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LR : Xavier Bertrand change de braquet
©FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Homme providentiel ?

Xavier Bertrand n'est plus seulement un "faiseux". Son attitude annonce-t-elle un retour sur le devant de la scène politique ?

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Comme on entend et qu'on lit peu Xavier Bertrand (XB), le président de la région des Hauts-de-France, les portraits qui lui sont consacrés et qui rapportent beaucoup de ses propos, dans la quotidienneté d'une vie politique intense, ont d'autant plus de prix, surtout quand ils sont de qualité comme celui de Marion Mourgue (Le Figaro).

Il est clair que XB a déserté la modestie ostensible qui lui servait de paravent et anticipait les moqueries de ceux, peu clairvoyants, qui doutaient de son destin parce qu'il était, paraît-il, un petit assureur de province.
Cette retenue purement tactique a été longtemps la sienne quand, se campant comme adversaire déterminé des jeux partisans traditionnels, il a fui les médias et s'est affirmé comme le défenseur de sa région à la tête de laquelle il avait été élu avec le concours de la gauche contre le FN alors battu largement au second tour.
Je n'ai pas forcément apprécié la manière dont il a exploité cette victoire en s'acharnant systématiquement contre l'extrémisme de droite, donnant parfois l'impression qu'il jetait ses électeurs en même temps que son appareil officiel. Même s'il a été imité par Christian Estrosi dans cette voie, il avait trop de talent et de pensée pour y demeurer enkysté comme ce dernier.
Ensuite il y a eu le temps du "faiseux" qu'il opposait aux "diseux" avec une multitude de démarches, d'actions, d'interventions, d'impatiences, de colères et de volontarisme qui, tous, n'avaient pour seule finalité que de créer de l'emploi, de faire sortir du chômage et de susciter un nouvel élan dans une région qui se sentait abandonnée, presque désespérée.
Prise en charge sur un mode qui lui a redonné confiance en elle-même parce que celui qui la préside a confiance en elle, elle semble donner des signes de redressement. Rien n'est gagné mais il y a du mieux. On avance.
Est-ce que, fort de cette embellie globale et d'un bilan déjà consistant, XB considère que le moment est venu pour s'avancer plus nettement, plus avant dans le débat national ? Sans doute.
En tout cas il est clair qu'il a changé de braquet et de registre.
D'abord non seulement il est passé de "Macron compatible" à "Macron divergent" mais la dureté de son verbe et de ses critiques ne manque pas d'étonner. A l'évidence il ne retient plus ses coups, aussi bien quand il dénonce les erreurs de cette première année que lorsqu'il pourfend l'indifférence à l'égard des "milieux de cordée" ou qu'il stigmatise "ce pays gouverné à deux, Macron-Kohler, Kohler-Macron".
Au-delà de ces charges qui, somme toute, sans être banales, ne le distingueraient pas des opposants classiques de droite, il développe une analyse intéressante sur l'exigence du rassemblement. "Le vrai danger pour la droite, ce n'est pas le rétrécissement mais l'isolement...Quand vous ne pouvez plus nouer la moindre alliance si ce n'est à la droite de la droite, c'est terminé. Vous n'êtes plus un parti de gouvernement. Et c'est ce qui est clairement posé maintenant".
Avec le RN d'aujourd'hui qui refuse l'alliance en même temps que les LR s'en offusqueraient, le point de vue de XB est pertinent et ne s'inscrit absolument pas dans la perspective même lointaine d'une union des droites.
XB dévoile son jeu et son je qui dépassent la pure ambition régionale, avec quelque énergie qu'il la serve, en énonçant quasiment un programme présidentiel fondé sur quatre axes : un Etat efficace sur le plan régalien, un Etat stratège en matière économique et industrielle, un Etat garant sur la santé et la protection sociale et, enfin, un Etat partenaire des entreprises et des collectivités locales.
Si tout est pesé, tout n'est pas forcément neuf dans ces lignes directrices. L'important est que pour la première fois XB les énonce et qu'elles n'ont pas seulement pour vocation de "booster" les Hauts-de-France mais la France, le moment venu.
Depuis longtemps, on ne rit plus de XB. Le "petit chose", depuis des lustres, a fait sa mue. Il n'est plus seulement ce pragmatique s'efforçant de fuir les idées générales et les concepts abstraits. Il ne parvient plus à se cacher derrière son apparente discrétion. Sa région est un socle, son terreau, sa chance et sa preuve. Toujours faiseux certes mais plus seulement. Il va falloir compter avec lui demain à droite mais sa droite ne sera "ni revancharde ni caricaturale ni agressive".
Selon lui les Français auront la responsabilité de décider qui aura à incarner les solutions pour redresser le pays. Il ne décline pas l'honneur d'être celui-là.
Si tout le monde ne croit pas en lui, pour lui c'est fait.
Si je ne me trompe c'est une déclaration de candidature mais sans date.

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