Les multinationales sommées d’éviter toute relation financière ou commerciale avec l’Etat islamiste<!-- --> | Atlantico.fr
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De grandes entreprises comme Apple, Microsoft, Google ou Facebook s’opposent violemment à ouvrir l’accès des données cryptées qu'elles génèrent aux autorités qui luttent contre le terrorisme.
De grandes entreprises comme Apple, Microsoft, Google ou Facebook s’opposent violemment à ouvrir l’accès des données cryptées qu'elles génèrent aux autorités qui luttent contre le terrorisme.
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

De grandes entreprises comme Apple, Microsoft, Google ou Facebook s’opposent violemment à ouvrir l’accès des données cryptées qu'elles génèrent aux autorités qui luttent contre le terrorisme. Quant aux multinationales qui feraient du business avec Daesh, elles risquent très gros.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les rapports économiques et financiers entre le grand business, les multinationales et les organisations terroristes, comme Daesh ont été traités en marge du dernier G20 en début de semaine. Cette question est ressortie également au Parlement européen dans le cadre de la réglementation pour limiter l’optimisation fiscale et la fuite des profits vers des pays à fiscalité light.

Le débat n’a pas pris de dimension publique. Il est né dans les coulisses du G20, à l’initiative des chefs d’Etat et de gouvernements européens. Il a ensuite évolué dans les bureaux de la Commission européenne. Ce débat porte en fait sur deux questions.

La première, la plus urgente, porte sur le comportement des grandes entreprises internationales de la nouvelle technologie. Elle s’adresse plus précisément, pour l’instant, aux big five : Apple, Microsoft, Dell, Google et Facebook. D’autres entreprises pourraient être concernées dans les jours qui viennent.

La question posée par les organisations anti-terroristes est de savoir dans quelle mesure ces grandes entreprises pourraient ouvrir l’accès aux données cryptées qui circulent chez eux ou qui sont gérées par elles. Dans la mesure où les communications de Daesh avec leurs correspondants dans le monde sont généralement cryptées, beaucoup de gouvernements, dont la France, la plupart des services de police et d’investigation ont demandé cet accès.

La réponse des dirigeants de ces entreprises a été violemment négative. Ils sont d’ailleurs soutenus dans leur position par le gouvernement américain. Pas question d’ouvrir la porte à une procédure qui représente une menace contre la liberté individuelle. D’autant que pour l’instant, personne n’a la preuve que Daesh a réussi à communiquer avec les terroristes sur le terrain. Ceci dit, on sait que ces plateformes est une source intarissable de recrutement, la tentation est donc grande parce qu'elle est légitime compte tenu de la gravité de la situation. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve a prévenu, « nous allons investir dans les moyens numériques face à des terroristes qui utilisent désormais le cryptage ».  

Ce projet touche évidement à la liberté individuelle et à la vie privée. Ceci dit, nous sommes au bal de l’hypocrisie. Tous les services de renseignements utilisent déjà le cryptage, le gouvernement américain le premier. Les révélations de Snowden, dénonçant l’expertise de la NSA, en attestent.

Parce que les gouvernements utilisent le cryptage, les géants des nouvelles technologies ne veulent pas permettre aux autorités, sous prétexte de surveiller les terroristes, de rentrer au cœur de leur système. Le débat n’est donc pas clos.

La deuxième question porte sur les entreprises qui auraient ou qui pourraient travailler avec des organisations terroristes. Daech est aujourd’hui organisé, structuré avec un budget important qui lui permet de payer des mercenaires, chaque terroriste ou apprenti terroriste qui habite en Syrie recevrait un solde de 200 à 300 dollars par mois. Si cette armée compte aujourd’hui au minimum 50.000 hommes actifs, sortes de bombes humaines en puissance, le budget d’entretien est considérable, auquel il faut ajouter les allocations aux familles qui ont fait acte d’allégeance à Daesh, les approvisionnements, les achats d’armes et de munitions. Selon les responsables de Daesh, leur budget de fonctionnement atteint les 2,5 milliards d’euros.

Ce budget est financé par le pillage des régions occupées, les rançons touchées à la suite des enlèvements et surtout par la vente du pétrole à l’étranger. Daesh a du pétrole, parce qu’il a pris le contrôle de régions où il y a des réserves et des équipements d’exploitation qu’il utilise.  

Si ce pétrole rapporte près de 70% des recettes budgétaires, c’est qu’il est vendu. Il est vendu à qui ? Officiellement personne ne le sait. Ce que l’on devine, c’est qu’il passerait principalement en Turquie pour être raffiné dans des usines dont on ignore la nationalité .

Quoi qu’il en soit, Daesh a forcément des relations avec des clients et des fournisseurs. Ce sont ces clients qui ont d’abord été mis en garde par le G20. Pas question de travailler avec Daesh. Les Américains appliquent-là les règles qu’ils avaient édictées au moment de la guerre en Irak et en Iran jusqu’à une époque très récente.

Toutes les entreprises, les banques, qui ont été surprises à travailler avec des pays blacklistés par l’Amérique ont été condamnées à des amandes considérables, plusieurs milliards de dollars.

L’avertissement aux entreprises qui auraient la faiblesse de travailler avec Etat Islamique sont évidemment moins nombreuses. Mais enfin, il doit bien avoir des banques dans le monde qui blanchissent l’argent et des raffineries qui fabriquent du carburant avec le brut islamiste.

Les entreprises qui fournissent du matériel, des biens alimentaires sont plus difficiles à dénoncer dans la mesure où elles passent par des intermédiaires ou par des pays qui sont restés proches des milieux sunnites.

Le problème va se poser avec les monarchies du golfe auxquelles on vend des armes sans être certain qu’ils ne les expédient pas immédiatement après en Syrie. Les États du golfe ne sont pas directement en cause, mais les membres des familles régnantes peuvent se laisser aller à commercer. Par intérêt politique, par cupidité ou par solidarité familiale.

Pour beaucoup d’observateurs, cette guerre que l'on a du mal à définir, offre des armes qui sont les clés de son évolution. Avec davantage de renseignement, et ça passe par les systèmes cryptés, on saurait ce qui se trame.

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