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Papier toilette : l’autre crise de confiance
©JOHAN ORDONEZ / AFP

Peur de la pénurie

La pénurie de papier toilette dans les supermarchés, comme celle de la farine ou encore des pâtes illustre le peu de confiance accordé par les Français dans la parole publique. Cette crise de confiance vient s'ajouter à la crise sanitaire et la crise financière qui traversent le pays.

Natalie Maroun

Natalie Maroun

Natalie Maroun est directrice-conseil et analyste chez Heiderich Consultants, spécialisée dans la gestion et la communication de crise. Elle travaille également pour l'Observatoire international des crises (OIC). 

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Atlantico.fr : Alors que le gouvernement a assuré qu'il n'y aurait aucune pénurie de produits de première nécessité, la population ne semble pas rassuré. Pourquoi un tel manque de confiance dans la parole publique ?

Natlalie Maroun : Au-delà de confiance en la parole publique, c’est la peur de manquer de produits de première nécessité qui guide ce comportement. Le phénomène s’amplifie progressivement avec le bouche-à-oreille. Plus les rayons se vident, plus les personnes se ruent sur ces produits, plus on arrive en situation de rupture. Et cette rupture due aux comportements des consommateurs a pour effet de les conforter dans leur conviction qu’il ne faut pas avoir confiance en la parole publique.

Dans le même temps, la communication gouvernementale a parfois manqué de cohérence et semblait hésitait sur les mesures à prendre. Or, en temps de crise majeure, les incohérences et les rétropédalages conduisent à une perte de crédit.

Comment expliquer que la population adopte de tels attitudes de consommation en temps de crise et qu'aucune déclaration de la part du corps politique ne semble la rassurer ?

En temps de crises comme celle que traverse le monde entier aujourd'hui, l'instinct de survie est dominant et risque de pousser à un manque collectif de civisme au profit du chacun pour soi. Ce qui est grave, ce ne sont pas les rayons vides, mais la proximité dans des magasins surpeuplés qui favorise la propagation du virus. C’est le problème des menaces invisibles : les décisions prisent par les individus se fondent sur une rationalité biaisée. La certitude de manquer de produits de première nécessité prend le pas sur l’incertitude d’être contaminé.

Cette situation est-elle commune à toute crise grave pouvant mener à une période de confinement ? Est-ce plus marqué au sein de la population française ? En d'autres termes, les autres population européennes accordent-elles plus de confiance en leur gouvernement ? Sont-elles plus disciplinées ? 

Avant que la crise ne touche l'Europe, les Européens suivaient la progression du virus sur le territoire chinois ainsi que les mesures prises par leur gouvernement. Quand le virus s'est propagé massivement en Italie, le gouvernement italien a dû fac à l’ampleur de l’épidémie prendre rapidement des mêmes mesures drastiques : mise en quarantaine puis confinement. Pendant ce temps, d'autres pays européens réagissaient différemment à la propagation du virus. Certains pays, qui n'avait que quelques cas confirmés, fermaient établissements publiques et commerces non essentiels, voire même leurs frontières. Or les Français observaient le virus se propager rapidement et entendaient les cris d'alarme des médecins face à cette situation d'urgence. Certains citoyens ont jugé les mesures prises par le gouvernement français comme insuffisantes, d’autres considéraient que toutes ces mesures sont exagérées. Sans oublier les messages contradictoires donnés pendant les dernières semaines. Notamment, le Président de la République qui invitaient les Français à continuer à sortir et à aller au théâtre (7 mars) pendant que 'Italie se confinait, ainsi que le "restez chez vous" mais en même temps "Allez voter". De ces messages contradictoires ont résulté des comportements inappropriés entre le dimanche et le lundi 16 mars :  nombreux sont les citoyens qui ont fréquenté marchés et jardins publiques, mais le lendemain, se sont rués vers les supermarchés pour se préparer au confinement qui a été annoncé par le Président le soir du 16 mars. On voit ici apparaitre une rupture de confiance, une faille difficile à combler.

Dans toutes les crises majeures et les situations exceptionnels, notamment en situation de guerre, ce comportement est fréquent. Surtout, il y a une perte de confiance généralisée en la parole politique et pire encore, on assiste à une perte de crédit en la science et la médecine pour préférer de faux experts et les théories du complot. Ainsi, ce n'est pas une question de discipline, mais plutôt des décisions et une communication qui répond aux craintes de la population, sachant qu'être transparent et informer, ce n'est pas communiquer. Or la bonne communication est primordiale pour aider les personnes à surmonter leurs peurs et adopter des comportements rationnels et non émotionnels.

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