Petit bilan de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, un an après son arrivée<!-- --> | Atlantico.fr
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Gérald Darmanin dans les couloirs du ministère de l'Intérieur, en juillet 2020, peu après sa prise de fonction.
Gérald Darmanin dans les couloirs du ministère de l'Intérieur, en juillet 2020, peu après sa prise de fonction.
©THOMAS COEX / AFP

L'heure des comptes

Entre la communication et la réalité, quel est le vrai bilan de Gérald Darmanin à la tête du ministère de l'Intérieur ?

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Ah ! Si seulement le spectacle politico-sécuritaire se jouait entre com’ et médiasphère : nous aurions en Gérald Darmanin un champion (catégorie : ministre) sans rival, l’homme qui réa­git comme la foudre. Un élu se casse-t-il un ongle ? Un policier est-il regardé de travers ? Il­lico, arrive le communiqué 100% solidaire, enjolivé d’admonestations et récriminations vi­sant des directeurs de l’Intérieur et autres préfets : encore un rodéo ! Une agression ! Mais à quoi pensent-ils ! Que font-ils, sacrebleu ! Bref : côté com’, la France est ultra-sûre.

Hélas, côté prosaïque réalité du terrain, crimes et délits du quotidien, insécurité palpable, l’année-Darmanin fut moins glorieuse. Écoutons d’abord la Vox Populi.

• Au long du 1e semestre 2021, à chaque (fréquent) sondage, quel est « l’enjeu prioritaire des Français » ? La sécurité, unanimement - ce qui bien sûr n’adviendrait pas si cette der­nière était optimale, voire convenable.

• M. Darmanin lui-même (ODOXA-Le Figaro - 28/05/2021) ? Bonne opinion, 29% ; mauvaise, 42% ; qui c’est, lui ? 29%. Pour parler en énarque, ces « résultats contrastés » affectent aussi ses supérieurs. (Elabe-BFMTV, 12/05/2021) : Pas confiance en Macron-Castex, sécurité : 66% (pas vraiment, 39%, pas du tout, 27%).

Venons-en au vécu criminel des Français des villes et campagnes ; ce qu’ils subissent en vrai. À ce qui devrait baisser, et fort, pour que la France retrouve sécurité, calme, capacité de tra­vail, hors du tourbillon des pillages et agressions. Et ce qui ne baisse, mais alors, pas du tout, depuis belle lurette, ministère Darmanin inclus. Pour l’insécurité de voie publique (hors fraudes financières, crimes à l'environnement, etc.), voilà les critères pertinents :

- En 2020, la France compte 187 soirs d'émeutes anti-police, guet-apens, tirs de mortiers, in­cendies et jets de cocktails-Molotov ; par des meutes d’individus cagoulés et armés (ce qui est doublement illicite) ; un soir sur deux en 2020 ; on approche les deux soirs sur trois en janvier-mai 2021. Qui sont les émeutiers ? D'où proviennent-ils ? Où agissent-ils, d’usage, impunément ? L’intérieur est muet.

- Pour cibler les zones criminalisées : abattage des pylônes de vidéosurveillance, caméras détruites par balles... poteaux sciés à la disqueuse, etc... Bien sûr, à 100% des cas, près des points de trafic des criminels - donc, là où ils sont. La carte précise des lieux d'émeutes et py­lônes abattus donne la cartographie criminelle de la France. Pourquoi ne la fait-on, ne la publie-t-on pas ? Pourquoi l'intérieur tait-il l’origine des bandits ? Pourquoi la police n'est-elle pas concentrée sur ces lieux et ces hyperactifs malfaiteurs ?

Preuve que la com’ de M. Darmanin laisse les criminels de marbre : les multiples "règlements de comptes" : jusqu'à un par jour la semaine passée. Quand les bandits craignent une vraie ré­pression, ils diffèrent (ou annulent) ces "exécutions". Là, clairement, ils s'en tapent.

Campagnes - un pillage loin des médias : vols de poulaillers, chevreaux et agneaux, vol de ruches par centaines, chaque mois... vol de tracteurs, de GPS agricoles, d'outillage, d'essence et de fuel... Les zones rurales sont au pillage et les gendarmes délaissent la campagne profonde (faute de moyens, pas par volonté).

Pourtant, voilà qu’émerge un modèle, ébauche d’une stratégie - première libération d’une cité hors-contrôle des griffes de voyous et narcos. Non pas un futile coup-de-poing lors du­quel des dealers hilares attendent, à deux encâblures de leur « four », que les Keufs aient tourné casaque. Bien plutôt l’action durable - voire permanente - d’habitants re­trouvant leur liberté d’aller et venir dans leurs couloirs et entrées d’immeubles ; de locataires n’ayant plus à baisser les yeux devant de juvéniles crapules.

Lisons L’indépendant du 24 juin passé : « Les Oiseaux [Zone ci-devant hors con­trôle] respirent à nouveau. Entre les opérations coups de poing de la police nationale et la présence des bri­gades municipales du lever du jour au couvre-feu, il aura suffi de cinq se­maines aux forces de l’ordre pour ramener le calme dans tout un quartier du bas-Vernet gangrené par la drogue... Les dealers y imposaient leur loi et la terreur depuis 2015. Traqué durant cinq se­maines par la police, le gang a fini par abandonner le quartier des Oiseaux à Perpignan, qui retrouve en ce mois de juin une sérénité inespérée ».

Une stratégie gagnante : trois cents coupe-gorge à reconquérir en France. Des centaines de milliers de leurs résidents, Français ou non, alors libérés. Une opération d’ampleur nationale privant les narcos de tout « effet de déplacement ». Leurs trafics s’effondrant vraiment et ces trafiquants fuyant ailleurs (en Europe ?), voir si l’herbe est plus verte.

Telle est la voie que M. Darmanin devrait suivre. Certes, il semble plus adepte des coups en douce que des humanités, mais signalons-lui quand même, côté sagesse eu­ropéenne, la plus antique critique des futilités de la com’ et de l’esbrouffe. Voilà 25 siècles, Hérodote (VII, 191) écrit en effet, sur l’empereur perse Xerxes rageant que son invasion de la Grèce soit bloquée par l’ouragan : “La tempête dura trois jours ; enfin, immolant des victimes et hur­lant au vent leurs incantations, offrant des sacrifices à Thétis et au Néréïdes, les mages y mirent fin le quatrième jour - à moins que, pour quelque autre motif, le vent ait bien voulu s’apaiser de lui-même...”.

Or parfois, la tempête criminelle résiste aux sortilèges des mages de la com’. Reste alors la voie criminologique. Cent opérations « Cité des Oiseaux » partout en France ! Libérons les habitants des zones hors-contrôle ! Dans la vraie vie, la paix publique se conquiert ainsi.

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