons français du digital. Quand les patrons du digital et du Medef, ont reçu les candidats à la présidentielle, ils ne savaient pas que Manuel Valls avait décidé de se mettre dans la roue de Emmanuel Macron.

Ces défilés de mode ont tous été un peu chahuté. Que les candidats soient face aux pigeons, à croissance plus ou devant le Medef, ou de la CGPME.

Les milieux d’affaires restent sceptiques sur la capacité d’un candidat à restaurer les conditions de débloquer le système français. Beaucoup de bonnes intentions, assez peu de convictions et de détermination à bousculer le système. Or pour les patrons la France a besoin d’être secouée et même bousculée.

Les chefs d’entreprise se détermineront sans doute au dernier moment. Pour l’instant, ils n'ont jamais été aussi indécis sur le bulletin de vote qu’ils glisseront dans l’urne lors du vote de la présidentielle. 

Ceci dit, les milieux d’affaires séparent les candidats en deux catégories.

Il y a les candidats qui reconnaissent les contraintes qu‘ il faut nécessairement assumer. François Fillon et Emmanuel Macron se situent dans le système mondialisé, dans l‘Union européenne, ils acceptent l’économie de marché et la nécessite bénéfique du progrès technologique. A partir de là, ils dressent tous les deux, des diagnostics un peu différents avec des prescriptions qui ne sont pas identiques, mais grosso modo, leur objectif est de procéder à des adaptations pour assumer ces contraintes.

Et puis, il y a presque tous les autres candidats qui développent des analyses, élaborent des programmes qui nient la réalité dans laquelle nous sommes plongés, et qui offrent des programmes qui sont en partie ou totalement irréalisables. Ces candidats vont donc à l’échec voire même à la catastrophe.

Les milieux d’affaires comprennent que la politique se doit parfois de proposer un peu d’utopie, mais ils considèrent surtout que la politique doit délivrer des résultats. C’est le grand point commun qui réunit le groupe social si divers des chefs d’entreprise.

Parce que ce groupe social des entrepreneurs et des chefs d’entreprise est un groupe peuplé d’une population assez diverse voir hétérogène. Il y a les auto entrepreneurs, les patrons de PME, les dirigeants d’ETI (entreprises à taille intermédiaire), les champions du digital, on peut aussi compter avec les gros commerçants, les patrons d’exploitations agricoles et les professions libérales.

Toutes ces catégories sociales ont peu de points communs et d’ordinaire, leur vote s’éparpille sur l'échiquier politique. Entre la gauche sociale-démocrate, le centre et la droite libérale. 

Mais ça c’était avant. Avant la crise. Avant le quinquennat de François Hollande dont ils se considèrent comme les premières victimes. Parce que François Hollande a été élu avec beaucoup d‘utopie et qu’après, il s’est retrouvé coincé. Les entrepreneurs ont le sentiment d’avoir payé la facture.

Ces entrepreneurs sont au total plus de 5 millions en France. Et aujourd'hui, ils ont donc des points communs dans leur lecture de la vie politique française.

1er point. Ils considèrent avoir été les premières victimes du quinquennat de François Hollande. Entre le RSI qui a semé la pagaille et la fiscalité qui a écrasé les marges. Ça crée des liens.

2e point. Le discours anti business développé par le précèdent gouvernement les a beaucoup découragés.

3e point. Le choc de compétitivité, avec le Cice, leur a donné de l’oxygène mais trop tard et a simplement compensé la sur-fiscalité des deux premières années du quinquennat.

4e point.  Ils n’ont pas supporté les tracasseries sociales et les lourdeurs dans la gestion du personnel. Ils n’ont donc pas supporté la violence du débat contre la loi El Khomri qu’ils défendaient.

5e point. Ils n’ont pas supporté d’être considérés comme les responsables du chômage, alors qu’ils sont créateurs nets d’emplois.

6e point. Les plus jeunes ont mal vécu la résistance qui s’est levée contre la vague d’ubérisation de l’économie dont ils sont les acteurs, les opérateurs et souvent les premier bénéficiaires et utilisateurs.

Mais au-delà de ce cahier qui collecte les souffrances de tous les entrepreneurs, ils appartiennent aussi au même monde.

Un monde qui travaille avec son argent le plus souvent, un monde qu’ils ont choisi d’habiter pour être libre de tout rapport avec un patron, un monde dans lequel on leur avait promis de toucher les fruits de leur effort et de les redistribuer à leurs collaborateurs et leurs enfants si l’Etat n’était pas venu en ponctionner l’essentiel.

Les entrepreneurs partagent aussi la même ambition, celle de réussir et si ça n’est pas possible, ils sont tous, à un moment ou à un autre, tentés par l'expatriation vers des éco-systèmes plus cléments.

Cette immense tribu a été politiquement séduite par Emmanuel Macron qui a commencé son aventure par un discours très pragmatique, très conscient que l'avenir se jouait à l’exportation, que l'avenir dépendait aussi des progrès technologiques et que la concurrence internationale offrait des opportunités de progrès. Emmanuel Macron appartient à la même génération d’entrepreneur. Dans toutes les études faites dans ces milieux-là, les jeunes entrepreneurs ont toujours considéré que Macron était le candidat le plus capable de comprendre et de défendre la logique d’entreprise.

Seulement voilà, au-delà de l'enthousiasme, les entrepreneurs ont aussi regardé les programmes. Et là, c’est celui de François Fillon qui leur a paru promettre les réformes les plus précises pour libérer l'initiative entrepreneuriale.

On se retrouve aujourd'hui, coté patrons, avec un climat d’indécision totale. Macron oui, mais pour le programme mieux vaudrait Fillon. Cette schizophrénie s’est aggravée avec les ennuis judiciaires de François Fillon.

Toutes les déclarations des dirigeants patronaux, de ceux du Medef à la Cgpme, en passant par Croissance Plus, les pigeons ou les fonds d’investissement, toutes les déclarations trahissent cet embarras et laissent la porte ouverte à toutes les solutions.

Alors l’arrivée de Manuel Valls dans le jeu de Emmanuel Macron ne change pas grand-chose pour la présidentielle. Pour une partie des patrons, cette réunion entre Valls et Macron accrédite l’idée que Macron est un pur produit de l’Elysée. Sans doute, sauf que Valls a aussi montré qu’il avait des convictions très pro business comme Macron, mais avec l'expérience de gouvernement et la capacité d’attirer des éléments de l'ancienne majorité socialiste.

Dans ces conditions, l'arrivée de Manuel Valls ne va rien changer pour Macron, elle va peut-être même le desservir. Mais après la présidentielle, les choses seront sans doute différentes. Manuel Valls peut apporter à Emmanuel Macron une partie de la majorité qu’il n’a pas. Et ça pour les milieux d’affaires, c’est plutôt rassurant.

Parce que pour l’heure, les patrons dessinent un président idéal qui ressemblerait à Macron, qui parlerait comme Macron, mais qui emprunterait le programme de Fillon, avec sa majorité pour l’appliquer. Un peu la quadrature du cercle.  Si demain, Valls lui apporte une majorité, et son projet de réformes libérales, ça changera tout.

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