Macron prend le risque de faire éclater l’Alliance Renault-Nissan<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l’Economie réclame un droit de vote double sur les actions détenues par l’Etat afin d’avoir une minorité de blocage.
Le ministre de l’Economie réclame un droit de vote double sur les actions détenues par l’Etat afin d’avoir une minorité de blocage.
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

A la veille de l’AG de Renault, Carlos Ghosn se défend comme un beau diable. Il ne décolère pas contre le ministre de l’Economie qui réclame un droit de vote double sur les actions détenues par l’Etat afin d’avoir une minorité de blocage. C’est désormais l’existence même de l’alliance qui est en jeu.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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On considère au sein de l’alliance que la décision du gouvernement revient à une nationalisation rampante et que cette décision est de nature à faire éclater Renault-Nissan. La situation est ubuesque. Elle s’aggrave de jour en jour dans l’indifférence la plus totale. Personne au gouvernement ne semble comprendre que ce dictat politique risque de détruire la solidarité au sein du groupe. Personne ne semble savoir qu’aujourd’hui le groupe est en bonne santé grâce à Nissan.

Les hostilités et les échanges de courriers entre le PDG de Renault et le ministre de l’Economie ou le Premier ministre sont devenus très chauds.

Carlos Ghosn considère qu'il n’a rien à se reprocher et personne ne le conteste. Il vient d'annoncer un chiffre d'affaires en hausse de 13,7% sur le premier trimestre 2015 et 2000 embauches supplémentaires dans ses usines françaises, dont 1000 apprentis. Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, d'un Etat qui totalise 5,6 millions de demandeurs d'emploi et dont la dette va continuer d'augmenter jusqu'à 97,1% du PIB en 2015 en vient à penser que de mettre la main sur Renault améliorerait la situation française.

Cette opposition est complètement surréaliste. D’autant qu'au centre du conflit, c’est l’avenir de l’alliance Renault-Nissan qui se joue.

L'Alliance Renault-Nissan ne regroupe pas seulement les deux constructeurs, mais s’est élargie à d'autres partenaires. Les hérauts du capitalisme d'Etat, hauts fonctionnaires de l’Agence des Participations de l’Etat, aux ordres du ministre, risquent de casser les pattes et bloquer les roues de cet ensemble industriel.

L’Etat n'a-t-il pas mieux à faire que de se transformer, depuis le 8 avril de dépenser, aux frais des contribuables, l’acquisition pour 1,2 milliard de 14 millions de titres Renault aux seules fins d'imposer à Renault des droits de vote doubles qui bénéficieront essentiellement à l' Etat ?

Le nœud du conflit est là. Atlantico. fr a été l'un des premiers média à analyser les dessous pas très clairs de cette initiative. On sait maintenant que l’objectif est purement politique. Il s‘agit de montrer jeudi, au peuple de gauche, que ce pouvoir a encore de l'autorité dans les assemblées générales d’actionnaires. Bravo !

Cette affaire est grave. Aujourd'hui, elle a atteint un point qui risque de détruire d'un éphémère coup de force actionnarial une Alliance entre  Renault et Nissan patiemment bâtie depuis 16 ans. Cet épisode inédit d'abus de droit  serait risible s'il n'était pas annonciateur d'un nouveau sinistre majeur pour l’industrie française.

Emmanuel Macron se comporte comme un vulgaire spéculateur au détriment de Renault et de Nissan, parce que Nissan est l'autre actionnaire véritablement de long terme de la marque au losange.

Emmanuel Macron, en défendant un  nouveau dogme sur les droits de vote doubles, éloigne davantage l’industrie française des investisseurs internationaux. L'image n était pas fameuse ; elle va devenir désastreuse.

Emmanuel Macron met en danger les sites français de Renault et les milliers d'emplois dont la préservation dans la crise, ces dernières années, aura justement été portée par l’Alliance de Renault avec Nissan avec la collaboration des syndicats qui avaient signé un accord de préservation d’emplois réussi et respecté.  

Emmanuel Macron sait-il qu'à l'usine de Flins on fabrique 132.000 Nissan Micra, que plus du tiers des moteurs et boîtes de vitesse usinés à Cléon, le sont pour le compte de Nissan ou que sur 710.000 véhicules programmés pour être produits par Renault en France en 2016, plus de 80.000 proviennent des partenaires de l’Alliance ? C’est toute cette dynamique qui se trouve aujourd’hui cassée net.

Ce gâchis est un luxe dont la France n'a pas les moyens. Les nouveaux investissements étrangers en France ont chuté de 77% en 2013 et en 2014, le nombre d'implantations progresse certes de 8%, mais une progression stérile en termes de créations d'emplois : en recul de 14%.

Il y a 22 ans, l’alliance entre Renault et Volvo s’effondra quand l’Etat refusa de s’engager à privatiser Renault. Ce qu’il fit ensuite, mais trop tard. Louis Schweitzer doit s’en souvenir lui qui, ayant tiré toutes les leçons de l’échec avec Volvo, a tout fait pour rapprocher Renault de Nissan.

Mieux que personne, il sait qu'il fallait que Renault soit affranchi des influences de l’Etat, sinon jamais le mariage aurait pu être contracté. Aujourd’hui, c’est l’Alliance, c’est de mariage avec Nissan et seize années de travail industriel, dont les plus dangereuses pendant la crise, d’où Carlos Ghosn est sorti en bonne santé. C’est tout ce chemin qui se trouve menacé par d'imprudents fonctionnaires et commentateurs politiques.

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