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Lutte contre le FN : quand on s’est déjà trompé,
pourquoi ne pas recommencer ?
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Front National

Après avoir diabolisé Jean-Marie Le Pen, la classe politique française et les commentateurs patentés reproduisent le même schéma pour sa fille. Pas sûr que cela fasse baisser le score du FN aux prochaines présidentielles.

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat est démographe, spécialisée dans le domaine de l'immigration. Elle a notamment écrit Assimilation : la fin du modèle français aux éditions du Toucan (2013). Son dernier ouvrage Immigration, idéologie et souci de la vérité vient d'être publié (éditions de l'Artilleur). Son site : www.micheletribalat.fr

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En pleine campagne pour la présidence du Front national, Marine Le Pen a prononcé devant ses sympathisants des propos sur les musulmans qui prient dans la rue. Elle a comparé ces prières à une occupation. Quelle occupation ? Quand on lit le mot à mot de sa déclaration, rien n’indique explicitement qu’il s’agit de l’occupation de la France par les nazis.

L’extrait le plus repris dans la presse est le suivant : "C’est une occupation de pans du territoire, des quartiers dans lesquels la loi religieuse s’applique, (…). Certes y a pas de blindés, y a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants". Après tout, la plupart des occupations ont vu leur cortège de blindés et de soldats. Ne parle-t-on pas d’occupation américaine en Irak ? Si toute la presse a complété d’elle-même la citation, c’est aussi qu’elle s’est généralement abstenue de citer le propos de Marine le Pen qui précédait l’extrait : "Pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler parce que ça…".

La Seconde Guerre mondiale : une obsession

Marine le Pen a donc fait un trait d’esprit sur la manie française de tout ramener à la Seconde Guerre mondiale. Elle a fait une boutade, de mauvais goût certes, mais pas plus que la plupart des métaphores politiques se rapportant à la Seconde Guerre mondiale, manie française et même européenne.

On y a eu droit, à l’été 2010 avec Viviane Reding à propos de l’affaire des Roms, même si le gouvernement français avait commis la faute de relier les émeutes de gens du voyage à Saint-Aignan à la question des migrations de Roms en provenance de Roumanie ou de Bulgarie. Pierre Moscovici, du PS, a cru détecter alors "un climat très pourri et très Vichy". De même, à propos des élections danoises de 2001, The Guardian, en juin 2002, commentait ainsi l’évolution de la scène politique danoise : "la prise du pouvoir des nazis apparaît lente par rapport au basculement à droite sans précédent de la politique danoise l’an dernier". 

Comme l’avait déjà excellemment écrit Jean François Revel, "si tout comportement xénophobe, se limitât-il à une certaine condescendance à l’égard de l’étranger, comme on en voit dans tous les pays, découle de l’idéologie nazie ou y conduit, alors l’humanité tout entière a toujours été nazie et l’est encore. Je dirai même qu’elle est incurable". 

Tout le monde ou presque s’est engouffré dans la provocation. Voilà donc la classe politique à nouveau révulsée et qui dresse des filiations. Ceux qui prient dans la rue sont les descendants de ceux qui ont libéré la France et l’amalgame odieux vient de ceux qui auraient été du côté des nazis en 1940 ! On rejoue la guerre d’il y a 60 ans en s’attribuant les places les plus flatteuses. On démasque le père sous les traits de la fille. Rien n’aurait décidément changé dans la famille Le Pen. Voilà la fille enfin dévoilée.

De Jean-Marie à Marine : bis repetita

Il est absolument désolant de voir les erreurs commises avec le père se répéter avec la fille. Jean-Marie Le Pen a eu du succès, non pas tant parce qu’il s’était emparé de certains sujets, mais parce que les autres partis les lui avaient laissés et préféraient ne pas en parler ou les enjoliver. C’est encore ce qui vient de se passer. Ségolène Royal n’a-t-elle pas déclaré s’inquiéter "de voir ce sujet mis au cœur du débat politique français".

Marine Le Pen a évoqué un problème réel, celui des exigences inacceptables de certains courants musulmans qui souhaitent que la France s’adapte à leurs pratiques et non l’inverse. Qui s’est déjà trouvé du côté de la rue Myrha dans le XVIIIe arrondissement de Paris, un vendredi au moment de la prière, sait de quoi il est question ; rues barrées, magasins qui baissent leur rideau de fer, passants qui se hâtent, sono qui retransmet le prêche, fidèles en nombre psalmodiant Allahou akbarLa seule vraie réponse politique est de dire non à ces pratiques.

L’anathémisation du père n’a pas été une stratégie très fructueuse face au Front national. Le succès de Nicolas Sarkozy en 2007 reposait en partie sur le fait qu’il avait su s’emparer des sujets de prédilection du Front national en laissant croire qu’il en ferait quelque chose. L’anathémisation de la fille risque d’être encore plus mortifère car elle est beaucoup plus présentable et ne traîne pas derrière elle les remugles de l’antisémitisme qui accompagnaient les prestations de son père.

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